Article publié le 2008-04-27 par Cornelis Nlandu Economie
Révisitation des contrats miniers en RDC : Le tremblement de terre n’aura pas lieu [03/2008]
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Kinshasa vient de livrer les premières conclusions de son fameux dossier sur « la révisitation des contrats miniers ». Une commission interministérielle devait en effet relire les accords de cession des mines signés dans des conditions souvent nébuleuses avec des consortiums pour la plupart logés dans des paradis fiscaux. Qu'en est-il au juste ?

Le 1er vice-président du Parlement congolais, M. Christophe Lutundula Pen'Opala, que Le Nouvel Afrique avait rencontré fin janvier à Bruxelles, nous avait déjà prévenus : Il ne faudra pas s'attendre à une sorte de tremblement de terre. A son avis, dans un tel dossier, il ne faut pas avoir « une vue sectaire, mais globale », en se posant cette question : « Nous allons appliquer telle mesure, quels en sont les effets collatéraux et comment va-t-on les gérer ? » Pour quelqu'un qui est au parfum des secrets de la cour, il ne croyait vraiment pas bien dire.

En effet, c'est en Afrique du Sud, précisément à Indaba, près de Cape Town, en marge de la préparation début février 2008 de la conférence sur l'investissement minier, que le ministre congolais des Mines a livré les premiers éléments du rapport tant attendu aussi bien dans les milieux nationaux qu'étrangers. Victor Kasongo Shomary, dans la même logique évoquée par le vice-président du Parlement, n'a pris aucune sanction. Il a au contraire accordé « une nouvelle opportunité aux sociétés minières frappées par la commission interministérielle de révisitation des contrats miniers de présenter leurs moyens de défense pour obtenir la reclassification dans la catégorie de compagnies minières éligibles de travailler » en RDC. C'est tout dit. Que les gens friands des catastrophes et qui s'attendaient à l'hécatombe se mordent le doigt.

24 contrats susceptibles d'annulation

Selon les précisions du ministre congolais, sur 61 contrats de partenariat examinés par la commission, aucun ne figure dans la catégorie A des « viables ». Elle a recommandé à cet effet l'annulation de 24 contrats, parmi lesquels ceux concernant Swanepoel et Exaco, partenaires de la Gécamines, la grande société d'extraction de cuivre en déperdition. Sont aussi visés les contrats signés par la Sengamines avec la MIBA, qui extrait le diamant congolais, ainsi que AMANI Gold avec l'OKIMO, la grande mine d'or de Kilo-Moto, tout comme la convention avec Anvil mining sur le gisement de Dikulushi et Kapulo au Katanga.

Parmi les autres sociétés minières fichées et dont les contrats sont en voie de résiliation figurent Kabongo Development Co. Sprl, Gem Diamonds Sprl, Ivanhoe Nickel & Platinium, Comisa Sprl, Frontier Sprl, Tenke Fungurume Mining, Canaccord Capital, Rubamines et Adimasa, des consortiums souvent sans pignon sur rue, avec des dividendes qui ne sont répertoriées dans aucun registre. Voilà la nébuleuse que la commission interministérielle était censée éclaircir.

Pour M. Victor Kasongo, le processus d'appel administratif bref et clair, donné à chaque compagnie minière lui permet de rentrer dans le rang d'opérateurs miniers crédibles afin que les richesses servent à la rescousse de la RDC. Il a félicité le groupe Malta Forrest, par le biais de sa filiale Katanga Mining, d'avoir rétrocédé à la Gécamines deux gisements miniers pour un montant de 8,5 milliards de dollars américains devant servir de contrepartie pour la construction des grands travaux d'infrastructures par la partie chinoise.

Enrayer la gangrène de la corruption

L'objectif de la révisitation des contrats miniers n'était pas de chasser ni terroriser les opérateurs économiques, nous avait prévenu M. Lutundula, mais afin que l'activité économique se fasse dans les règles de transparence et permette au gouvernement d'engranger des dividendes de l'exploitation pour investir dans l'amélioration des conditions de vie de la population.

Mais, l'imbroglio qui a élu domicile dans le secteur n'est pas éradiqué pour autant, nationaux et étrangers croyant à tort que les mines sont les seuls porteurs. Le désordre est même parfois exacerbé par des situations aussi cocasses qu'invraisemblables, avec un vice-ministre signant un contrat qui est révoqué par son ministre peu de temps après.

Ainsi, avec son niveau de corruption frisant le record mondial en la matière, rien n'est acquis. En effet, selon le ministre congolais de l'Administration publique, Laurent-Simon Ikenge, jamais la RDC n'a dépassé le seuil de 2.3 sur l'échelle de coefficient de 10 points attribués aux pays à probité morale élevée aux termes des trois derniers rapports de l'ONG « Transparency International ». Au contraire, le dernier, celui de 2007, relève la RDC à la 168ème place sur les 179 pays les plus dépravés de la terre, avec une note inférieure de 1.9 sur 10.

C'est pour enrayer cette gangrène qu'un protocole d'accord vient d'être signé avec l'Afrique du Sud. La Banque mondiale s'est également engagée dans la lutte contre la fraude en vue de la bonne gouvernance et la transparence dans la gestion du secteur minier en RDC. Dans l'espoir que cette fois soit la bonne, et que le scandale géologique de la RDC, qui possède 34,5% de réserves mondiales de cobalt, 10% de réserve en cuivre et toutes sortes d'autres minerais convoités par les grandes multinationales à travers le monde, puisse enfin servir comme rampe de lancement pour le développement de ce pays et, pourquoi pas, de l'Afrique toute entière.