Mal partie depuis les indépendances, selon Réné Dumont, l’Afrique, après la période aléatoire des années 70 et 80, commence à se redresser économiquement.
Le Congo pour sa part connait ces dernières années un essor économique (avec un PIB par habitant de 4000 dollars, soit plus d’un million de francs CFA) qui malheureusement ne profite pas totalement aux populations : 70% des Congolais vivent avec moins d’un dollar par jour. Pourquoi ce paradoxe dans un pays riche et en croissance ?
État des lieux : pauvreté sur le plan sanitaire et éducatif
Le Congo connaît l’un des taux de mortalité infantile les plus élevés au monde avec une prévalence de 69% et avec la résurgence des maladies presque éradiquées il y a quelques années comme la poliomyélite et le choléra. En matière de santé, les dépenses ne dépassent guère les 3% du budget. Au niveau de l’éducation, les royalties provenant de la commercialisation du pétrole n’ont pas vraiment un impact louable sur la population ; le taux de scolarité de 99% en 1960 est passé aujourd’hui à 86% (statistiques de 2006-2007). Le Congo qui consacrait 10% de son budget à l’éducation dans les années 60, n’en réserve plus que 4%. En cinq décennies d’indépendance, le budget congolais a connu une croissance exponentielle, surtout au cours de ces dernières années, avec la rente de l’exploitation du bois et du pétrole. Mais malgré le PIB qui avoisine celui de certains pays émergents, le pays peine à améliorer le bien-être social de ses populations.
Esquisse d’explication de ce paradoxe
Avec une croissance fondée essentiellement sur la rente du bois et du pétrole, celle-ci ne peut qu’être très inégalitaire. Cette exploitation ne bénéficie en effet qu’à ceux qui profitent de ces secteurs, et avec des effets d’entraînement faibles ; les dividendes réservés à la population s’avèrent maigres. Pour qu’il y ait un vrai développement, il faut une politique d’entreprenariat qui, dans sa mise en oeuvre, favoriserait l’échange et la division du travail, saines fondations d’une croissance solide et durable. Cette politique manque malheureusement au Congo : selon la Banque mondiale et d’après les indicateurs de corruption de Doing business, le Congo est classé en 181e place sur 183 pays.
Bureaucratie pléthorique, odieuse et même tribaliste. Les Congolais aspirent en majorité à devenir agents de l’administration publique. Or, un tel modèle étouffe le développement qui devrait se réaliser par le biais de l’entreprise. Dans les institutions économiques du pays, la corruption se présente comme source de difficultés pour lancer des projets. Seuls les multinationales ou les réseaux d’investisseurs étrangers ont le pouvoir de négocier avec la bureaucratie corrompue, en faisant fi parfois, notamment pour ce qui est des multinationales de l’extraction, des préoccupations élémentaires des populations. Un constat amer : l’absence notoire des Congolais dans le secteur du grand commerce (alimentation, pièces de rechange des véhicules, matériaux de construction…) qui est à 90% aux mains des étrangers comme les Ouest-africains, les Libanais et aujourd’hui les Chinois. Sans doute cela peut-il s’expliquer aussi par l’habitude des Congolais ancrés plus dans les activités d’autoconsommation alors que les « autres» se sont toujours remarqués par la recherche d’un ailleurs propice pour le grand commerce. Dans ces conditions, la corruption appelle la corruption. À ce propos, la Commission de lutte contre la corruption mise en place en 2007 spécifie dans son premier rapport publié le 15 octobre 2011 qu’aucun secteur d’activité (économie, structures publiques, partis politiques, Église…) n’est épargné par la corruption. De 2003 à 2007, quelque 265 marchés publics d’un montant de 82 milliards de francs CFA n’ont pu être exécutés convenablement. La richesse des uns n’entrainant pas celle des autres dans ce jeu à somme nulle, certains Congolais sont obligés de vivre dans la précarité.
Pas d’initiative active à l’entreprenariat
Au Congo, l’essor économique ne peut pas largement profiter aux populations car il est fondé sur le cercle vicieux de la rente du bois et du pétrole. Et il ne peut y avoir de développement soutenable avec une mal-gouvernance des institutions économiques. En ce qui concerne la corruption au niveau de la rente pétrolière, on peut cogiter par exemple sur l’exploitation de cette matière première par les multinationales pendant la guerre de juin 1997, celles-ci n’ayant pas besoin, à la différence des autres entreprises, d’un climat sain pour gérer leurs affaires. Elf, par exemple, pouvait pomper le pétrole à sa guise, alors que les institutions économiques du pays étaient paralysées. Le paradoxe entre l’essor économique et le faible niveau de vie que nous présente le Congo ne peut être effacé que par la lutte contre la corruption qui gangrène les institutions nationales. Celles-ci doivent en même temps assouplir les réglementations trop complexes ou onéreuses qui apparaissent comme un frein à l’éclosion de l’entreprenariat. Compter sur la rente du bois et du pétrole pour améliorer convenablement le social des Congolais est un leurre car elle est gérée d’une façon opaque par les institutions nationales, souvent « en complicité » avec certaines multinationales.
Le Congo, comme la plupart des pays africains, se trouve confronté aux dégâts causés par l’abus du pouvoir, l’enrichissement illicite, le népotisme, des maux que devraient dénoncer à tout moment les pays partenaires, les ONG qui luttent pour le développement du continent, mais aussi la diaspora congolaise, trop silencieuse.