L’Algérie n’était pas la première destination professionnelle des Tunisiens qui préfèrent la Libye, le Moyen-Orient et l’Union européenne. Mais depuis quelques années, la donne a changé. Le pays de Bouteflika est désormais très prisé par un grand nombre de Tunisiens qui traversent les frontières du pays voisin en tant qu’employés qualifiés. Et pour cause, les restrictions en Europe et au Moyen-Orient et la guerre civile en Libye ont introduit une mutation de la mobilité des Tunisiens et ouvert de nouvelles voies vers l’Algérie.
Selon Jeune Afrique, la conjoncture géopolitique régionale, les effets de la crise économique en Europe et la chute des cours du pétrole ont rendu difficile la migration économique vers ces zones, et changé la donne. « A cause du conflit libyen, qui perdure depuis 2011, l’embauche de la main-d’œuvre tunisienne à Tripoli s’est tarie. Et celle-ci est revenue au pays grossir les rangs de quelque 350 00 chômeurs », selon Sarra Hanafi, juriste consultante pour le Bureau international du travail (BIT) à Tunis.
Même si le chômage est également un fléau en Algérie, certains profils y sont très recherchés. kapitalis rapporte que les Tunisiens et les Algériens, qui font face à des problèmes socio-économiques similaires (en plus du terrorisme), ont décidé la réactivation, en 2015, de la convention de libre circulation entre les deux pays, suspendue par l’ex-président Ben Ali pour des raisons sécuritaires. Cette convention donne aux Tunisiens le droit de travailler en Algérie en présentant juste leur contrat de travail signé avec l’employeur.
Ainsi donc, c’est vers l’Algérie que nombre de Tunisiens se sont tournés où les entreprises recherchent des profils beaucoup plus spécialisés. Justement des compétences spécialisées, la Tunisie n’en manque pas. Dans le secteur du tourisme notamment les cadres tunisiens étaient jusqu’ici recherchés par les cabinets de recrutements du Moyen-Orient. Bonne nouvelle, le gouvernement algérien a annoncé, en avril 2017, la construction de 450 unités hôtelières et thermales, dont 100 seront réceptionnées en 2018 une aubaine pour les Tunisiens du secteur de l’hôtellerie en quête d’emploi.
Alger veut miser sur ces recrues étrangères pour former leurs homologues algériens, dans le secteur de l’hôtellerie comme dans d’autres. Actuellement, 200 techniciens tunisiens travaillent dans le cinéma et l’audiovisuel en Algérie. Par ailleurs, de nombreuses entreprises tunisiennes sont installées en partenariat avec des investisseurs algériens dans des secteurs tel le tourisme, la distribution, l’industrie automobile, l’ingénierie, les nouvelles technologies et l’habillement. « L’Algérie est confrontée à un chômage endémique mais ces créneaux spécialisés ne trouvent pas preneurs et restent porteurs », affirme à J.A, Sarra Hanafi.
La proximité géographique et les affinités humaines et culturelles aidant, il y a de fortes chances que l’Algérie remplace, momentanément et partiellement, la Libye, comme destination de la main d’œuvre qualifiée, en attendant la stabilisation de la situation politique et sécuritaire dans ce pays. En plus, Sarra Hanafi souligne que le modèle économique algérien, en pleine mutation, vise à réduire ses importations et à augmenter la production locale et, dans ce contexte, les Tunisiens disposent d’atouts majeurs, d’autant qu’ils acceptent des salaires moins élevés que d’autres cadres étrangers, moyen-orientaux ou européens.