Article publié le 2008-05-20 par Alexandre Korbeogoi Politique
Côte d’Ivoire, La fin de la tragédie [05-06/2008]

Le 30 juillet 2007 à Bouaké, les chefs d'Etats majors des deux armées ont déposé leurs armes.

 

 

L. Gbagbo, G. Soro (au centre), et B. Compaoré (Président du Burkina Faso):Quand l'Afrique s'unit...

 

 

2000 armes ont été brûlées à Bouaké pour signifier la fin de la guerre.

 

 

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Le 30 novembre prochain, sauf apocalypse de dernière minute, les Ivoiriens iront aux urnes pour choisir leur président. Après plus de 5 ans de crise, le bout du tunnel est si proche et si loin, que le rêve est en train d'être transformé en réalité. Le mérite en revient d'abord à tous les Ivoiriens, ensuite au président Laurent Gbagbo et, enfin, aux acteurs politiques et civils qui ont su faire montre de tact pour éviter un bain de sang à ce beau pays. Et, au delà, au facilitateur Blaise Compaoré qui a su donner de son temps et de sa personne pour parvenir à ce résultat.

 

« Nous voulons la paix, nous sommes fatigués de la guerre »

Enfin !!! Pourrait-on dire. La Côte d'Ivoire a amorcé un virage décisif avec la fixation de la date du premier tour de l'élection présidentielle pour le 30 novembre 2008. Résultat d'un «large consensus» entre les principaux leaders politiques ivoiriens et le Premier ministre Guillaume Soro, soutenus dans cette action par le représentant spécial de l'ONU en Côte d'Ivoire et le facilitateur, cette date est sans équivoque. Elle est le fruit de «tractations politiques et sociales» qui ont fait peser dans la balance de la paix le désir des Ivoiriens de voir leur pays redevenir ce havre de paix et d'éléphant d'Afrique qu'on lui connaît. Depuis septembre 2002, la Côte d'Ivoire a beaucoup souffert de cette situation qui a non seulement plombé l'économie du pays mais aussi freîner les initiatives de développement que s'apprêtait à lancer le président Laurent Gbagbo, suite à son élection à la présidentielle de 2000. En tout état de cause, la Côte d'Ivoire est sur la bonne voie. C'est une voie tracée dans le marbre de la volonté des acteurs politiques de sortir de cette situation de ni paix ni guerre. L'Accord politique de Ouagadougou signé le 04 mars 2007 ainsi que les accords complémentaires ont balisé le terrain lors-que les autres accords de Pretoria, de Marcoussis, d'Accra, de Lomé sont passés à côté de l'assurance de donner une réelle chance de sortie définitive de crise. La

Côte d'Ivoire s'est retrouvée dans les accords de Ouagadougou parce que ceux-ci ont été le fruit d'une initiative des ivoiriens pour les Ivoiriens. Aujourd'hui, le bénéfice est à la nation entière, même si des ennemis de la paix tapissent dans l'ombre prêts à faire capoter cette initiative louable. L'illustration de cette «cacophonie sinistre» a été l'attentat contre le Premier ministre Guillaume Soro à Bouaké le 29 juin 2007, alors qu'il s'apprêtait à donner un coup d'accélérateur au processus de paix avec l'installation des magistrats chargés de surveiller les audiences foraines. Ce fut le froid qui a failli mettre en péril ce que des hommes comme Laurent, Blaise, Guillaume sont en train de bâtir. Mais, la Côte d'Ivoire étant un pays béni, un pays qui, même s'il chancelle, renferme toujours les germes de paix dans le sang.

Les élections reposent sur trois institutions

Les audiences foraines reprises après la signature de l'APO se poursuivent sans grosses difficultés en Côte d'Ivoire. A la date du 14 avril 2008, plus de 400 000 jugements supplétifs avaient été délivré selon l'ONUCI qui supervise cette opération en compagnie de l'Institut national de la Statistique (INS), de la Commission électorale indépendante (CEI) et de SAGEM, l'opérateur technique chargé du recensement électoral et de la délivrance des cartes d'électeurs numérisées. La réussite des élections libres et transparentes repose sur ces trois structures. Elles ont la lourde mission de faire en sorte que les résultats auxquels elles parviendront acquièrent l'assentiment des acteurs politiques ivoiriens. In fine, ils ne doivent souffrir d'aucune contestation.

Trois hommes, un fauteuil

Au premier tour de l'élections présidentielle de novembre, trois figures emblématiques se livreront une bataille sans merci. Laurent Koudou Gbagbo, le président actuel sous la bannière du Front populaire ivoirien (FPI), Henri Konan Bédié du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI) et Alassane Dramane Ouattara du Rassemblement des républicains (RDR) sont les poids lourds de cette odyssée électorale. Premier impétrant sérieux, l'actuel président Laurent Koudou Gbagbo qui, en sus des arguments traditionnels, va surfer sur son image de «vainqueur de la guerre» ainsi que de gardien de l'intégrité territoriale et de l'unité du pays. S'il affirme volontiers n'avoir pas gagné la guerre, Gbagbo ne dédaigne pas en effet de se présenter comme celui, grâce à l'action duquel «le complot étranger» contre la Côte d'Ivoire a échoué. C'est ainsi qu'il a élargi le cercle de ses patriotes, en portant sur les fonts baptismaux, un comité national pour la démocratie, qui ratisse au-delà de ses partisans traditionnels.

Comptant en son sein des hommes comme Camille Alliali, ex-ministre d'Etat d'Houphouët Boigny, ou Laurent Dona Fologo, qu'on ne présente plus, ainsi que Bernard Dadié, ce comité se veut donc «l'incarnation» de la Côte d'Ivoire une et plurielle qui regarde dans un seul sens, celui du progrès. Avec l'appui discret mais efficace de Simone Gbagbo dont les formules-chocs et parfois choquantes ont le don de maintenir les militants en veille, ce comité a déjà commencé à battre campagne à travers l'inauguration de moult infrastructures, construites par l'Etat certes, mais capitalisées comme c'est le cas en Afrique, au compte du «chef» Gbagbo. Aussi les jamborees au profit de la jeunesse se multiplient avec des promesses d'un avenir radieux à travers notamment le service civique prévu par l'Accord de Ouagadougou. Conscient aussi que la donne ethnique, quoique résiduelle, peut jouer un rôle capital lors de cette consultation électorale, Gbagbo a multiplié les gestes de bonne volonté et les actions spectaculaires en direction des Akans et des Dioulas.Quant à Bédié et Ouattara, ils joueront les outsiders. Mais, au vu des forces en présence, le président Laurent Gbagbo a plus d'une chance sur deux de devancer ces adversaires parce qu'il est plus enclin à maîtriser les contours de la «réal politik» ivoirien. Historien de formation, il a la poigne d'un homme politique dont les techniques n'ont d'égal que lorsqu'il prend à la trappe ces adversaires. Les jeux sont ouverts et le mal que l'on peut souhaiter à la Côte d'Ivoire est que cette page triste de son histoire soit définitivement tournée. Et, de la bonne manière.