Article publié le 2008-08-09 par Cyrille Momote Kabange
La faim du monde, La chronique de Cyrille Momote Kabange [07-08/2008]
Chacun garde de ses études la pyramide des besoins dite de Maslow au sommmet de laquelle trône l’alimentation pour les hommes dont on dit qu’ils sont faits de corps et d’esprit. Du reste, c’est semble-t-il, la seule chose que ces derniers ne partagent pas avec les animaux.Mais l’ordre naturel est ainsi établi que la nourriture fi nisse toujours par prendre une place prépondérante dans le rapport que nous entretenons avec la nature, animaux y compris. Manger s’associe jusqu’à nouvel ordre au vouloir vivre, élan fondamental qui nous ramène à la même condition que la bête ou la plante, à savoir qu’en cette matière, notre propension à se souvenir des lieux d’où nous serions venus avant notre chute, selon Voltaire, relèveraient du mythe plutôt que d’autre chose.
A cet égard, les dieux ou les fétiches aux propriétés magiques révérées n’y échappent pas, eux dont les représentations anthromorfi stes sont gavées de nourritures terrestres. Le fait ne souffrent d’aucune exception et montre bien que la loi de la pesanteur plombe nos pieds dans une sorte de gadoue. Il vaut mieux que nous en restions à sauver l’essentiel : la vie. Autrement dit l’idéal serait que l’humanité entreprenne de composer avec son environnement naturel que celui-ci soit hostile ou non. C’est ce que les anthropologues appellent la tendance appolinique du grec Apollon, dieu de l’harmonie, relevée dans les différents usages faits de la nature par les peuples dits primitifs à travers leurs pratiques religieuses et modes de vie.
A contrario, la tendance prométhéenne; de Prométhée, un autre dieu grec, dont la méthaphysique est basée sur la révolte et le meurtre du père, dérobe le feu du ciel détenu par Zeus (père des dieux grecs) pour le remettre aux hommes. A l’arrivée de ce processus mental, l’exclusion et l’opposition sont les axes principaux d’un confl it permanent entre l’homme et la nature, celle-ci étant d’autant plus vulnérable que l’adversaire détient la maîtrise des techniques dont l’évolution a été si rapide que le détenteur lui-même en perd le contrôle et se voit submergé parles conséquences de ses découvertes. Oui mais où se trouve le problème? Le danger vient de l’hybris (démesure). L’homo technieus s’étant mis dans la tête que le progrès était infi ni et que l’histoire devenait palpable, il s’est offert une sorte de parousie profane, en considérant comme acquise l’hyper puissance du système capitaliste de marché. L’abondance alimentaire est devenue le point focal de cet angélisme d’un genre nouveau. Voilà que surgissent du fond des âges, les peurs de manquer qui ont accompagné les grandes guerres et les épidémies dans les pays d’anciennes civilisations. Les famines ont certes disparu de nos jours, en Occident particulièrement. Mais dans certaines contrées en voie de développement, ce qu’on ne signalait qu’épisodiquement, de vient si présent que loin de susciter les réactions misérabilistes, d’autrefois, les mentors des pays industrialisés s’interrogent sur l’effet boomerang des émeutes de la faim à Port- au-Prince, à Yaoundé, Dakar, etc... sur la vie quotidienne de leurs populations. Le leitmotiv à Bruxelles, Paris, Bonn n’est- il pas de nos jours, le pouvoir d’achat ? L’énorme toile d’araignée prenant dans ses mailles les hommes en proie à la faim serait- elle envisageable si l’homo économieus relayé par l’homo technieus n’avait pas conçu l’existence dont tout le cheminement se prolonge dans l’univers infi ni, comme un moment de la conformité avec l’essence des choses et de l’harmonie entre les les êtres plutôt que comme une machinerie sans âme évoluant sans cesse vers on ne sait quel destin ?
En tout cas, la faim du monde qu’on croyait contenue révèle que les pays les plus défavorisés ne sont pas les seuls à souffrir des calamités que les puissants provoquent lorsqu’ils veulent sauver le système qui les entretient. Notamment la crise pétrolière qu’on veut aujourd’hui éradiquer en recourant à des palliatifs qui créent plus de mal que de bien, montre les limites de la conception prométhéenne de la destinée humaine.