Chaque année, Times Magazine présente la liste de 100 personnes «les plus influentes» dans le monde. Cinq africains en font partie dont deux africaines sur les 35 femmes désignées par le groupe de presse. Les cinq ont en commun d’incarner un grand espoir pour des millions d’africains. Cette année, on retrouve notamment Michelle Obama et son mari Barack Obama, l'actuel président des États-Unis, Lena Dunham, Beyoncé, Christina Aguilera, Kim Jong Un, Joe Biden, Steven Spielberg, Jennifer Lawrence, Aung San Suu Kyi ou encore Jay-Z.
Joyce Banda est devenue, en avril 2012, présidente du Malawi suite au décès de Bingu wa Mutharika dont elle était devenue, bien que vice-Présidente, une opposante farouche. En dépit de cette situation exceptionnelle, le Malawi a préféré respecter sa constitution et laisser Mme Banda succéder à son adversaire. A 61 ans, cette lauréate du prix Leadership Afrique 1997, ancienne secrétaire, fille de musicien, a mal démarré dans la vie. Femme battue par son premier mari, elle consacrera l’essentiel de ses efforts à lutter pour l’émancipation des femmes et l’éducation des filles. Depuis son arrivée au pouvoir, elle a abrogé toutes les dispositions autoritaires de son prédécesseur et fait souffler un vent de liberté sur le Malawi. La Présidente du Malawi a reçu le titre honorifique de Docteur honoris causa qui lui a été décerné par l’université Jeonju de Corée du Sud. Récemment, elle a critiqué la folie des grandeurs de la pop-star Madonna et le bien-fondé de ses œuvres de charité. «La bonté, dans son acception ordinaire, est gratuite et anonyme. Si elle ne peut pas être gratuite et silencieuse, ce n’est pas de la bonté, c’est autre chose. Cela s’apparente à du chantage. Qu'elle dise à la terre entière qu'elle fait construire des écoles au Malawi, alors que, en fait, elle a simplement contribué à la construction de salles de classe n'est pas compatible avec les manières de quelqu'un qui pense mériter d'être accueilli officiellement», avait asséné la dynamique Présidente Joyce Banda.
Actrice, chanteuse, mère de quatre enfants et philanthrope, Omotola Jalade-Ekeinde est la star de Nollywood, adulée par de nombreux Nigérians. Vedette de la seconde industrie cinématographique du monde par le nombre de films produits (2500 par an), Omotola Jalade-Ekeinde est également très impliquée dans son organisation caritative, le programme «Omotola Youth Empowerment» dans son pays d'origine, le Nigeria. Appelée affectueusement OmoSexy par ses millions de fans, elle aurait sans doute pu embrasser une carrière à Hollywood. Elle a choisi de rester au Nigeria, de tourner pour Nollywwod et de s’occuper des siens. Née en 1978 d'une famille de 5 enfants, elle est mariée au Capitaine Matthew Ekeinde depuis le 26 mars 1996. Omotola Jalade Ekeinde rejoint l'action d'Amnesty International visant à inciter la compagnie pétrolière Shell à admettre ses responsabilités, les assumer et nettoyer le delta du Niger. Une vidéo qu'elle a réalisée récemment montre l’actrice nigériane devant le siège de Shell à Londres en train de demander à Peter Voser, le PDG de Shell, de prendre ses responsabilités face à la pollution touchant la région. Militante de longue date au sein d’Amnesty International, elle a également soutenu l’action de l’organisation en se rendant en Sierra Leone pour évoquer la question de la mortalité maternelle.
Président de la Somalie, Hassan Sheikh Mohamoud est âgé de 56 ans. Il est né à Jalalaqsi, dans la région de Hiran au centre de la Somalie. L’actuel président a été élu en septembre 2012 par une assemblée composée de députés élus et de chefs traditionnels. Hassan Sheik Mohamud est un chef d’État sous haute sécurité. Il a contre lui les terroristes shebas, mais aussi tous ceux qui ont largement profité d’une absence totale de gouvernement pendant plus de 20 ans et qui n’apprécient pas les mesures anti-corruption qu’il est en train de mettre en place au péril quotidien de sa vie. Universitaire et militant de la société civile de longue date, M. Mohamoud est considéré comme un modéré qui pourrait rassembler les groupes politiques et les différents clans de Somalie. Une semaine après son élection, il était déjà victime d’un attentat, heureusement raté. Hassan Cheikh Mohamoud, considéré comme un modéré, est issu du même clan que le Président sortant, Sharif Cheikh Ahmed, le puissant clan des Hawiye, majoritaire dans la capitale Mogadiscio. Le président somalien est expert dans les questions de l'éducation et la résolution des conflits. Il a obtenu son premier diplôme supérieur à l'université nationale de Somalie en 1981, avant de décrocher en 1988 une maitrise à l'université Bhopal en Inde. Cinq ans plus tard, il est en charge de l'éducation pour le centre et le sud de la Somalie pour le compte de l'Unicef. Il restera à ce poste jusqu'au départ des forces de maintien de la paix des Nations Unies de la Somalie en 1995. En 1999, Hassan Sheikh Mohamoud fonde SIMAD University, pour doter la Somalie de gestionnaires et de cadres administratifs alors que le pays est ravagé par des conflits claniques et des insurrections qui n’ont toujours pas disparu. Selon le magazine Times, il demeure très influent dans le continent.
En Égypte, l’émission de télévision de Bassem Youssef «El Bernameg», sur CBC, est très populaire et ses clips vidéo réunissent des audiences pouvant dépasser 100.000 vues par jour. Bassem Youssef, né le 22 mars 1974 au Caire, est un médecin et un humoriste qui cause bien des soucis aux Frères musulmans au pouvoir en Égypte, après avoir été très en pointe lors du soulèvement contre le pouvoir d’Hosni Moubarak. Des clips vidéo humoristiques diffusés avec succès sur Internet ont conduit le procureur général d’Égypte, Talaat Abdallah, à ouvrir une enquête contre lui pour outrage au président Morsi et insulte à l’islam. Mais les soutiens nationaux et internationaux qu’il a recueillis ont fait reculer les autorités égyptiennes. Le célèbre animateur satirique a été libéré sous caution après un interrogatoire d'environ cinq heures. D'ailleurs, il est visé par plusieurs plaintes en raison de son émission satirique hebdomadaire "Al-Bernameg" qui tourne en dérision les figures politiques du pays, en particulier le Président issu des Frères musulmans et les islamistes.
Téléprédicateur
Yeux verts pétillant de malice, toujours élégant et le sourire aux lèvres, l'humoriste se montre impitoyable lorsqu'il commente l'actualité politique. Les épisodes de la saison 2 d'Al-Bernameg, qui a débuté en novembre 2012 sur la chaîne privée CBC, sont tournés chaque vendredi en direct et en public dans un théâtre. Du jamais vu. Utilisant un langage populaire, Youssef a fait des Frères musulmans au pouvoir sa cible de prédilection. Ses autres victimes ? Les salafistes, alliés à la puissante confrérie, et les téléprédicateurs, qu'il accuse d'exploiter la religion à des fins politiques. «De même qu'ils ne nous considèrent pas comme de bons musulmans, nous ne voyons pas en eux des prédicateurs ou des théologiens sérieux», avait-il lancé en décembre dernier.
Le chef de l’État tunisien est un président libéral de gauche nommé par une assemblée dominée par les islamistes dans ce pays où a fleuri le premier printemps arabe. Militant des droits de l’homme, Moncef Marzouki a la rude tâche d’assurer un pont entre une Tunisie religieuse et conservatrice et une autre, laïque, progressiste et viscéralement attachée aux libertés, dont celles des femmes. Médecin neurologue, Moncef Marzouki, 68 ans, s’est engagé dès 1979 dans la lutte pour la défense des droits humains, contre les régimes de Habib Bourguiba et de Ben Ali, à partir de 1987 (le colonel Ben Ali avait organisé «un coup d'État sanitaire» contre Bourguiba, alors malade). Persécuté, Moncef Marzouki, qui avait osé affronter la dictature en se présentant à l’élection présidentielle, a été forcé à l’exil en France à partir de 2001. A la chute de la dictature en janvier 2011, il est revenu en Tunisie où il a été élu Président de la République par l’Assemblée constituante onze mois plus tard. Moncef Marzouki est notamment auteur de l'essai : «Dictateurs en sursis». La revanche des peuples arabes (L’Atelier, 2009 et 2011).
Écrivain, il a aussi publié en avril 2013, un essai «l’invention d’une démocratie», paru en France aux éditions La Découverte. Homme de gauche d’une lucidité sans concession, et promoteur d’une alliance politique inédite et difficile avec les islamistes d’Ennahda, il livre dans cet essai les clés décisives pour dépasser les clichés sur le processus postrévolutionnaire tunisien. En effet, après le «printemps arabe» de 2011, beaucoup en Occident avaient annoncé le risque d'un «hiver islamiste». Mais, cette vision simpliste interdit de comprendre la complexité des défis qu'affrontent aujourd'hui les sociétés du monde arabe. D'où l'importance de cet essai éclairant de Moncef Marzouki, Président depuis décembre 2011 de l'État tunisien de transition qui a succédé à la dictature de Zine El-Abidine Ben Ali.
Et dans ce dernier essai, le Président tunisien a évoqué sans langue de bois les vrais enjeux : comment des sociétés privées pendant des décennies des libertés élémentaires, minées par la corruption, peuvent-elles édifier la démocratie ? Comment gérer la tension entre les tenants d'un islam politique souvent adepte des recettes néolibérales et leurs adversaires progressistes ? Comment conduire un programme d'action répondant aux attentes de la population : lutte contre la pauvreté et les inégalités, éducation pour tous, reconstruction d'une économie au service des citoyens, égalité hommes/femmes, justice indépendante... ? Comment, enfin, établir entre les sociétés du Sud et du Nord de la Méditerranée des rapports fondés sur le respect mutuel et des échanges équilibrés ?