Article publié le 2015-06-14 par Alexandre Korbéogo Dossier
Agriculture - La pierre angulaire [04/2015]
Neil Palmer (CIAT). Marché aux bananes, Mont Kenya — Sous licence CC BY-SA 2.0

L’agriculture constitue la principale source de revenu de milliers d’africains. Essentiellement rurale, l’agriculture africaine tend à se développer avec l’entrée en lice des agro-businessman and women.

L’Afrique possède une grande variété de zones agro-écologiques, qui vont des forêts ombrophiles marquées par deux saisons des pluies à une végétation relativement clairsemée, sèche et aride, arrosée une fois l’an. Si cette diversité constitue un énorme atout, elle représente tout de même un grand défi pour le développement agricole de l’Afrique. D’une part, elle offre un immense potentiel en termes de denrées et produits agricoles susceptibles d’être produits et commercialisés sur les marchés intérieurs et extérieurs. D’autre part, cette diversité exclut toute solution générale aux problèmes que pose le développement agricole sur l’ensemble du continent. Par conséquent, la programmation et la mise en œuvre d’interventions dans ce secteur doivent être adaptées aux conditions propres à chaque zone agro-écologique et à la situation socio-économique des ménages ruraux vivant dans les différents pays du continent. Au cours des trois dernières décennies, les gains de productivité agricole en Afrique ont été obtenus dans une large mesure par une expansion continue des cultures pluviales, en particulier, les cultures vivrières, sur des terres de plus en plus marginales et/ou par la réduction des périodes traditionnelles de jachère entre deux cycles de culture. Soumis à la forte pression démographique, les ménages ruraux ont été contraints d’adopter des pratiques agricoles qui assurent leur survie. Malheureusement, les stratégies de sécurité alimentaire des ménages n’ont pas accordé beaucoup d’importance à l’accroissement de la productivité des exploitations agricoles par l’intensification du rendement par parcelle de terre cultivée – c’est-à-dire par l’accroissement du rendement des cultures à l’hectare. Hormis l’agriculture commerciale qui couvre une gamme relativement restreinte de cultures, l’utilisation d’intrants agricoles – c’est-à-dire de semences améliorées, d’engrais inorganiques, d’insecticides et de pesticides – est nettement moins répandue en Afrique que dans les autres régions en développement du monde. Souvent, la quantité d’engrais inorganique utilisée à l’hectare est inférieure à dix kilogrammes de nutriments. Pour l’heure, l’utilisation des produits agrochimiques et/ou de techniques de lutte intégrée contre les maladies végétales et les parasites restent largement limitée aux cultures d’exportation.

Une expansion continue

L’expansion continue des cultures s’est faite aux dépens des autres systèmes d’utilisation des ressources naturelles. L’une des conséquences de ce phénomène a été la destruction rapide des ressources forestières par le défrichement et la surexploitation des terres aux fins de production de bois de feu et d’autres utilisations domestiques. Un autre effet plus subtil de cette situation est la détérioration des systèmes de transhumance du bétail, provoquée par l’utilisation à des fins de culture de superficies de plus en plus étendues de terres autrefois réservées au pâturage de saison sèche. Les pays africains doivent à cet effet, formuler des stratégies et des politiques publiques cohérentes pour accroître significativement la productivité agricole tout en enrayant la dégradation des ressources naturelles. Dans une perspective d’accroissement de l’aide extérieure destinée à l’agriculture, ils devront parvenir à la mobilisation la plus efficace de ces fonds, l’enjeu étant aujourd’hui d’obtenir la meilleure complémentarité possible entre la fourniture de biens publics et les investissements privés, nationaux et internationaux. Cette mobilisation suppose la mise en place par les États de nouvelles politiques publiques reposant sur la mise au point de compromis dans divers domaines tels que la réglementation foncière, la recherche agronomique, l’accès au crédit, la protection douanière et les mécanismes de lutte contre la volatilité des cours et de gestion des risques, le renforcement des organisations agricoles (développement des coopératives jusqu’ici peu encouragées par les États), la constitution de marchés régionaux, la formation, etc. Elle suppose également de s’attaquer aux goulots d’étranglement que sont notamment les infrastructures, la logistique et le manque d’intégration régionale, les facteurs de compétitivité, dont l’énergie, le manque d’intermédiaires financiers et de transformateurs, le manque de financement à long terme en monnaie locale.

Inciter le secteur privé à investir dans l’agriculture


Pour financer ces infrastructures, le secteur privé doit agir comme force de proposition pour des solutions innovantes dans le domaine des partenariats public privés (PPP) associant l’État, les opérateurs privés, les bailleurs de fonds. Ce, à condition qu’un cadre incitatif soit mis en place pour faciliter ces partenariats et permettre l’engagement du secteur privé à pallier les défaillances des États à fournir ces infrastructures vitales pour l’agriculture. Pour se faire entendre par les États et les bailleurs de fonds, le secteur privé doit s’organiser et affirmer sa doctrine sur les conditions de la relance de l’agriculture africaine, au-delà des lieux communs, clichés et idées reçues. Il doit faire la part du vrai et du faux, du simplifié et du déformé, en évitant les jugements à l’emporte-pièce, sur plusieurs questions épineuses qui conditionnent l’avenir de l’agriculture africaine, tout particulièrement la protection des marchés agricoles, les agro-carburants (…), la relation entre cultures industrielles tournées vers l’exportation et les cultures vivrières, les politiques de développement durable… La contribution du secteur privé au développement est en effet un point-clé. Le secteur privé investi a fait la preuve que son professionnalisme et son expertise peuvent être mis efficacement au service du développement sur les zones où ils opèrent.