Article publié le 2009-12-27 par Cyrille Momote Kabange Chronique
R.D.C. : Une certaine idée de la guerre économique [12/2009]
Partenariat «gagnant - gagnant»?

Qui a dit que l’histoire n’était pas un éternel recommencement ?  Assurément personne ! Mais la finesse réside dans la nuance qui consiste en fait à atténuer le caractère péremptoire de l’affirmation et à lui substituer une paraphrase : « si l’histoire n’est pas un éternel recommencement, au moins elle bégaie ».  

Il en est ainsi de la guerre économique que se livrent un bloc des pays entre eux ou contre les nouveaux maîtres des lieux, entendez les nations émergentes dont la boulimie des matières premières a boosté les envies et a suscité une guerre économique qui nous renvoie aux premières heures de l’industrialisation à grande échelle, à la fin du XIXè siècle en Occident.

La RDC, au centre d’un combat dont l’enjeu n’est autre que, sa richesse...

Comme à l’époque de l’Etat indépendant du Congo, la R.D.C., avec son potentiel gigantesque de matières premières, est au centre d’un combat feutré mains dont les motivations recadrent l’enjeu qui est le même, celui d’accumuler des stocks de richesses dans une compétition ou seule triomphent les plus forts.  Cette fois, les protagonistes du drame s’appellent Chine et FMI, le dernier couvrant les intérêts du monde économique occidental.  En ce qui concerne l’Empire du Milieu, son émergence sur la scène internationale est une sorte de revanche prise sur le sort de cette Chine dont la puissance commerciale a été attestée, dans les 20 premières années du siècle précédent, par l’essor insolent de Shangaï.  Longtemps vivant en autarcie, la Chine est devenue par la suite la chasse gardée des Britanniques et un peu moins des Français suivis plus tard par les occupants japonais.

Depuis la proclamation de la Chine communiste par Mao en 1949, le régime mit les bouchées  doubles pour améliorer l’ordinaire de plus d’un milliard d’individus.  A l’extérieur, pour consolider sa puissance renaissante, elle développera vis-à-vis de ses voisins immédiats une politique tour-à-tour de main tendue et d’exercice musclé.  Vis-à-vis de l’Afrique, elle a impulsé au début une orientation à connotation plus idéologique sur le thème de la lutte anti-impérialiste sans doute une réminiscence de ses propres déboires sous l’occupation étrangère.

A l’aune de la mondialisation, elle change de visée et se range dans le système dit de socialisme de marché avec lequel elle pénètre comme une perceuse électrique dans un mur en carton les économies occidentales et marche sur leurs plates bandes en Afrique.  Le bimestriel «Manière de Voir» publié par le «Monde Diplomatique» écrit dans sa livraison des mois de décembre 2009 et janvier 2010 : « Anti-impérialiste et contrepoids à l’Occident, la Chine s’infiltrait dans les territoires épargnés par les Etats-Unis et l’Union Soviétique.  Elle réservait ses chantiers les plus ambitieux telle la construction du chemin de fer (Tanzam » reliant la Tanzanie à la Zambie – ainsi que les accords de coopération militaire à ses amis idéologiques de l’Afrique de l’Est (Ethiopie, Ouganda, Tanzanie, Zambie, etc...) et aux pays non-alignés les plus importants, comme l’Egypte.  De 1955 à 1977, la Chine a vendu pour 142 millions de dollars de matériels militaires à l’Afrique.  Elle entrouvait aussi ses universités.  En 1977, la valeur totale des échanges commerciaux entre l’Empire du Milieu et le continent noir atteint le record de 817 millions de dollars.  Dans les années 1980, alors que le Nord et l’URSS se retirent de l’Afrique et que l’aide occidentale au développement chute de moitié, Pékin maintient ses liens.  Mais abandonnant l’exportation de sa boîte à outils révolutionnaire, la Chine se consacre désormais à l’essor de son commerce extérieur et de ses investissements à l’étranger.  Lorsque la géopolitique de l’ancienne guerre froide et l’évolution incertaine du Proche-Orient ramènent les pays du Nord en Afrique, notamment pour diversifier leur approvisionnements pétroliers, elle est déjà devenue l’ »usine du monde » et convoite les matières premières du continent ».

Le contrat Chine/RDC repose sur un socle juridique nouveau : le troc


C’est dans ce contexte que se situe le fameux contrat signé entre la Chine et la R.D.C.  L’accord repose sur un socle juridique d’un genre nouveau.  Le procédé du troc même si son usage est dérisoire, choque encore les bien-pensants notamment ceux du F.M.I., en ce sens que les termes d’un tel échange sont en soi déséquilibrants.  Quant aux Chinois, ils opposent aux quolibets de leurs adversaires la formule « contrat gagnant-gagnant ».  Les autorités congolaises apparemment y trouvent leur compte, pour deux raisons :
1) le vaste marchandage qui consiste pour la RDC. à réserver au secteur industriel chinois 10 millions de tonnes de cuivre, « ce qui correspond à six millions de tonnes et demi de cuivre, deux cent mille tonnes de cobalt, trois soixante douze tonnes d’or  contre la construction d’infrastructures routières et ferroviaires (3000 km de routes et de voies ferrées), de 31 hôpitaux de 150 lits chacun répartis sur toute l’étendue du pays, 145 centres de santé, 4 universités, 50.000 logements sociaux) (1).  Pour certains congolais, le modus operandi de ce troc rend difficile la corruption et l’évaporation du contenu des enveloppes destinées aux travaux d’intérêt général.
2) Pris à la gorge par l’état désastreux des  infrastructures de toutes sortes dû à la mauvaise gouvernance et à la guerre, les responsables ont voulu envoyer un message clair à leurs partenaires traditionnels à savoir que devant l’urgence à se sortir du trou, on ne regarde pas à la couleur de la main qui vous est tendue.  A cet égard, ils ont une raison de plus : les sociétés américaines et canadiennes qui se sont engagées sur le terrain de l’exploitation des minerais au Katanga se sont montrées très chiches pour ristourner à l’Etat congolais sa part sur les bénéfices de la vente du cuivre dont les cours ont connu une hausse vertigineuse à la veille de la crise financière, de plus de 1000 à 8000 dollars la tonne.

Le grand problème est que le gouvernement congolais n’a pas les coudées franches pour s’exercer dans un partenariat d’un genre nouveau et qui bouscule les intérêts étrangers.

Le pays est très endetté.  Et le x entiers de l’économie nationale dépendent encore des grands groupes, ceux-là même dont on veut s’affranchir.
En effet, dès l’annonce du contrat sino-congolais en septembre 2007, le bloc occidental dans son ensemble (Europe + Amérique du Nord se déchaîne et trouve les moyens de faire rendre gorge à l’Etat congolais.  Il suffit, à cette fin de conditionner le bénéfice de l’effacement de la dette à la révision du contrat signé avec Pekin, ceci selon le F.M.I. en vertu d’un principe « l’endetté ne s’endette pas davantage ».  Le Directeur général du F.M.I. qui venait au mois de mai 2009 signifier ce x à Kinshasa, rentrera chez lui avec des propositions du côté congolais en faveur d’une éventuelle révision.  La Chine souscrit aux thèses congolaises tout en maintenant sa poigne sur le respect par la partie contractante des engagements pris pour l’exécution de la première tranche des travaux.  Ces derniers ont déjà commencé.  A l’évidence, les Chinois n’y perdent rien du tout.  Mais voilà que le 18 novembre dernier, alors que le contrat a été révisé dans le sens voulu par les  bailleurs de fond occidentaux, les 19 pays créanciers réunis au sein du club de Paris, imposent une nouvelle condition : il faut que la x rétablissent les multinationales américaines et canadiennes dans leurs droits acquis dans les contrats récusés x pourtant, par Kinshasa à cause justement de leur caractère x

Ce mic-mac de foire se passe alors que le gouvernement congolais a concédé concrètement une brèche dans le contrat révisé avec la Chine, ce qui a profité principalement à la France ! La société française AREVA a obtenu dans la foulée le monopole de l’exploitation de l’uranium sur toute l’étendue de la RDC.  Il y a également, en appendice, l’implication de l’organisme « Aéroports de Paris » dans la réfection de l’aéroport de N’djili.  N’étant pas rentré en possession de l’Accord avec Areva, nous ne sommes pas en mesure de vérifier la teneur d’un contrat d’une telle ampleur.  Transformera-t-on cette OPA sur un minerai précieux et sur une échelle si géante, en une sorte de troc « gagnant-gagnant » ?  L’alimentation garantie des centrales nucléaires françaises et autres contre des écoles, hôpitaux, x à foison.  Gageons que c’est le cas et nous dirons vive le troc et à bas la soi-disant aide au développement et le partenariat économique de pacotille qui n’a pu jusqu’ici qu’alimenter les comptes en banque des riches nationaux et étrangers disséminés dans les paradis fiscaux.  A bien y réfléchir, on peut penser que les Etats n’ayant pas d’amis mais que des intérêts, la RDC est installée, pour x durée, dans une guerre économique dont elle subira longtemps, les dégâts colatéraux.

Toutefois, l’espoir est permis.