Agathon Rwasa, le leader du dernier mouvement rebelle, le Palipehutu- FNL (Front National de Libération), propose un référendum populaire sur un contrat social entre deux principales ethnies du pays, Hutu et Tutsi pour mettre fin à leur désaccord avec le gouvernement. Proposition loin d’être acceptée par ce dernier qui voit en FNL, un adversaire de taille pour les prochaines élections.
Le leader du Palipehutu - FNL, Agathon Rwasa a animé une conférence de presse dimanche le 6 juillet 2008 à Bujumbura sur les problèmes de la mise en application des accords signés en septembre 2006 à Dar- Es-Salaam en Tanzanie. Le gouvernement refuse catégoriquement de reconnaître le Palipehutu-FNL en tant que parti à connotation ethnique (Hutu) alors que la loi burundaise recommande aux partis politiques d’intégrer toutes les composantes ethniques du pays ( Hutu, Tutsi et Twa). Pour Rwasa, pas question de changer de nom. Pourquoi ? Parce que Rwasa se veut depuis des années interlocuteur des Hutu longtemps exclus dans les affaires du pays. «La loi est faite par les hommes et pour les hommes. On la change quand on veut. La question ethnique n’est plus un secret de polichinelle au Burundi. Il faut donc laisser les partis des hutu travailler légalement au Burundi », a martelé Rwasa, affirmant que son mouvement n’était pas prêt à changer de nom pour être agréé. Mais le gouvernement de Bujumbura ne l’entend pas de cette oreille, la constitution et les accords de paix d’Arusha de 2000 sont bien clairs, il n’y aura pas de parti ou organisations à conotation ethnique, régionale ou raciale qui vont être légalisés au Burundi car, cela a été le socle de la division ethnique.
Référendum populaire pour trancher
Faux, rétorque Rwasa, le parti au pouvoir lui-même n’a pas changé de nom au sortir du maquis et il a gardé sa composante militaire (forces de défense de la démocratie). Pourquoi alors «deux poids, deux mesures» ? Rwasa demande qu’il y ait un référendum populaire pour laisser le peuple s’exprimer sur cette question. «Et j’accepterai l’opinion du peuple», rassure-t-il. «Le Conseil pour la défense de la démocratie/Forces de défense de la démocratie (CNDD-FDD, ancienne principale rébellion actuellement au pouvoir) n’a pas eu besoin de changer son nom de guerre pour mériter l’agrément en tant que parti politique et la même faveur devrait s’appliquer au PALIPEHUTU-FNL», a estimé, dimanche, M. Rwasa, à une conférence de presse dans la capitale burundaise
Le prétexte du Palipehutu- FNL qui continue de recruter dans ses rangs en dépit des accords signés.
Suite aux récentes propositions du leader du Palipehutu- FNL sur un référendum populaire, le gouvernement de Bujumbura, à travers la ministre de l’Information, des Relations avec le parlement et porte parole du gouvernement, Mme Hafsa Mosi, a réagi fermement contre les déclarations de Rwasa. «Le gouvernement de Bujumbura regrette que le Palipehutu- FNL continue de recruter des combattants et s’arroge le droit de changer les zones de pré- cantonnement en centres d’instruction pour les nouvelles recrues», a dit Hafsa. Des cas de viol, de rançonnement de la population sont régulièrement enregistrés comme des manquements graves que le gouvernement reproche au mouvement Palipehutu – FNL. Pour le gouvernement, ce mouvement met les charrues avant les boeufs en voulant délibérément changer le mouvement en parti politique sans qu’il ne respecte les accords signés le 7 septembre 2006 et la constitution burundaise. Et Hafsa de rappeller le Palipehutu-FNL aux respects des engagements et à la loi burundaise. «Le refus de changer de nom est un faux prétexte du Palipehutu- FNL qui continue de recruter dans ses rangs en dépit des accords signés», a estimé la ministre Hafsa.
Même son de cloche du côté du MCVS (Mécanisme Conjoint de Vérification et de Suivi), organe mis en place pour aider le médiateur sud-africain dans le conflit inter-burundais Charles Nquakula composé des représentants du BINUB, l’Union Africaine, le gouvernement et le Palipehutu FNL. Le représentant du gouvernement burundais au MCVS, le général de Brigade Evariste Ndayishimiye, a clairement signifié, lundi, au Parti pour la libération du peuple hutu/Front national de libération (PALIPEHUTU-FNL) qu’il devra, coûte que coûte, changer d’appellation pour recevoir l’agrément en tant que parti politique. «C’est un passage obligé et le PALIPEHUTU-FNL devra s’y faire», a souligné en substance le général Ndayishimiye. Le Général de Brigade Ndayishimiye recommande à ce mouvement de cesser d’enrôler les jeunes dans les rangs de ses combattants. «Inacceptable pour le gouvernement de tolérer ce genre de manoeuvre et le gouvernement alerte la communauté internationale d’être témoin si finalement le Palipehutu-FNL retourne au maquis», a renchéri Ndayishimiye. Propos jugés sans effet par les leaders du FNL. Pasteur Habimana qualifie les déclarations du gouvernement comme une pure déclaration de guerre. Selon lui, le gouvernement n’a pas les prérogatives d’imposer ses stratégies pour faire taire l’autre partie car dit-il, les propositions du gouvernement ne sont pas conséquemment pris comme ordre formel que l’on doit exécuter par crainte d’être pénalement réprimé par l’Etat. «Nous devons traiter les questions sur un même pied d’égalité et non pas nous donner des injonctions», s’insurge Habimana.
Des voies de sortie
L’expert indépendant des Nations Unies pour la situation des droits de l’homme au Burundi, Akich Okola précise au cours d’une conférence qu’il a animé vendredi 11 juillet 2008 à Bujumbura que le regain de la tension entre les deux parties est le fait que tous les protagonistes se focalisent sur les prochaines échéances électorales de 2010 en violation flagrante des principes d’un Etat de droit et de la démocratie. Les évêques catholiques du Burundi, dans leur récent message «Burundi, d’où viens-tu et où vas-tu ?» adressé à leurs fidèles et à la communauté nationale et internationale, se disent eux aussi «fortement préoccupés par la mauvaise situation sociopolitique générale du pays qu’ils imputent à l’absence d’un «leadership responsable et patriotique capable de conduire la nation vers des lendemains meilleurs». Ils conseillent les acteurs politiquesnationaux d’aller se ressourcer dans leur accord d’août 2000, à Arusha, en Tanzanie, qui prône la paix et la réconciliation nationale. Pour résoudre la question de nom qui alimente actuellement les polémiques entre FNL et le gouvernement, Léonce Ngendakuma, président du parti Sahwanya Frodebu, principal parti d’opposition, propose trois alternatives possibles. D’abord, le Palipehutu FNL change d’appellation pour devenir un parti agréé conformément à la loi en vigueur, ensuite, le gouvernement l’agrée sans qu’il change d’appellation, enfin, le chef de l’Etat convoque une session extraordinaire du parlement, chambres réunies pour amender la constitution. Le MRC (Mouvement pour la Réhabilitation du Citoyen) quant à lui, voit qu’il faut tout simplement que les deux parties en conflit respectent l’accord global de cessez le feu. Plusieurs organisations civiles au Burundi interpellent le régime de Nkurunziza à engager un dialogue politique avec son opposition. Le MCVS (Mécanisme Conjoint de vérification et de suivi de l’accord) devait avoir vidé toutes ces questions encore litigieuses dans l’accord de cessez-le-feu depuis le mois de juin dernier, selon un calendrier initial des travaux.Un directoire politique a été mis en place pour assister la médiation sud-africaine dans le conflit burundais. Le directoire comprend des représentants de l’union africaine (UA), des Nations unies (ONU), de l’Union européenne (UE) ainsi que ceux de l’Ouganda et la Tanzanie, deux pays voisins qui assurent respectivement la présidence et la vice-présidence de l’initiative régionale de paix pour le Burundi. Les yeux sont à nouveau tournés vers le directoire politique pour empêcher au pays de sombrer dans une guerre fratricide de plus par ces temps de dialogue de sourds entre l’Etat burundais et la rébellion.