Article publié le 2010-01-06 par Alexandre KORBEOGO Economie
Dubaï - Tirer les leçons des frasques du géant aux pieds d’argile [01/2010]
Photos: Saharsh Cherian
Photos: Saharsh Cherian
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C’est un eldorado économique qui a fait et fait encore rêver les hommes d’affaires les plus aguerris. Le commerce y est florissant et pour le commerçant africain, il « n y a de plus grand rêve que de s’approvisionner à Dubaï ». Et, pourtant, le géant a vacillé et affolé les places boursières mondiales. L’Afrique devrait en tirer leçon.

Si Dubaï était le Nigéria, on pourrait comprendre aisément qu’il soit possible que cette nation commerciale, fleuron de l’immobilier mondial, ait été surprise par «son surendettement». Que s’est-il passé ? En plein mois de l’Aîd el Kebir, Dubaï World demande un moratoire sur une dette de 3,5 milliards d’euros, ce qui a affolé le marché mondial, qui se souvient des Lehman Brothers. L’annonce a fait chuter les marchés internationaux, effrayés par une éventuelle insolvabilité de Dubaï pour sa dette publique de 80 milliards de dollars. Les deux tiers de cette dette sont générés par son bras immobilier, Dubaï World, tel que le rapporte le journal financier africain «Les Afriques ». A l’annonce de cette nouvelle, les places boursières internationales se sont affolées. Première leçon : les bourses ne sont pas toujours solides car au moindre coup de vent, c’est la ruée! L’économie mondiale peut en pâtir à tout moment. Du coup, les potentiels investissements programmés se sont ramollis, préférant donner le temps au temps afin «de voir clair dans cette affaire». Ainsi, les Emirats arabes unis projetaient d’investir 50 milliards d’euros, entre 2008 et 2010, en Algérie, dans les domaines de l’industrie, de l’agriculture, des services et de l’énergie. En Tunisie, Dubaï Holding aurait reporté, et ce dès janvier 2009, selon « les Afriques », divers projets, dont celui de la Porte de la Méditerranée, que devait réaliser sa filiale Sama Dubaï en partenariat avec le britannique EC Harris. La Tunisie, qui avait gracieusement offert 830 hectares du domaine public, espérait 140 000 emplois. En plus des investissements physiques, Dubaï Holding avait procédé à quelques placements importants sur les marchés financiers maghrébins. De même, Tecom Dig, filiale de Dubaï Holding, détient 35% du capital de Tunisie Télécom, acquis au prix de 1,8 milliard d’euros au détriment du français Vivendi. Autant de projets mis en berne par le simple fait que ni les uns ni les autres ne veulent courir de risque. Deuxième leçon: entreprendre c’est risquer. Or, les entreprises les plus puissantes hésitent souvent à prendre des risques. Conséquence, le marché s’installe dans l’inertie.

Protéger les entreprises africaines

La « faillite » de Dubaï est la conséquence directe d’un investissement à l’« aveuglette ». Les financiers n’ont pas pris la peine de soupeser la solvabilité de « la petite sauterelle » (nom de Dubaï en arabe) avant de poser les jalons de projets pharaoniques. A y regarder de plus près, Dubaï ressent à retardement les conséquences de la crise financière mondiale. Elle avait semblé tellement sûre d’elle, tellement fiable que le Maghreb en avait fait sa pépite d’or en termes de projets d’investissement. Aujourd’hui, il est question de ralentir la cadence. Mettre tout à plat et repartir à zéro. Au Maroc, par exemple, la filiale de Dubaï Holding, qui était engagée dans un projet titanesque sur les rives du Bouregreg (fleuve qui sépare Rabat de Salé) a discrètement suspendu les travaux, en mars dernier, pour des raisons financières. Le partenaire marocain de Sama Dubaï, la Compagnie générale immobilière (CGI), filiale de la CDG, pourra-t-il mener à bout ce projet gigantesque ? Le projet se répartissait entre Sama Dubaï (50%), l’Agence d’aménagement de la vallée de Bouregref (20%), la CDG (20%) et la Caisse marocaine de retraite (10%). A noter que le groupe immobilier Emaar, qui compte une dizaine de projets au Maroc, a réitéré sa disposition à mener son programme d’investissements à terme. C’est un véritable gâchis. Au vu de cette réalité, les entreprises africaines, même si elles ne ressentent pas le contre-coup direct de Dubaï, doivent travailler à se mettre à l’abri. Les banques des pays en voie de développement qui sont, peu ou prou, connectées aux banques mondiales. Le Nigéria, qui aujourd’hui a lancé un vaste programme de rachat de plusieurs banques en Afrique, doit tirer la leçon de ce qui se passe au cœur de «la petite sauterelle». Nos économies sont très fragiles pour se laisser prendre au jeu des faillites des bourses locales. Il faut, d’ores et déjà, prendre les dispositions qui s’imposent afin que les places boursières africaines, puissent prévenir les crises. Car, il vaut toujours mieux prévenir que guérir.