Des chercheurs africains réunis en mars dernier à Entebbe, en Ouganda, ont appelé à plus de patience pour le vaccin anti-sida. Malgré la complexité du VIH, l'espoir de la mise au point d'un vaccin en Afrique reste sans équivoque, selon des scientifiques présents à cet atelier. Depuis plus d'un quart de siècle, la lutte contre le VIH/SIDA a toujours préoccupé le monde entier, notamment le continent africain. La recherche entreprise, à cet effet, permet tout de même de garder l'optimisme.
Le continent africain paie le plus lourd tribut à la maladie avec les trois-quarts des décès dus au sida enregistrés dans le monde. Environ 22,5 millions de personnes vivent en Afrique avec le virus du sida, soit 68% de la population mondiale contaminée. Huit pays africains concentrent à eux seuls le tiers des nouvelles infections et des décès enregistrés chaque année dans le monde. Pour le Dr Catherine Hankins, conseiller scientifique principal du Programme commun des Nations Unies sur le VIH/SIDA (ONUSIDA), « c'est l'Afrique qui a le plus à gagner dans la mise au point d'un vaccin contre le VIH, car c'est ce continent qui est le plus touché. Mais un vaccin sûr et efficace contre le VIH pour les Africains ne deviendra réalité que si ils participent pleinement à la recherche en vue de sa mise au point. »Lancé en juin 2000 à Naïrobi, le programme africain pour un vaccin contre le Sida (PAVS) est un réseau de scientifiques africains qui collaborent pour promouvoir et faciliter la recherche et l'évaluation d'un vaccin anti-VIH, grâce à un renforcement des capacités et une collaboration régionale et internationale, avec le soutien de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) et du Programme des Nations Unies sur le VIH/SIDA (ONUSIDA). «Avoir une Afrique sans Sida en développant un vaccin», tel est le slogan du programme qui joue aujourd'hui un rôle de coordination et de gestion de réseau sur le continent, rassemblant les parties prenantes du domaine du vaccin contre le VIH de différents pays africains. Parrainé par la Première dame du Rwanda, Mme Jeannette Kagame, le PAVS s'est doté d'un plan d'actions 2007-2011 dont la réalisation nécessite la mobilisation de plus de cinq milliards de F CFA.
Deux types de vaccin en cours
Le rôle principal d'un vaccin est de stimuler le système immunitaire d'un être vivant contre une éventuelle contamination par la maladie. Deux types de vaccin sont en train d'être développés. Le vaccin thérapeutique, administré aux personnes séropositives, a la seule capacité de retarder ou d'arrêter la progression du virus, tandis qu'un vaccin préventif, toujours en cours de recherche, protégerait contre le VIH, selon les chercheurs. Tous les essais portent sur des études préliminaires de tolérance (dénommée Phase I ou Phase I/II). Ce type d'essai fait généralement appel à moins de 100 volontaires, chez qui on surveille les effets secondaires ou les réactions négatives. Ces études ne fourniront pas d'informations sur l'efficacité du vaccin contre le VIH. Pour cela, il est nécessaire de conduire des essais (Phase III) sur une population plus étendue (plusieurs milliers de volontaires). Les essais de phase III peuvent commencer lorsque la tolérance du vaccin a été établie.En tout cas, le PAVS est déterminé à s'assurer que, d'ici 2009, un essai de Phase III (efficacité) serait achevé et des plans concrets mis au point pour garantir l'accès de ces vaccins en Afrique, après que des plans spécifiques ont été élaborés pour la mise à disposition du vaccin cette année. Cinq pays africains procèdent actuellement à des essais cliniques de phase I et de phase II sur des vaccins potentiels : l'Afrique du Sud, le Botswana, le Kenya, l'Ouganda et le Rwanda. Ils seront bientôt rejoints par la République Unie de Tanzanie. Dans le monde, le premier essai clinique sur le vaccin anti-VIH a été effectué aux Etats-Unis en 1987. Pas moins de 80 essais - dont deux essais de phase III en Thaïlande et aux Etats-Unis qui n'ont pas permis de démontrer un niveau d'efficacité significatif - ont eu lieu dans le monde sur plus d'une cinquantaine de vaccins potentiels. Un essai de phase III à grande échelle sur 16.000 volontaires se déroule actuellement en Thaïlande.En Afrique, les premiers essais cliniques sur le vaccin contre le VIH, administrés en 2007 auprès d'un échantillon de 57 volontaires au Kenya, en Ouganda et en Afrique du Sud, ont permis aux chercheurs de noter que contrairement à ce qui se passe dans d'autres infections virales classiques, le VIH n'est jamais éliminé par les anticorps résultants d'un vaccin. La mise au point d'un vaccin sûr, très efficace et facilement accessible, devrait être considérée comme un défi à long terme : elle ne sera ni aisée, ni rapide. Davantage de travaux de recherche de base et clinique approfondis sont nécessaires pour mettre au point des produits plus nombreux. Des essais cliniques multiples exigeant une collaboration et une coopération internationales intenses seront nécessaires. Une fois le vaccin découvert, il faudra encore veiller à ce que l'ensemble de ceux qui en ont besoin y aient accès.Pour le Dr Marie-Paule Kieny, Directeur Initiative OMS pour la recherche sur les vaccins, « un problème scientifique majeur auquel on se heurte dans la mise au point d'un vaccin sûr et efficace permettant de protéger la population africaine est celui de la grande variété des sous-types de VIH existant en Afrique, et notamment au Cameroun ». Les chercheurs africains sur le vaccin contre le VIH, présents au forum d'Entebbe, qualifient de positifs les résultats de la recherche, même s'ils ne sous-estiment pas les difficultés rencontrées. Pour le directeur du PAVS, Dr Kaleebu Pontiano, « les essais infructueux ne doivent pas être perçus comme des échecs, mais toujours comme un pas de rectification vers le vaccin tant attendu ». La seule entrave intrinsèque dans cette initiative réside au niveau de la collaboration entre toutes les institutions nationales, régionales et internationales ainsi que d'autres partenaires impliqués dans cette recherche, reconnaît-il.«Les résultats de la première expérience des essais cliniques sur le vaccin anti-VIH en Afrique sont positifs, mais ne sont pas totalement convaincants», déclare pour sa part le professeur Jeckoniah Ndinya Achola, chercheur à l'école de médecine de l'Université de Nairobi, au Kenya. Chercheur en biomédical au PAVS et de l'Initiative kenyane pour un vaccin contre le Sida (KAVI), il affiche lui aussi son optimisme, espérant que des tests cliniques en cours sur des rats, des lapins et des singes aboutiront à la mise au point d'un vaccin efficace. Jaoko rappelle que les chercheurs ont mis 47 ans pour trouver le vaccin contre la poliomyélite, 22 ans pour celui contre l'hépatite A et 20 ans pour le vaccin anti-rougeoleux. Le Sida est à sa 27ème année d'existence et il n'y a toujours pas de vaccin, mais « il y a un grand espoir qu'avec cet engouement dans la recherche, on parviendra à mettre la main sur le vaccin », a rassuré Jaoko.