L’ouvrage «Investissements pétroliers chinois en Afrique» de Robert d’Aboville et Qian Sun (L’Harmattan, 2010) traite de la présence chinoise en Afrique en relation avec l’exploitation du pétrole africain. Source d’informations sur les investissements pétroliers chinois sur le continent, il révèle des statistiques qui expliquent le «rapport de forces» entre les pays occidentaux (la France et les États-Unis) et la Chine dans le domaine de l’exploitation du pétrole africain. On y découvre que de 2007 à 2009, la Chine a multiplié ses investissements par plus de dix en Afrique : 520 millions de dollars en 2006 et 5,49 milliards en 2009. De la destination du pétrole africain, on découvre la répartition suivante. UE : 37,10% ; États-Unis : 30,20% ; Chine : 13,20% ; Inde : 5,30% ; autres : 8,90%. Trois points pertinents se dégagent dans ce livre.
Le pétrole africain convoité par la Chine
Face aux besoins colossaux en ressources énergétiques pour son développement, la Chine, désormais deuxième puissance économique mondiale, est obligée de diversifier ses importations pour stabiliser ses approvisionnements et ainsi ne pas dépendre d’un Moyen-Orient instable. D’où un nouveau partenariat stratégique avec moult pays africains producteurs de pétrole. En quelques décennies, elle est devenue le deuxième consommateur de pétrole dans le monde après les États-Unis. Mais il faut rappeler qu’elle est arrivée «en retard» en Afrique où les zones vierges sont rares, les anciens colonisateurs y ayant déjà leurs compagnies pétrolières. Malgré cette situation, elle s’est imposée dans presque tous les pays pétroliers africains avec son «gagnant-gagnant», en faisant fi des droits de l’Homme bafoués dans certains pays tels le Soudan. La Chine s’est remarquée surtout sur le continent entre 1995 et 2000, mais le vrai tournant des relations sino-africaines daterait du 3 au 5 novembre 2006 avec le troisième sommet Chine-Afrique. Les Chinois sont en Algérie où leur grand besoin en pétrole a provoqué la hausse du prix du baril qui a favorisé la réduction de la dette extérieure de ce pays. Ils sont les plus gros investisseurs au Soudan dans le développement des champs pétroliers. Mais dans cette région soudano-tchadienne, ils se livrent une guerre sans merci avec les Américains dans l’exploitation du pétrole. Au Cameroun, au Nigéria, au Gabon, au Congo et en Angola, la présence chinoise dans l’exploitation du pétrole est manifeste. C’est surtout en Angola qu’elle rencontre une plus grande opportunité que dans les autres pays où les réserves étaient déjà exploitées par les compagnies occidentales. Et cette opportunité est due à la guerre qui a secoué ce pays de 1975 à 2002 et qui aurait perturbé l’exploitation du pétrole commencée avant l’indépendance. Mais l’intérêt qu’a la Chine pour le pétrole africain inquiète les autres puissances.
Réactions occidentales
Presque tous les pays occidentaux déjà implantés en Afrique s’inquiètent de la concurrence chinoise dans le domaine du pétrole et le continent devient le théâtre de rivalités entre grandes puissances qui veulent sécuriser et garantir leur approvisionnement en pétrole. La présence chinoise en Afrique provoque des conflits d’intérêts sur fond d’approvisionnement énergétique. Si les Occidentaux désirent un changement structuré sur le plan politique et économique de la part des Africains pour le respect de la démocratie sur le continent, les Chinois se montrent plus pragmatiques en octroyant des prêts irresponsables pour les Occidentaux, et en se faisant « rembourser » en pétrole et en bois. Ce modèle chinois de coopération avec les Africains sans conditions dérange les Occidentaux et réduit leur influence sur les pays du continent qui font fi des principes démocratiques, car l’aide occidentale serait traditionnellement conditionnée par la bonne gouvernance que ne respecte pas la Chine.
Pékin octroie des prêts mais aussi des armes et soutient politiquement les pays africains qui peuvent lui garantir l’approvisionnement énergétique. Robert d’Aboville et sa collègue illustrent cette situation par les exemples du Soudan et du Zimbabwe. Les États-Unis, constatant leurs intérêts menacés par la présence chinoise en Afrique, maintiennent leur influence au Tchad, en Guinée équatoriale où ils seraient aujourd’hui le deuxième client après la Chine et devant l’Espagne. Cette guerre politico-économique que se livrent l’Occident et la Chine sur le pétrole ne laisse pas indifférents les Africains.
Impact de cette guerre pétrolière sur le continent
Le livre nous révèle certains problèmes qui se posent aux Africains avec l’entrée de la Chine sur le continent qui cause des «dégâts collatéraux», ou au moins perçus comme tels, dans certains pays : en Algérie, plus de 40.000 Chinois travaillent «à la place» des autochtones non qualifiés. Au Cameroun, malgré les cours du pétrole élevés en 2008, les bénéfices pour le pays n’ont été que de 443 milliards de F CFA contre 549 en 2006, une crise pour le budget camerounais de l’époque. Au Nigeria, les Chinois subissent, avec les Occidentaux, la loi des rebelles «kidnappeurs» du delta du Niger dans l’exploitation du pétrole.
Publié il y a deux ans, ce livre apparaît encore comme un important instrument didactique pour comprendre la géopolitique chinoise sur fond de stratégie énergétique en Afrique.