Par Souleymane KANAZOE
Dans son supplément intitulé « Perspectives économiques en Afrique 2020 », publié au cours de mois de juillet, la banque africaine de développement (BAD) rapporte que près de 49 millions d’africains pourraient être plongés dans l’extrême pauvreté à cause de la pandémie, en particulier en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale. Qu’à cela ne tienne, « l’Afrique devrait connaître un rebond de 3 % de sa croissance économique en 2021 si les gouvernements parviennent à juguler la propagation de la pandémie de covid-19 », indique la BAD. A la date du 22 juin 2020, le nombre de cas confirmés de Covid–19 dans 54 pays africains était de 304 642, dont 8 087 décès déclarés. Les chiffres communiqués sont susceptibles d’être sous-estimés en raison des capacités de test limitées dans la plupart des pays selon de nombreux observateurs.
Pour la BAD, les perspectives économiques pour l’Afrique sont moroses. En effet, le PIB réel en Afrique devrait se contracter de 1,7 % en 2020, soit une baisse de 5,6 points de pourcentage par rapport aux projections de janvier 2020 qui précédaient l’apparition de Covid–19, en supposant que l’impact de la pandémie sera substantiel mais de courte durée. Pour les rédacteurs du rapport, si la pandémie se poursuit au-delà du premier semestre de 2020, la contraction du PIB en 2020 sera beaucoup plus marquée, de l’ordre de 3,4 %, soit une baisse de 7,3 points de pourcentage par rapport à la croissance projetée avant la pandémie de Covid–19.
La contraction projetée de la croissance en 2020 pourrait coûter à l’Afrique des pertes en termes de PIB de l’ordre de 145,5 milliards de dollars us (scénario de base) et 189,7 milliards de dollars us (scénario pessimiste), sur les 2 590 milliards de dollars du PIB projeté en 2020 avant l’apparition de Covid–19 selon le supplément « Perspectives économiques en Afrique 2020 ». « Une partie de ces pertes pourraient se poursuivre en 2021, dans la mesure où la reprise attendue ne serait que partielle. Ainsi, les pertes du PIB prévues en 2021 pourraient se chiffrer entre 27,6 milliards de dollars (scénario de base) et 47 milliards de dollars (scénario pessimiste), par rapport aux prévisions PIB de 2 760 milliards de dollars dans un contexte non marqué par la pandémie », affirme le rapport.
Le supplément précise que les économies les plus affectées sont celles dont le système de santé est fragile, celles qui dépendent fortement du tourisme, du commerce international et de l’exportation des denrées, mais aussi celles qui sont lourdement endettées et dont l’économie repose en grande partie sur des apports financiers internationaux devenus volatiles. « L’impact global de la pandémie sur les résultats socioéconomiques reste cependant incertain. Il va dépendre de l’épidémiologie du virus, de la gravité de ses impacts sur l’offre et la demande, de l’efficacité des réponses au niveau des politiques publiques et de la persistance des changements de comportement », soutient les rédacteurs du rapport.
La Bad affirme que la Covid–19 renforce la probabilité d’une crise généralisée et profonde de la dette souveraine si celle-ci n’est pas correctement gérée. De nombreux pays africains ont abordé cette crise avec des ratios dette-PIB élevés, qui pourraient augmenter jusqu’à 10 points de pourcentage au-delà de la trajectoire prévue pour 2020 et 2021 avant l’apparition de Covid–19. L’accumulation de la dette souveraine est particulièrement inquiétante du fait de l’évolution de sa structure de risque en Afrique. Par ailleurs, les envois de fonds ont été la première source de financement extérieur, enregistrant une hausse de 7 % par rapport à 2017 pour s’établir à 82,8 milliards d’USD en 2018, puis à 86,2 milliards d’USD en 2019 grâce à une reprise de la croissance économique mondiale et à une augmentation des migrations.
Les envois de fonds sont devenus une source majeure de financement étranger pour de nombreuses économies africaines, mais avec l’apparition de la Covid, nombre de pays sont devenus extrêmement vulnérables aux chocs sur les envois de fonds de la diaspora causés, en particulier par ceux provenant d’économies à revenu élevé où les emplois et les revenus des migrants sont menacés.
La propagation du virus en Afrique dépend fortement de la capacité des pays à isoler et traiter les patients infectés, ce qui pose un risque majeur d’urgence de santé publique en raison de la forte vulnérabilité de la région aux maladies et du manque de préparation du système de santé. Au vu de l’ampleur mondiale de la pandémie de Covid–19 et de ses répercussions, les gouvernements et partenaires au développement devront apporter une réponse coordonnée, ciblée et rapide pour être efficaces dans l’atténuation de ses impacts, a laissé entendre les rédacteurs du supplément.
Les conséquences de la Covid-19 sur le continent pourraient entrainer quelque 25 à 30 millions de pertes d’emplois.