Le président américain, George W. Bush a achevé le jeudi 21 février 2008, par le Liberia, une tournée africaine qui l'a conduit dans cinq pays subsahariens, souvent pour quelques heures. Faut-il conjecturer sur la portée de cette sortie, sa dernière sur le continent, avant de passer le flambeau ?
George Bush était arrivé à Monrovia pour quelques heures, pour une première visite d'un président américain depuis 30 ans, afin d'apporter son soutien à la première dame élue Chef de l'Etat d'un pays africain, Ellen Johnson Sirleaf. Il lui a certifié la promesse des Etats-Unis pour une aide conséquente en vue de la reconstruction de ce pays ravagé par une guerre civile qui a duré près de 15 ans, de 1989 à 2003.
Auparavant, il avait effectué une brève escale au Bénin, avant de consacrer la plus longue étape de son périple à la Tanzanie, dont le président Jakaya Kikwete est considéré par Washin0gton comme un modèle de dirigeant progressiste en Afrique, que Bush a d'ailleurs gratifié d'un chèque de 698 millions de dollars (475 millions d'euros) pour ses efforts visant l'assainissement des finances publiques dans son pays. Cette aide, étalée sur cinq ans, s'inscrit dans le cadre d'un programme contre la pauvreté et de promotion de la croissance économique touchant des secteurs comme le transport, l'énergie et l'adduction d'eau.
Ensuite, il s'est rendu au Rwanda, qui a connu un effroyable génocide en 1994 avec le massacre de 800.000 de ses habitants. Avant de s'envoler pour le Ghana, pénultième étape de sa tournée, Bush venait là, à l'instar de son prédécesseur Bill Clinton et du Premier ministre belge Guy Verhofstadt, demander pardon au nom du peuple américain pour non assistance à peuple en danger. Principal fournisseur d'aide financière bilatérale au Rwanda, Washington a aidé Kigali pour près de 800 millions d'euros depuis 1994, dans des domaines comme l'économie, l'humanitaire, la santé ou encore la justice.
Satisfecit pour « bonne gouvernance » mais …
Même si le choix des pays relève de la souveraineté de chaque Etat, l'on aura tout de même noté qu'il a superbement évité certaines contrées, surtout celles où on ne lui a jamais pardonné son acharnement en Irak. Mais, si l'on en croit le communiqué diffusé par la Maison Blanche, certainement en direction des naïfs, il fallait saluer dans les capitales visitées les « efforts déployés sur le plan de la bonne gouvernance et de la démocratie ». Alors même que certains Etats africains ont fait plus. Soit.
Pour les observateurs, il fallait y voir plutôt une tentative de contrer l'influence grandissante de Pékin, aujourd'hui le troisième partenaire commercial du continent, derrière l'Union européenne et les Etats-Unis. Mais l'odeur du pétrole et du gaz n'est pas non plus étrangère à l'empressement de Bush. En effet, pour financer les visées de Washington liées à la « la Stratégie nationale de sécurité », qui amène la bannière étoilée à se déployer à travers le monde, il a également voulu consolider la présence américaine sur les réserves de pétrole en Afrique. Ceci, d'autant plus qu'avec l'assèchement de certaines nappes, 25% de son pétrole devrait provenir de l'Afrique d'ici à 2015, essentiellement du Golfe de Guinée, avec des pays de son obédience tels que le Nigeria, l'Angola, le Gabon et la Guinée Bissau.
Un clin d'œil sur les minerais de la RDC
De plus, il faut également lorgner sur les minerais des pays des Grands Lacs, que Washington peut ainsi acquérir à vil prix. D'où l'importance que le président américain attache à Kigali, et qui explique le peu d'empressement à faire pression sur leur allié Paul Kagame pour lever le pied en République démocratique du Congo. Washington, qui n'a jamais caché son soutien tant politique que militaire au Rwanda, a prestement évité la RDC située de l'autre côté de la frontière. Avec ses 5 millions de morts, le compte n'est certainement pas assez bon que pour traverser et présenter les excuses américaines pour non assistance.
La propension congolaise à nouer des liens commerciaux d'envergure avec Pékin, mais surtout le peu d'empressement de Kinshasa à assainir ses finances et l'indice de corruption parmi les plus élevés de la planète ne seraient pas non plus étrangers à l'indifférence affichée par le président américain à son égard.
Ainsi, le dernier voyage de Bush l'a été en direction de « ses amis les plus fidèles », ceux qui font preuve de « bonne gouvernance ». Tandis que ceux qui ont été ignorés devraient, de l'avis non avoué, améliorer leur performance sur le plan de l'assainissement des finances publiques, mais surtout de l'utilisation des revenus de leurs productions pour relever le niveau de vie des populations.
L'opinion reste défavorable à Washington
Mais, au-delà des contorsions de Bush à faire accréditer les efforts déployés par les Américains, l'opinion dans les pays visités n'est pas restée dupe. Le Bénin, première étape, où Washington intervient dans la lutte contre le paludisme, dénonce par ailleurs les subventions grassement accordées aux producteurs américains du coton, et qui mettent à mal la vie de leurs homologues africains.
Washington n'est pas non parvenu à vendre le concept d'un commandement militaire américain en Afrique, l'AFRICOM, actuellement installé en Allemagne. Le Nigeria, terrain de predilection, a opposé son refus à ce sujet, après les pays du Maghreb. Même le chèque au président tanzanien n'a pas empêché la population de démontrer son hostilité vis-à-vis de la politique étrangère des Etats-Unis. Quelque 2.000 musulmans ont défilé à Dar es-Salaam pour dénoncer Bush et sa guerre autoproclamée contre le terrorisme. Si Bush n'a pu réussir à se faire des amis dans les pays visités, il aura en tout cas multiplié son capital méfiance dans les Etats ignorés.