À Ouagadougou, chaque famille possède au moins un engin à deux roues. Vélo, mobylette ou moto. Ce qui donne à la capitale burkinabè le titre de capitale des deux roues. Et à côté de ces engins, s’est développée une activité lucrative : les parkings.Au point qu’il est hasardeux de ne pas confier sa moto à ces jeunes, hommes comme femmes qui en ont fait leur gagne-pain. Les parkings à Ouagadougou sont donc une réalité. Même que de plus en plus leur activité s’étend aux quatre roues.
À Ouagadougou, les parkings ont intégré la dimension genre. Anciennement réservés à la gent masculine, de plus en plus, des jeunes filles belles, à la fleur de l’âge sont dans le secteur comme gardiennes. Ce qui suscite admiration et surtout surprise.
Certains hommes en venant parquer leurs engins sont surpris de constater qu’une jeune fille fasse le parking. Pour eux, c’est inconcevable car c’est un métier réservé aux hommes", ainsi s’exprimait Germaine Yaméogo, 18 ans. Obligée d’interrompre les cours en classe de 4e, Germaine est parkeuse à "L’autorité divine Bénéwendé" située en plein cœur de Ouagadougou.
Chaque jour, de 7 heures à 19 heures, Germaine essaie d’intégrer son activité à son statut de jeune fille. Non sans accrocs Venant à peine de se réveiller, elle s’étire en cette matinée pour dégourdir les muscles et les os encore ensommeillés. Le visage terne, elle baille sous le soleil de l’harmattan qui cède peu à peu la place à la chaleur.
"Durant la matinée, la garde des engins revient à 100 F. La nuit, c’est 200 F (moins d’un euro)", affirme Germaine. Sous le regard de son collègue de service assis juste à côté sur le siège arrière d’une motocyclette. Le salaire dans le milieu n’est pas un sujet tabou. "Je gagne 700 F (un euro) par jour, nourriture comprise". Cela est peu, comparé à ce que gagnent les patrons des parqueurs..
En effet, les parkings sont les propriétés des patrons qui embauchent à leur tour, des jeunes capables d’assurer la sécurité des engins. Par jour, d’après Germaine, le parking rapporte durant les jours ordinaires 5 à 6 000 F CFA au boss. Pendant les jours de fête, cela va jusqu’à 20 000 F par soirée.
Devant la Maison du peuple de Ouagadougou, cette jeune fille exerce tant bien que mal son boulot. Tout à fait réveillée maintenant, Germaine parle de ses rapports avec les clients et son patron. Pourquoi le patron vous paye 700 F par jour, lorsqu’il peut avoir 6 000 F/jour ?
Germaine sourit fixe ses yeux sur son collègue et après quelques clins d’œil, tous deux éclatent de rire. "Même si cela ne t’arrange pas, est-ce que tu peux te plaindre ? "Finit-elle par avouer".
Autre couac avec le patron ? Là, assis sur le banc, elle pose ses pieds sur la motocyclette et met ses paumes entre ses pieds d’un air surpris par la tournure des questions. "Les problèmes avec le patron sont nombreux. Si un engin est mal garé, tu en fais les frais. Où lorsque nous lui donnons 4 000 F par jour, il nous soupçonne d’avoir bouffé son argent", constate Germaine l’air sérieux et détendu.
Quant aux clients, les principaux sujets de mésentente sont les pertes de tickets permettant de donner un numéro à chaque engin. Et lorsque le propriétaire de l’engin a égaré son ticket, l’on procède à la vérification des pièces de l’engin. S’il y a conformité entre le numéro du cadre figurant sur la pièce et celui sur la moto, alors l’engin est remis.
Dans le cas contraire, l’engin est gardé jusqu’à ce que le propriétaire puisse faire la preuve formelle qu’il lui appartient.
Du vol des engins
Le problème des vols d’engins est un casse-tête chinois pour les parqueurs. Il est difficile de concevoir que dans un cadre bien construit, l’on arrive à dérober des motocyclettes au parking. Et pourtant !
Au parking "Zemstaaba", ce sont trois engins qui ont été volés en moins de trois ans. Deux Yamaha et une P50 Junior. Les propriétaires ont été remboursés dans le délai qui sied, c’est-à-dire un mois après le vol. SourataSawadogo, une autre jeune fille est aussi parqueuse. Elle est rémunérée à 15 000 F par mois. Depuis 9 mois qu’elle exerce ce métier, Sourata fait des pieds et des mains pour redorer le blason de son existence grâce à ce job.
Adossée au pilier du hangar qui sert de parking, elle a été embauchée par son oncle. Même son de cloche pour la somme engrangée par journée. La taxe quant à elle, s’évalue à 50 000 F par mois. Avec un "borsal" sur la tête et les bouts de sa chemise noués, elle a le temps d’interpeller un client s’emparant de son engin. "Monsieur, votre ticket". Le ticket lui est remis accompagné de la modique somme de 50 F.
À Ouagadougou, avec l’apparent "boom économique" des voitures d’occasion appelées communément "Au revoir la France", des parcs à auto ont vu le jour. Ainsi, des jeunes surveillent les voitures et souvent même deviennent des moniteurs d’auto-écoles quand il s’agit de faire sortir les véhicules des parkings jouxtant le bitume. Cependant, cette activité a du mal à s’incruster dans la mentalité de certains propriétaires de voitures.
SalifSebré brave le soleil, tandis que son patron se la coule douce sans lui verser un rond. "Mon patron ne me paye pas car il dit que ça ne marche pas". Est-il vrai que ça ne marche pas ? Le jeune, un peu crispé, cherche ses mots. " C’est un peu compliqué, puisque certains sont abonnés chez lui et d’autres refusent de payer prétextant que leur véhicule est "fond rouge" (NDLR : plaque rouge symbole d’automobile de l’État), lâche Salif, d’un ton sévère.
Combien gagne votre patron ? Salif rétorque :"Ça, je ne le sais pas, sincèrement". Un monde à deux vitesses, clamerait l’autre. Installés devant les établissements publics, les yaars, les départements ministériels, les écoles et lycées de la "capitale des deux roues", les parqueurs de tout acabit, passent la journée à donner des tickets, à écrire avec la craie sur les selles des engins et à empocher des pièces de 50 F. Payer le ticket du parking est devenu une habitude pour le Ouagalais.
Et lors des courses en ville , le prix du parking occupe une bonne place sur le carnet des dépenses. Chasser le naturel, il revient au galop Cependant, ce qu’il faut déplorer, c’est l’érection des parkings dans certains lieux qui n’en n’ont vraiment pas besoin. Et que dire des parkings spontanés, créés de toutes pièces lors de certaines manifestations de portée nationale ou internationale où le prix du ticket peut acheter le sandwich au restaurant d’à côté ! C’est le cheveu dans la soupe.
Plus de 4 600 engins à parquer
AmidouTarnagda est parqueur depuis 1992 au lycée Philippe ZindaKaboré, le plus grand établissement secondaire du Burkina Faso (16 classes de 6e, s’il vous plaît !). Dans ce lycée, un groupe de jeunes, sous la supervision d’un chef, s’occupent du parking.
Les élèves s’abonnent dès l’inscription pour l’année scolaire. La scolarité est de 8 000 F dont 5 000 F pour l’établissement et 3 000 F pour l’Association des parents d’élèves, en abrégé APE. D’après Amidou, l’APE signe un contrat avec son patron pour la garde des engins des élèves. "Par jour, surtout les matins, nous avons à parquer plus de 4 600 engins", clame l’homme en prenant appui sur la table où sont posées les cartes d’abonnement. "C’est pas facile", a-t-il témoigné. Les yeux bouffis et rougis par la fatigue, il en a vu des vertes et des pas mûres dans ce métier. "Les vols d’engins sont récurrents à chaque rentrée scolaire ! Et ce sont les élèves mêmes qui volent les engins de leurs amis", avoue Amidou.
Du phare des bicyclettes au dynamo en passant par les selles, des élèves démontent à l’aide de clés mécaniques, les composantes des engins. "Nous avons plusieurs fois mis la main sur des élèves que nous avons conduits au provisorat", reconnaît Amidou. Côté salaire, c’est des miettes. Même pas le SMIG. "Je gagne 15 000 F, souvent 17 000 F par mois du fait que je suis le chef. Sinon, les autres c’est 500 F/jour".
Ainsi va la vie des parqueurs au Faso. Faute de mieux, on fait avec ce qu’on a, est la philosophie qui semble donner du tonus au courage de ces jeunes qui passent la journée à faire rentrer et sortir des engins du parking. Faso sans chars... Faso sans prix de parking... réfléchissons avant d’aller en ville.