Article publié le 2009-11-21 par Cyrille Momote Kabange Chronique
L'Angola et le Congo : un cas d'école [11/2009]
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Les Africains peuplent un continent dont l’histoire pèse de son poids de tragique assujettissement sur un présent où pointent encore comme des brisures incandescentes, les décisions du passé prises souvent sans et contre eux.

Le Congrès de Vienne et la Conférence de Berlin au XIXè siècle ont désarticulé d’immenses pays au gré des intérêts économiques ou géostratégiques jetant ainsi les bases pour la création d’Etats sans un socle national homogène.

Dans le cas de l’Angola et de la République Démocratique du Congo, les frontières furent « bazardées » à la lumière de la volonté de puissance des Nations comme la France et l’Angleterre, l’une s’offrant un droit de péremption autour du bassin du Congo et l’autre, qui, profitant des campagnes exploratrices d’un Cecil Rhodes s’ouvrit le périmètre stratégique qui remonte le Nil jusqu’en Egypte et bifurque vers le Cap de Bonne Espérance, point focal du contrôle de la route des Indes. 

Français et Anglais pesèrent ainsi de leur considérable importance diplomatique sur les deux moments historiques précités dans la mesure où les-uns et les autres sont les « patrons » véritables de l’Association Internationale du Congo (A.I.C.) même si les premiers boudèrent leur plaisir à s’offrir l’entreprise Congo investi à titre personnel par le roi Léopold II et ses nombreux agents européens tel que le leur proposait un parmi ces derniers à savoir, Henri Molton Stanley, le britannique au service de Sa Majesté belge.  Au sujet des frontières avec l’Angola, le Portugal aux prises avec ses démons politiques internes et ayant perdu depuis longtemps la maîtrise des mers ne dut qu’aux Anglais la formulation des frontières de sa possession angolaise qui ne fut pas réduite au nord du territoire à un couloir maritime très peu étendu.  Quant aux Français, ils x à Berlin les ambitions de Léopold II de donner à « son » Congo une issue vers l’Océan atlantique.  Cet acte est justement historique d’un point de vue des péripéties de la crise actuelle entre l’Angola et le Congo rendues significatives du caractère parfois irrémédiable des conséquences de certaines actions du passé.   Ainsi donc, le Bas-Congo était né, avec comme résultat, la désintégration définitive du royaume du Kongo consacrant du même coup une rupture du continuum territorial lié non seulement à l’aspect géographique mais qui, compte tenu de l’exception bakongo dans la géo-sociologie de la région, bouleverse les termes d’un échange entre peuples que tout unissait et qui dans le cadre des Etats constitués à la suite d’itinéraires différents, deviennent des étrangers, aux yeux des-uns et des autres.

Vu ce qui précède, le fait que les évènements survenus ces derniers temps (l’expulsion des Congolais par les autorités angolaises via le Bas-Congo et la riposte congolaise qui frappe uniquement les Angolais d’origine bakongo, les opérations tant du côté angolais que congolais se déroulant sur cette partie des frontières), donne la mesure de la transcendance de l’Histoire en tant qu’elle oblige tout humain, toutes sociétés, à poser des actes responsables qui engagent l’avenir.
Il est par ailleurs vérifié que la donne pétrolière qui est partie intégrante du problème sinon une cause réelle de cette nouvelle occasion de tension est l’autre face de la médaille qui couvre l’ignominie de la présence des forces du mal dans le passé et l’absence actuelle de la conscience historique chez les dirigeants africains qui s’emploient à casser l’élan vers l’unité africaine en cédant notamment aux pressions des intérêts étrangers.  La crise actuelle entre l’Angola et le Congo est, en effet, un cas d’école.  Voilà deux pays africains que tout devait unir (la plus longue frontière commune entre deux Etats en Afrique, les liens de consanguinité des peuples de par et d’autre des limites territoriales) qui se tirent des balles en caoutchouc mais pour combien de temps, sur les pieds.
Les responsables sont à chercher du côté angolais, bien entendu, sur le chef du gouvernement, qui a une grille de lecture particulière da la Convention de Genève en matière de délimitation maritime.  Dans le site de « Congo x » de vendredi 9 octobre 2009, on peut lire ce qui suit : « Les expulsions réciproques entre la R.D.C. et l’Angola ne sont que la face émergée d’un iceberg.  Au fond, les deux Etats voisins connaissent une tension sur le contrôle des zones pétrolifères au niveau de leur frontière dans l’Océan Atlantique.  Le conflit s’est corsé avec le dépôt de la législation congolaise sur « délimitation des frontières maritimes » aux Nations-Unies, en mai dernier.  La République Démocratique du Congo avait déjà fait savoir à la Commission des limites du plateau continental que ce dernier faisait l’objet d’une occupation de fait par l’Angola.  Le législateur congolais en a tiré toutes les conséquences pour récupérer 200 milles marins sur l’espace maritime partagé avec les Angolais.  Luanda y a répondu de manière catégorique.  « Le gouvernement de la République rejette cet acte visant la limitation unilatérale de toutes les zones maritimes, y compris le plateau continental.  La République d’Angola ne se considère pas comme étant lié par la loi congolaise en la matière ».  Quant au gouvernement congolais, sa responsabilité peut être engagé compte tenu d’une certaine mollesse constatée dans les rapports diplomatiques avec son interlocuteur angolais qu’on explique peut-être par le complexe du « grand frère », celui-ci possédant des arguments militaires et économiques importants.

N’empêche que la République Démocratique du Congo est un grand Etat au cœur de l’Afrique et que l’affaiblir est une grave erreur qu’un jour l’on payera très cher.  Souhaitons que la bonne volonté domine chez les-uns et les autres, en partant du bon pied, c’est-à-dire les deux pays doivent intégrer dans leurs relations bilatérales sans doute la notion de bon voisinage, mais surtout bannir l’esprit de compétition en privilégiant la complémentarité et le respect des droits fondamentaux de l’homme.