Après maintes réflexions, les hommes et femmes de droit congolais rédigeaient en 1984 le code de la famille en tenant compte de certaines réalités de la tradition congolaise. Mais quelques années après, l’évolution de la société et l’émancipation de la femme ont mis en cause certaines composantes de la tradition qui figurent dans ce code. Il s’avère que quelques aspects de ce texte nécessitent d'être révisés pour protéger la situation de la femme… ainsi que le mariage.
La dot au centre de la crise du mariage
Pour éviter que la dot ne constitue un obstacle au mariage, le code de la famille avait décidé que celle-ci s’élèverait à 50.000 francs CFA. Mais cette décision n’a pas été respectée à cause de la coutume africaine : le mariage coutumier doit être célébré avec faste et cela pour honorer « la puissance financière » des deux familles. Une enquête réalisée à Brazzaville pendant l’année académique 2011-2012 par des universitaires auprès d’un échantillon de 622 couples dont l’âge varie entre 19 et 78 ans pour les femmes et 21 et 81 ans pour les hommes, révèle que le montant de la dot défini par le code de la famille n’est pratiquement respecté par aucune famille.
Même s’il est arrêté à 50.000 francs CFA, la belle-famille déclare hypocritement avoir reçu ce montant imposé par le code, lors de la célébration du mariage officiel, alors qu’un montant estimé entre 500.000 et 800.000 francs CFA accompagne les cadeaux en nature pendant la cérémonie du mariage traditionnel. Dans le mariage africain, la dot est en effet constituée par des objets de valeur (habits, bijoux en or…) et une importante somme d’argent qui s’avère être un handicap car 66 % des couples qui espèrent se marier vivent avec moins de 100.000 francs CFA par mois. Il est traditionnellement demandé à l’époux un grand festin pour la belle-famille ainsi que d’habiller le père, la mère, les tantes et un frère de l’épouse.
Avant l’adoption du code de la famille de 1984 et même quelques décennies après, les Congolais pouvaient se procurer les objets de valeur faisant partie de la dot sans difficultés, ils étaient relativement peu chers. Aujourd’hui, les objets demandés ont vu leur coût doubler ou tripler, du fait de l’évolution des nouveaux produits, dans une société où 70 % de la population vit au seuil de la pauvreté. Aussi, les prétendants prennent-ils plus de temps que prévu pour préparer financièrement, avant concrétisation, leurs mariages traditionnel et civil. L’enquête révèle que 55,65 % des couples vivent en union libre, 15,65 % se sont mariés à l’état civil après avoir affronté le mariage traditionnel, 13,22 % ont fait un mariage coutumier en attendant de passer devant le maire et 15,48 % ont opté pour le mariage coutumier partiel : la dot est alors perçue par la belle-famille en deux, voire trois versements à cause des difficultés financières du prétendant. Le mariage, institution qui devrait en principe stabiliser la famille, devient ainsi un facteur perturbant pour les couples.
Aider les femmes à connaître leurs droits définis par le code de la famille
Mais il y a un autre problème autour du mariage en Afrique et notamment au Congo. Le mariage coutumier, condition sine qua non pour le mariage à l’état civil, apparaît aussi comme un frein pour l’épanouissement et les libertés de la femme dans une société congolaise en pleine mutation et où la femme mariée est plus « considérée » que la célibataire. 75 % des femmes ayant contracté un mariage manquent d’informations sur leurs droits matrimoniaux à cause de leur niveau d’éducation médiocre. C’est surtout quand elles perdent leurs époux qu’elles commencent à se confronter à certaines réalités des us et coutumes rétrogrades qui persistent encore au niveau de quelques familles. Elles subissent parfois des maltraitances morales (injures, calomnies…) et physiques (sévices et violences corporelles…) de la part de quelques éléments de la belle-famille dès qu’elles deviennent veuves. Souvent, elles sont aidées par des associations de défense des droits de la femme pour faire valoir leurs droits à l’héritage, à la pension de veuvage et au capital décès souvent accaparés par les belles-familles. Aussi, poursuivent-elles ces dernières en justice : aidées par ces associations, des veuves ont compris leurs droits. Elles savent par exemple que le code de la famille réglemente la répartition des biens laissés par le défunt mari : 50 % sont réservés aux enfants, 30 % octroyés à la veuve et les 20 % restants aux descendants proches du mari (père, mère et collatéraux). Enfin, la polygamie (héritée de la tradition) est admise par le code de la famille de 1984, alors qu’elle est un handicap pour l’harmonie des foyers, source de mésententes entre les co-épouses et leurs enfants.
Nécessité de réviser le code de la famille
La tentative d’intégration du mariage coutumier dans le code de la famille mis en œuvre depuis 1984 pose problème. Plusieurs années de pratique des mariages traditionnel et civil sont suffisantes pour apprécier la portée de ce code. Un toilettage s’avère ainsi nécessaire afin que ce texte puisse traduire l’évolution sociale et économique et faire en sorte que le mariage joue son rôle d’institution stabilisatrice. On ne saurait assurer un véritable développement social si la question de l’intérêt de la famille nucléaire, dont la femme est la pièce maîtresse, n’est pas, paradoxalement, prise en compte dans le mariage.