La République Démocratique du Congo n’est pas seulement un Eldorado où se retrouvent minerais et métaux précieux en nombre incalculable ; c’est également un havre constitué de forêts immenses favorisées par la diversité du microclimat qui explique aussi l’extraordinaire richesse de sa faune.
Pétrole, l’effet Lotto
Dans cette espèce de paradis terrestre, d’immenses territoires se démarquent et appellent une protection particulière. Il en est ainsi des parcs nationaux dont le plus ancien est le parc des Virunga dans la province du Nord-Kivu. Cette réserve qui abrite les derniers gorilles des montagnes jouxte en outre le lac Mobutu (Édouard), réservoir inépuisable de tilapias et autres espèces. Un tel amoncellement de prodiges de la nature aurait dû accoucher d’une histoire où percerait la vénération devant tant de merveilles. Le monde entier s’en rend compte et, par le biais de l’Unesco, permet que le site des Virunga soit inscrit au ‘Grand Patrimoine de l’Humanité’.
Cette distinction n’a pas seulement une portée symbolique ; elle s’insère également dans la foulée de la productivité économique. Le tourisme de masse est de nos jours un vivier en termes de création d’emplois et de ressources financières qui ont le mérite de la durée.
Je ne connais pas beaucoup de pays dans le monde qui ne s’en contenteraient. Pourtant, c’est oublier qu’un sortilège vertigineux frappe l’existence, dans certains pays africains, d’importants gisements de pétrole. Ce que la multitude appelle ‘Or noir’ peut être à la fois la meilleure et la pire des choses.
L’exemple de la cité fantôme
La meilleure par son effet ‘Lotto’ qui sous-entend un déversement de ressources financières considérables en un temps record, lesquelles interfèrent dans un processus économique comme un cheveu dans la soupe. Elles peuvent, néanmoins, constituer des réservoirs de financement des projets de développement rentables pour le plus grand nombre. Généralement, par contre, elles cheminent, et c’est le revers odieux de la médaille, sur des itinéraires rocambolesques : entre les poches des décideurs et le gaspillage dans quelques réalisations totalement inutiles. Un exemple assez désolant m’a inspiré : la construction par un état pétrolier important d’Afrique d’une cité flamboyante destinée à une classe moyenne fantomatique, car, dans ce grand pays, le milieu n’existe pas. Il y a les quelques très riches et la majorité, très pauvre. Résultat des courses : une immense agglomération ponctuée de tours vides. Conçue pour abriter près de cinq cent mille habitants, cette cité d’allure pharaonique est vide. Presque un an après que le premier lot de 2800 appartements a été mis sur le marché, seuls 220 d’entre eux ont été vendus entre 120.000 et 200.000 US$ chacun. L’explication de ce raté a été fournie plus haut. Et dire que cette réalisation a coûté 3.5 milliards de dollars à l’état en question !
Entre les pétrodollars et la préservation de la nature
Revenons à la R.D.C. dont les sites touristiques d’importance ont été, pour la plupart, classés par les instances ad hoc. Mais ils sont menacés, comme pour bon nombre de pays en Afrique. «Le cas de la République Démocratique du Congo (R.D.C.), ravagée par les conflits, est le plus édifiant : ses cinq sites, sanctuaires et biosphères inestimables, sont considérés en danger depuis 1994 (cf. Sophie Laudrin in Le Monde du 28 juin 2012).» Le plus concerné dans le contexte des périls qui menacent les sites du patrimoine mondial est le Parc national des Virunga. Ce sanctuaire qui a subi les ravages, à l’Est du pays, de la guerre et du braconnage voit se profiler à l’horizon celui du pétrole. La recherche pétrolière est en effet celle qui porte à terme la destruction des écosystèmes dans la mesure où elle s’installe en excluant toute possibilité de refaire l’espace perdu. Or, les autorités congolaises ont concédé aux multinationales du pétrole de procéder à des prospections dans une zone qui représente 85% du parc des Virunga.
Cette attitude pose un ensemble de questions à la fois politiques et éthiques. La problématique est complexe, car elle postule, d’une part, que les sites naturels appartiennent à tous les autres, et, d’autre part, que la souveraineté des États confère à ceux-ci la pleine jouissance des ressources se situant sur leurs territoires. Ce parallélisme débouche sur une aporie. Une quadrature du cercle. Conscientes, les instances internationales mettent une pression maximale sur Kinshasa. L’étude d’impact financée par l’Union européenne doit permettre d’explorer d’autres solutions. «Le pétrole ne crée pas d’emplois. Il génère une rente captée par une élite alors que le tourisme et les pêcheries qui se développent sur le lac Édouard permettent de faire vivre des milliers de personnes », rapporte Laurence Caramel citant un proche du dossier dans Le Monde du 28 juin 2012. Et la journaliste de conclure : «Mais ce discours est-il audible dans un pays où les caisses de l’État sont vides et les besoins immenses ? Tout indique que non.»
Bref, entre la protection de l’environnement ainsi que les avantages sociaux qui résulteraient de cette profession de foi écologiste et la face reluisante des pétrodollars, le choix n’est pas clair. Ô, Roi Salomon, venez à notre secours !