L'Angola se rappelle au souvenir par une longue guerre civile (27 ans) qui a plombé le développement d'un pays important et réduit ses marges de manœuvre en dépit d'une exploitation tous azimuts de ses énormes gisements pétrolifères.
Même si sa monnaie est relativement stable par rapport au dollar américain et qu'en 2005 son taux d'inflation était de 30 % contre 76 en 2003, l'Angola reste un pays quelque peu complexe. Malgré un PIB par tête d'habitant de 1.080 dollars, cela n'empêche qu'actuellement et dans « presque tous les secteurs, la production nationale est très faible et l'Angola est contraint d'importer presque toute sa consommation, principalement les denrées alimentaires de première nécessité ainsi que les biens d'équipement et matériels nécessaires pour l'exploitation et l'industrie, même ceux qui pourraient être produits localement ». Ces précisions sont contenues dans « Perspectives et opportunités », une brochure produite par l'Ambassade d'Angola en France.
Les séquelles de la guerre sont omniprésentes et, en dehors du secteur pétrolier où les Chinois, entre autres, ont mis un paquet de 2 milliards de dollars pour financer contre pétrole certains projets d'envergure, les investisseurs ne se bousculent pas au portillon. Nonobstant la promulgation dès les années 1990 d'une loi libéralisant l'économie angolaise et la présence de l'Agence nationale pour l'Investissement privé (ANPI) qui garantit des avantages fiscaux et douaniers. En revanche, sont entrepris des travaux sur une échelle limitée ayant trait à des infrastructures de base (chemin de fer, routes et voiries urbaines, construction de logements).
N'empêche que l'Angola offre encore l'image d'un pays à gros risque. D'autant plus qu'au lendemain de la disparition en 2002 de Jonas Savimbi, le leader de l'Unita, le gouvernement angolais avait la haute main sur la sécurité de l'ensemble du territoire et, aidé par la hausse vertigineuse des prix du pétrole dont l'Angola est en passe de devenir le deuxième producteur africain, il aurait dû garantir grâce à la paix retrouvée une stabilité politique durable. Holà ! Les dirigeants de Luanda pensent qu'il faut donner du temps au temps.
Un pays plein d'avenir
Mais l'Angola qui possède 1.650 km de côte sur l'Océan Atlantique et 4.837 km de frontières terrestres demeure un pays d'avenir. Avec une croissance de 12,2 % contre 3,4 en 2003, ce pays a diversifié ses produits d'exportation, qui vont du pétrole et du diamant aux poissons et à ses dérivés, vendus principalement vers les Etats-Unis (47 %), la Chine (30 %), la France (7 %) et la Belgique (6 %). Doté d'un potentiel agricole, halieutique, hydrologique, géologique et minier considérable, il s'agit là d'un pays extrêmement riche, avec un sous-sol renfermant, outre le pétrole et le diamant, du gaz naturel, des phosphates, des substances bitumeuses, du fer, de la manganèse, de l'or et des roches ornementales.
Par ailleurs, les exigences de la reconstruction, après autant d'années de guerre, impliquent la réalisation des grands travaux au plan de la modernisation du tissu industriel ainsi que des structures de base. Des opportunités d'investissements qui s'offrent ainsi dans presque tous les domaines, principalement dans les secteurs de l'agriculture et de l'élevage, de la pêche, de l'industrie, des bâtiments, de la santé, de l'éducation et des infrastructures pour
la réalisation des travaux d'assainissements urbains et ruraux ainsi que la construction des routes, ponts, écoles, hôpitaux et autres services.
En attendant, le régime angolais, qui maîtrise la communication politique à l'intérieur, doit aussi donner des gages à l'extérieur de son implication dans le processus démocratique, qui ne s'arrête pas, loin s'en faut, à l'organisation des élections. Trop de difficultés apparaissent et qui ne sont pas seulement le fait de l'hypothèque d'une histoire nationale au parcours jonché d'un million de morts, de trois millions de déplacés et des destructions sans nom, auxquels s'ajoute le dénuement dramatique des populations rurales et d'une grande partie des citadins, malgré les milliards de la manne pétrolière.
Les Cabindais absents du festin
Interview express du Président du FLEC
Ce pays a, sans doute, un grand avenir. Il lui faut, en tout cas, construire son destin sur une base qui évite de consacrer les rapports de force, l'injustice des rentes et l'acculturation. Prenant à rebrousse-poil les responsables à Luanda, les dirigeants cabindais en dissidence s'étonnent du grotesque de la situation au Cabinda, une province qui produit 65 % des recettes en devises de l'Angola, mais dont les autochtones, disent-ils, ne sont pas invités à la table du festin. L'interview express du Président du Front de libération du Cabinda (FLEC), M. Tiago Nzita Henriques, ci-dessous, est très explicite à ce sujet :
LNA - Quel est l'état des rapports entre le Flec que vous représentez et le gouvernement de Luanda ?
M. Tiago - Si cela ne dépendait que de nous, ces rapports seraient ceux basés sur le respect mutuel. Or, le gouvernement angolais, en continuant de nier notre existence, bafoue le principe même de l'autodétermination des peuples, consacré par les Nations Unies.
Pourtant Luanda a fait un appel du pied en votre direction, dans une démarche de type réformiste. Un de vos compagnons, en l'occurrence M. Bento, est dans la capitale à l'heure actuelle, où il anime une branche de votre mouvement.
- M. Bento ne représente que lui-même. Il est malheureux qu'on appréhende le problème cabindais sous l'angle de la récupération politique. Comme à son habitude, le gouvernement angolais a vu en lui le maillon faible par lequel il peut atteindre notre mouvement sans coup férir et sans contrepartie. Nous aurions souhaité qu'il y ait une preuve même verbale de bonne volonté de la part du gouvernement. Rien n'est venu de notable. En récupérant Bento, Luanda n'est pas parvenu à affaiblir le Flec, qui est toujours présent. Le jeu du pouvoir luandais a échoué.
Au cas où vous adhéreriez au principe d'une négociation avec Luanda, quel pourrait en être le contenu ?
- Nous partons sur la base du droit de notre peuple à s'auto-diriger et qui est aujourd'hui spolié à la suite d'un déni de justice. La décolonisation de l'Angola a montré que l'intérêt national prime sur les intérêts individuels même si, au demeurant, les partis angolais ont obtenu l'indépendance un peu en ordre dispersé. Les circonstances historiques ont fait que le Cabinda ait été un protectorat portugais et qu'à ce titre, toute décision majeure le concernant devait faire l'objet d'une consultation des autochtones eux-mêmes. Ce qui ne fut pas le cas. Aujourd'hui les Angolais méprisent notre revendication d'indépendance et, au lieu de chercher une entente avec nous, viennent au contraire nous massacrer sur notre terre.
LNA - Quel rôle croyez-vous que l'OUA peut jouer dans ce dossier ?
Président Tiago - Cela me chagrine terriblement que le problème si ancien n'ait jamais fait l'objet d'une attention soutenue de l'OUA en particulier et de la Communauté internationale en général. Le Kenya aux prises avec ses propres démons intérieurs mobilise le monde entier. Du président en exercice de l'OUA, M. John Kufuor, en passant par l'ancien secrétaire général de l'ONU M. Kofi Annan, sans oublier les apparitions médiatiques de M. Ban Ki-moon à Nairobi. Tous y vont à fond la caisse. Mais la question cabindaise, dans laquelle tout un peuple assiste depuis fort longtemps impuissant à l'écrasement de ses espérances, ne suscite guère les mêmes préoccupations.