La pêche en Afrique ne s’arrête pas qu’au poisson. Pour globaliser l’ensemble des ressources extraites des eaux africaines, il sied de parler de ressources halieutiques, même si le poisson est dominant parmi ces ressources. Sur le continent, la diversité des espèces fait le lit des bénéfices tirés de la pêche. Des milliers de tonnes de poissons sont capturés par an en Afrique.
Du pêcheur artisanal au grand chalutier qui mouille aux larges des côtes africaines, les bénéfices tirés de la diversité des produits de la mer en Afrique sont multiples et multiformes. Véritable industrie qui nourrit des familles de génération en génération, la pêche est devenue dans certaines contrées du continent une activité de laquelle on ne peut se défaire. Tous les pays africains disposent de milliers de village pêcheur. Des pêcheurs traditionnels qui migrent en fonction des saisons et en fonction de la productivité des cours d’eaux. Ces pêcheurs traditionnels ne connaissent pas les frontières ni de barrières linguistiques. L’on peut trouver un pêcheur traditionnel au Mali et le retrouver quelques mois plus tard au Sénégal ou en Mauritanie ou mieux encore, dans les fonds des eaux du fleuve Niger sur les bords du Niger. En Afrique, même si la pêche industrielle commence à s’installer dans les habitudes, la pêche traditionnelle est le leitmotiv, le tremplin de toutes les formes de pêche sur le continent. Elle nourrit des milliers de famille et contribue pour beaucoup dans les économies des Etats. Il y a au moins 400 000 pêcheurs artisanaux d’eau salée en Afrique de l’Ouest qui lancent leurs filets, lignes et seines à partir de pirogues mais au moins cinq millions de personnes dans la région sont tributaires de l’industrie de la pêche artisanale pour leurs moyens d’existence. Les poissonniers prennent le poisson auprès des pêcheurs et le revendent aux commerçants des marchés et aux entreprises de transformation du poisson. Les entreprises de transformation emploient des milliers de personnes, surtout des femmes qui préparent le poisson pour l’exportation. Makhtar Thiam, directeur et expert en poisson et fruit de mer du bureau de Dakar du Centre pour le Commerce déclarait il y a peu que «la pêche est très importante pour l’Afrique de l’Ouest». Sur les rives des cours d’eaux douces, les pêcheurs se frottent les mains en période de grande pêche. Généralement, cette période coïncide avec la saison des pluies avec l’arrivée de «nouvelles eaux» pour employer le terme des techniciens pêcheurs. Diverses espèces en cette période migrent d’un cours d’eaux vers des lacs et des lacs vers des cours d’eaux. Mieux, ils se reproduisent en abondance.
Allier pêche traditionnelle et industrielle
Le défi de la pêche en Afrique est d’allier la pêche industrielle à celle traditionnelle. Il faut le reconnaître, de nombreux conflits ont souvent opposé les pêcheurs traditionnels aux industriels sur les côtes africaines. En effet, les grands moyens employés par les chalutiers qui mouillent aux larges des côtes africaines ne laissent pas grand-chose aux pêcheurs artisanaux africains. Par an, plus de 300 bateaux de pêche de l’Union européenne sont dans les eaux des côtes africaines où ils trouvent en abondance et en qualité les poissons de l’Afrique de l’Ouest. Selon des statistiques publiées par l’UE, cette dernière capture 1,2 million de tonnes de poissons par an dans les eaux étrangères internationales et les eaux de pays étrangers. De ce volume, un peu plus de 400.000 tonnes par an sont péchées dans les eaux d’autres pays, notamment au large des côtes ouestafricaines. Tandis que le volume total pêché en Afrique de l’Ouest n’est pas connu, au moins 235.000 tonnes de poisson sont péchées dans les eaux marocaines (y compris le territoire occupé du Sahara occidental) et en Mauritanie. «Le poisson est un élément important de l’alimentation de millions de personnes de la région et est très important pour les économies d’un grand nombre de pays.» Sur ce continent, la pêche en eau douce produit environ deux millions de tonnes de poissons par an. Une partie de cette production est écoulée et l’autre est utilisée pour la consommation locale. On le sait, les milliers de variétés de poisson qui peuplent les eaux africaines ne se trouvent nul par ailleurs.
Des espèces prisés et rares
Les espèces de poissons que l’on trouve dans les eaux africaines sont rares et de très bonne qualité. Appréciée à travers le monde, la qualité du poisson africain charrie sur les rives des côtes les acheteurs les plus en vue à travers le monde. En 2008, le Centre de Commerce de Dakar a permis à des entreprises de pêche africaines de participer aux Etats-Unis à l’International Boston Seafood Show (IBSS). Ce marché a permis aux entreprises de faire la promotion d’espèces de poisson qui sont moins connues des acheteurs internationaux tels que les espèces pélagiques – celles que l’on trouve près de la surface – qui représentent 51% du stock de poisson en Afrique de l’Ouest. L’Afrique de l’Ouest est le plus gros marché au monde pour ces espèces mais elles sont aussi très populaires en Europe. Elles sont souvent consommées fraîches mais aussi séchées et salées, un processus de transformation à valeur ajoutée qui est surtout effectuée par les femmes. Des poissons pélagiques tels que la sardinelle et le maquereau sont relativement moins exploités que les espèces de fonds telles que le spare tête-de-mouton, le mérou oualioua et le vivaneau et les espèces les plus populaires en Europe et aux Etats-Unis. Les poissons pélagiques sont aussi plus faciles à attraper pour les petits pêcheurs artisanaux. Mohamed Adb- Ali directeur de Pirogue Bleue, une entreprise sénégalaise, était même excité à l’occasion de ce Salon international :«nous sommes très excités à l’idée de promouvoir ces espèces sur le marché international». Nous essayons de nous diversifier sur le plan des marchés et des prix et la promotion des espèces pélagiques est pour nous quelque chose d’évident. Elles sont rentables et durables» a-t-il expliqué. Il est de plus en plus difficile pour les pêcheries ouest africaines d’être compétitives en Europe et elles accueillent donc favorablement de nouvelles possibilités de marché. La réglementation rigoureuse en matière d’importation de l’Europe restreint l’accès au marché à un grand nombre d’entreprises ouest africaines – en particulier celles qui se trouvent en Guinée à qui on a interdit de vendre des produits halieutiques et des fruits de mer à l’Europe. En outre, les prix du poisson et des fruits de mer ont, ces dernières années, baissés en Europe au moment où les acheteurs trouvent de nouvelles sources de poisson, en particulier en Inde et au Moyen Orient. Bien que les pêcheries ouest africaines soient encore très compétitives en Europe, elles sont néanmoins de plus en plus motivées à accéder à de nouveaux marchés, que ce soit dans la région, aux Etats Unis ou en Asie. Et, l’Afrique a les moyens de le faire.
La pêche artisanale en quelques précisions
La pêche artisanale sur les 6.500 km de côte de l’Afrique occidentale, de la Mauritanie au Nigeria, s’est développée depuis l’utilisation de petits bateaux à voile jusqu’à la situation actuelle où la flotte est plus diversifiée et motorisée. Elle comprend des pirogues de 18-20 mètres de long capables de transporter un équipage plus important. Cet essor, facilité par l’accès à des équipements modernes grâce à des projets ou des programmes nationaux, joue un rôle important dans le bien-être socio-économique des pêcheurs. Les prises couvrent les marchés locaux et étrangers, souvent par le biais d’intermédiaires. Le secteur artisanal est une source importante d’emplois et de devises étrangères et conséquemment fournit environ 40 % des protéines animales à la population croissante de la région. En 1995, la flotte artisanale a débarqué 1.200.000 tonnes dont une bonne partie constituée de petites espèces pélagiques (60%). Cette flotte est gérée par environ 1.000.000 de pêcheurs qui approvisionnent des milliers d’intermédiaires (mareyeurs, transformateurs et vendeurs) dont la majorité sont des femmes. La consommation annuelle moyenne de poissons par tête d’habitant, selon la FAO/DIPA était estimée en 1995 à 9.2 kg, soit inférieure à la moyenne mondiale qui était de 13 kg dans la même année.