Article publié le 2010-03-10 par Par Cyrille Momote Kabange Chronique
2010 Faut-il jouer les Cassandre? [02/2010]
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A l’entame de 2009, un maître mot s’est imposé pratiquement par la force des choses. En fait, la coutume veut qu’au début d’une année nouvelle, la tendance soit à supputer un avenir moins morose que l’année qui s’est terminée. Cela se présente depuis des lustres comme une évidence. Tout le monde aspire à être plus heureux que la veille.  Il est vrai que 2008 a été pour ainsi dire une « annus horribilis » avec un pic dramatique entre septembre et décembre.
En effet, la crise économique et financière a semblé un moment s’installer pour une éternité et cette impression sera renforcée par l’impuissance des experts (économistes) qui flottaient dans leurs atours ridiculisés autant que dans de vieux vêtements rapiécés, eux qui n’entrevoyaient aucune solution à a situation quand bien même, ils auraient contribué à son avènement. C’est sur cette inquiétude que s’achève 2008 et qu’au début 2009, les dirigeants gouvernementaux des principales puissances se sont déployés au sein du G.20 pour tenter d’endiguer le mal qui minait le système économique mondialisé
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Sorties manquées à Londres et Copenhague

Le processus commencé pour la sortie de crise suscite, néanmoins, des sentiments mitigés. Sans doute, à y regarder de près, le G.20 qui postulait dans son expression même « l’horizonlationnisme » cher à Barack Obama c’est-à-dire promouvoir des relations internationales exemptes de volonté hégémonique en apprenant à « diriger dans un monde horizontal et non hiérarchisé » selon les propos d’un fonctionnaire du département d’Etat américain cité par Le Monde Diplomatique de janvier 2010, a reçu un sacré coup à la tête. Rien de concret, en tout cas, n’est venu confirmer la pertinence des idéaux proclamés en guise de réamément moral d’un monde qui devenait proprement schizophrénique.  

Dans l’ensemble, il y a eu deux rendez-vous manqués en 2009: la conférence de Londres et le Sommet de Copenhague.  Dans la capitale britannique, il est apparu que les puissances de l’argent ont délimité nettement leur territoire duquel sont exclus les peuples d’Afrique au travers de la non-représentation de l’Afrique (l’Afrique du Sud ne peut être prise en compte étant donné que ce pays est inféodé depuis longtemps, à cause de l’apartheid, à un système capitaliste d’Occident dont ses habitants de couleur majoritaires ont été laissés sur le bord de la route). Un G.20 aussi articulé ne pouvait que déboucher sur un déni de justice. Le mandat porteur de réformes du président américain prenait du plomb dans l’aile.

L’Afrique oubliée

Quant à l’Europe, elle n’avait jamais autant prouvé son absence de relief sur la scène internationale. Le vieux continent s’est présenté en ordre dispersé et à cause de ce fait n’a pas été en mesure de faire droit à des décisions où son influence pouvant être décisive notamment en ce qui concerne le déblocage de fonds conséquents en faveur du développement de l’Afrique absente du G.20 et supposée la plus sensible aux conséquences d’une conjoncture dont le Nord est à proprement parlé l’âme damnée. Stratégiquement insignifiante dans le contexte du G.20, l’Europe l’a été également dans l’attitude affichée face à des enjeux communautaires. Car l’on a vu les Etats de l’Union se télescoper sur les différentes politiques anti-crise, de la régularisation des modes de gestion des capitaux à la prise en compte de l’écologie (taxe sur le carbone), les gouvernements ont préféré naviguer chacun de leur côté. Ils ont contribué de cette façon au recentrage du pouvoir hégémonique de l’argent entre la Chine qui continue (est-ce par cynisme?) à se considérer comme faisant partie du Tiers-Monde et les Etats-Unis. A Copenhague, les changements prônés en matière de prise en charge globale d’une économie mondialisée épurée des saletés environnementales qui menacent l’équilibre naturel de la planète n’ont pas été encouragés réellement par ceux qui, pourtant, devaient à cause de leur puissance industrielle et responsable de pollution mortelle, à moyen terme, y mettre le paquet. Les Européens qui ont élaboré des plans ambitieux pour la réduction des émanations à effet de serre se sont vus imposer un dilemme kafkaéen. Les Etats qui polluent le plus détiennent l’impérium en termes de moyens dont les Européens ont besoin pour réaliser la croissance économique tant désirée. En dehors de la Chine, il y a l’Arabie Saoudite et d’autres grands producteurs de pétrole lesquels comptent sur les Etats-Unis pour la sauvegarde de leurs intérêts stratégiques et comme leurs mentors n’hésiteraient pas à user de la danse du ventre vis-à-vis des puissants lobbys industriels américains opposés à toute avancée écologique. Ils n’auraient donc cure de mise en garde verbales. Ainsi l’année 2010 commence avec en héritage un faisceau d’incertitudes. Les solutions aux problèmes de fond relatifs à la vision d’un monde guéri de ses contradictions et s’ouvrant sur une mer étale, offrent des contours flous.

Fin de l’état de grâce pour Obama?

Les Etats-Unis qui pendant la dernière décennie ont failli entraîner le monde dans un gouffre, se sont forgé, à la surprise générale, leur chemin de Damas. Un homme noir considéré comme le messie a cristallisé en sa personne une promesse de salut en des termes qui n’étaient perceptibles jusqu’ici que dans les récits légendaires.
Barack Obama est ce personnage dont rêvent les peuples à un moment tragique de leur histoire. Les américains ont étonné le monde par leur capacité d’adaptation en élisant un Noir, mais sont-ils différents d’autres humains lesquels ont tendance à vite brûler ceux qu’ils ont adorés. Comment en est-on arrivé à ce que le Président américain ne soit plus en état de grâce un an seulement après qu’on l’eut célébré tel un dieu vivant? Pourtant, son auréole qui a certes pali ne l’est pas à la suite d’erreurs ou fautes avérées.  Il n’est même pas permis de considérer que la loi des flux et reflux puisse s’appliquer ici dans la mesure où l’attente des personnes, à travers la planète, rencontrait l’énormité de la crise économique et sociale en Amérique sans oublier son imbrication dans le déficit de sécurité intérieure et extérieure ainsi que des dossiers cruciaux récurrents de politique étrangère. Au contraire, une volonté affichée de préférer le multilatéralisme à l’unitéralisme, ce qui se traduit par une politique pragmatique qui n’empêche pas les Etats-Unis d’intervenir opportunément quand leurs intérêts vitaux sont en jeu.

Seulement, le pays doit s’adapter à la nouvelle donne où l’Amérique ne jouit plus d’une suprématie incontestée. C’est d’ailleurs, ce qui lui a valu le prix Nobel de la Paix. Sur un plan interne, Obama a contenu l’ouragan financier qui a failli emporter Wall Street et avec lui, les finances mondiales même si la logique du capitalisme sauvage fait de la résistance et que le taux de chômage tarde à baisser, curieusement, en dépit d’une croissance qui remonte la pente. La hargne des républicains et des extrémistes de tous bords ne peut pas non plus s’appuyer sur la personnalité de l’intéressé. L’homme soigne sa communication et se fait violence par rapport à un passé de militant anti-établishment. Il s’est donné une posture de réformiste pour rassurer l’Amérique profonde, elle qui a toujours été manichéenne.

Cela a expliqué, sans doute, certaines valses-hésitations. La façon dont il a accepté qu’on édulcore sa réforme de la sécurité sociale est indicative d’une grande intelligence tactique. Le projet a été adopté par la Chambre des Représentants et un certain espoir subsiste qu’il le soit aussi par le Sénat sauf impondérables. Ce qui n’engage personne. Malgré ces atouts, le président est attaqué de toutes parts, entre autres par les Républicains, ses adversaires naturels et même quelques Démocrates facilement influencés par les lobbies puissants que bousculent un certain nombre de positions du gouvernement.   
Un climat proche de l’hystérie s’installe alimenté par une propagande de tous les instants via les chaînes FOX NOX et internet. Ce ramdam a souvent des relents racistes. En ce début de 2010, tous les commentateurs de presse parlent à l’unisson de la dégringolade de Barack Obama en termes de côté d’amour dans l’opinion. Cela paraît patent après l’échec de la candidate démocrate au profit d’un républicain inconnu au bataillon à la suite du vote pour occuper le siège laissé vacant par le décès du sénateur Edward Kennedy dans l’Etat réputé acquis aux démocrates du Massachusset. Ayant perdu, avec cette victoire républicaine, intervenue le dix-neuf janvier dernier, la majorité qualifiée au Sénat (soixante sièges), Obama voit se rétrécir  une voie que tout le monde croyait largement ouverte devant lui.

Voilà que se profile pour cette année encore, la perspective d’un naufrage du rêve entrevu de réformer l’Amérique pour que le monde entier s’appuie sur un modèle revenu à son mythe fondateur et soit sauvé du chaos. Cependant, tout cela devra être définitivement oublié si lors des élections de mi-mandat au mois de novembre prochain, la majorité du Congrès américain (Chambre des Représentants + Sénat) changeait de camp. Comme si ce sombre présage ne suffisait pas, à quelques encabrures de Miami (Etats-unis), Haïti le premier Etat Noir à obtenir son indépendance en 1804, offre le spectacle cataclysmique d’un tableau du peintre italien Chireco. Non seulement Port-au-Prince (plus de 2 millions d’habitants) et ses environs semblent écrasés sous un bombardement intense – un tremblement de terre de magnitude sept à l’échelle de Richter est passé là mais plus de quatre cents  personnes y ont péri.

Prédire l’avenir


Décidément, 2010 ne rassure pas, sauf qu’en optimiste de nature, nous ne nous ferons pas hara-Kivu en jouant les Cassandre par référence à la fille de Priam de la mythologie grecque qui a reçu le pouvoir de prédire l’avenir mais annonçait souvent des catastrophes. En fait, le grand déploiement humanitaire opéré sur le théâtre haïtien pour aider cette terre plusieurs fois endeuillée, montre qu’une lueur palpite toujours dans le cœur des hommes. Puisse cet espoir être tenu pour que la raison triomphe de nos turpitudes. « Frappe-toi le cœur, c’est là qu’il y a le génie », écrivait déjà Alfred de Musset, poète français du 19e siècle.