Dans son poème célèbre l'Albatros, Charles Baudelaire présente le poète à l'instar de ce volatile qui se déploie au-dessus de la houle d'une mer agitée et vient, contre toute attente, échouer sur la proue d'un navire sous les yeux ébahis des marins, extasiés par tant de majesté. Cependant, lorsqu'il cherche à reprendre le large, ses ailes de géant l'empêchent de marcher. En face, les marins se gaussent de lui; le ramenant à leur condition.
Personnage hors du commun, le poète vaut, dans bien de cas, cette image popularisée par le grand Charles. Il est plus souvent célébré que ne le pense le quidam. Mais cette gloire n'est pas à la hauteur de ce qu'est la poésie, dimension qui confine à l'ivresse et qui conduit celui qui la porte vers l'entéléchie. Le poète peut aussi retomber sur terre et contempler la misère du monde. Tout n'est pas que beauté et magnificence. La laideur est tapie dans les actes de guerre générateurs de l'empire de la mort sur la vie, en l'absence de toute régulation par l'homme réconcilié avec la conscience de l'unité profonde du genre humain. La conséquence est à la mesure de la déroute de l'Homme. Le mensonge, l'hypocrisie et la trahison, très répandus de nos jours, laissent des traces dans les mémoires que la durée ne peut dissiper. En face d'un tel événement, un jeune poète comme Christian Levo se lève et entreprend avec les moyens à sa disposition une sorte de quête du Graal dans la droite ligne de ce sang du Christ mythique qu'il rêve de voir laver l'homme des souillures de son existence afin de retrouver l'innocence perdue. Au travers des portraits de ceux qu'il aime, il nous donne à voir son âme romantique et l'altérité d'un bonheur qu'il entrevoit dégagé de ses tenants et aboutissants matérialistes.
Certes sa poésie est balbutiante, ce qui se comprend pour un début. Son style est corseté par les rimes dont il a intérêt à se débarrasser au plus vite. Il fait déjà mieux dans la deuxième partie du recueil intitulé «Larmes d'or», où il exprime cette quête de l'innocence avec une plus grande aisance, sans chercher particulièrement à versifier. Pour tout dire, un poète éclot et il faudra, dans les prochains jours, le suivre à la trace.