Charlie Wandji est un jeune entrepreneur camerounais. Il est actuellement cofondateur d'une société appelée “Solutionneurs”, et fondateur de la plate-forme leader en outsourcing en Afrique. Son objectif est de réduire le taux de chômage en Afrique en connectant les demandes de micro-tâches avec l’offre de jeunes freelancer au Cameroun et à travers le continent via sa plateforme www.1task1job.com. Il est également responsable de la gestion financière d'un projet appelé B-ADAPT (Business Adaptation to Climatic Change) à AMFN (African Model Forest Network). L'AMFN est une ONG qui s'occupe du développement rural, opérant dans plus de six pays partenaires. Son rêve est de réduire le taux de chômage au Cameroun de 50% au cours des 10 prochaines années. Pour l’originalité et la pertinence de ses projets, pour l’ambition de ses objectifs, nous l’avons interviewé pour qu’il nous éclaire sur son parcours entrepreneurial.
Le nouvelAfrique (LNA) : Votre parcours est un exemple à suivre pour plein de jeunes. Pourriez-vous en dessiner les grands contours ?
Charlie Wandji (CW) : Il a fallu beaucoup de courage et de détermination pour démissionner de mon boulot et me mettre après plusieurs années à mon propre compte, mes ambitions ne concordaient plus avec les réalités auxquelles je faisais face, j’ai décidé de prendre du temps pour murir mon projet d’entreprise.
LNA : Qu'est-ce qui vous a motivé à devenir entrepreneur et comment avez-vous pu surmonter les différents obstacles ?
CW : L’une des principales motivations a été le problème de chômage auquel j’ai été confronté. Diplômé en expertise comptable ACCA, je pensais pouvoir trouver aisément du travail sauf que les réalités sur le terrain étaient toutes autres, j’ai déposé des demandes de stage et d’emploi qui n’ont pas abouti à grand-chose. Je n’ai pourtant pas baissé les bras, j’ai continué parce que j’avais la ferme conviction que je parviendrais à mes fins ; ainsi j’ai fini par m’engager comme bénévole dans Harambe Cameroun, une organisation d’entrepreneurs sociaux. C’est là que tout a commencé. J’ai appris à travers cette organisation comment transformer ses problèmes en opportunité et c’est de là que m’est venue l’idée de 1TASK1JOB.
LNA : D'après votre expérience, quelles sont les qualités indispensables pour devenir un entrepreneur ?
CW : Je pense qu’il faudrait déjà connaître son environnement, bien l’étudier mais surtout être à l’écoute des besoins réels et pouvoir y apporter des solutions pratiques. Le courage et l’optimisme sont des qualités très importantes pour l’entreprenariat. Aussi, je pense il faut pouvoir distinguer la bonne et la mauvaise intuition (ceci prend du temps et je travaille encore dessus). L’humilité est très importante aussi.
LNA : Votre entreprise s'appuie sur les nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC). Comment d'après vous les NTIC pourraient encourager l'entrepreneuriat en Afrique, notamment celui des jeunes ?
CW : L’économie numérique aujourd’hui est un secteur très porteur auquel l’Afrique devrait davantage s’intéresser. Il faut reconnaître que les NTIC ont donné une nouvelle impulsion dans tous les domaines de la société. Ce qui en fait une réelle opportunité pour les jeunes qui peuvent ainsi proposer des solutions viables au travers de cet outil qui permettra de générer des emplois. Pour y parvenir il faudrait bien évidemment que les NTIC soient accessibles à tous et de bonne qualité.
Les NTIC facilitent aujourd’hui la création et le développement d’un business. Un jeune Africain peut facilement créer et gérer une boutique en ligne à moindre coût.
LNA : La jeunesse, bien que reconnue comme opportunité, est souvent traitée comme une contrainte. Comment l'Afrique peut-elle profiter de sa jeunesse ?
CW : L’Afrique a beaucoup à gagner de sa jeunesse. Quand je parle de l’Afrique ici, je parle de tous ses secteurs (le gouvernement, les jeunes eux-mêmes, les enfants et les plus âgés).
Imaginez une Afrique où 5% de la jeunesse aurait son propre business, chacun pouvant embaucher 3 à 10 personnes. Ceci aura un impact significatif sur l’Afrique. Cela générerait des impôts à l’État, le taux de chômage serait réduit, la pauvreté aussi, sans oublier les autres secteurs. Les gouvernements africains ont beaucoup à gagner en investissant sur leur jeunesse et en leur offrant des opportunités de formation à l’entreprenariat. Ceci permettrait d’accompagner leurs idées à fort impact social.
LNA : Souvent en Afrique, on entend parler de politiques de promotion de l'entrepreneuriat. Quel regard portez-vous sur ces politiques ?
CW : Les politiques de promotion de l’entrepreneuriat sont des initiatives louables car elles contribuent à réduire le chômage en encourageant les jeunes qui hésitent à se lancer dans l’entreprenariat.
Le plus grand manquement de ces politiques reste qu’elles ne favorisent pas vraiment la présence des Business Angels, Venture Capitalist et Investment Banks en Afrique.
LNA : Peut-on "fabriquer" des entrepreneurs?
CW : Je dirais oui et non, Oui parce que je pense que nous avons tous la capacité d’entreprendre dans nos domaines de compétence respectifs mais parfois il nous manque juste le courage de se lancer à notre propre compte. Mais ce courage peut se développer avec le temps. D’un autre côté, je dirais non parce qu’il ne suffit pas d’avoir la volonté. Certaines personnes ne sont pas aptes à supporter les challenges liés à l’entrepreneuriat et du coup doivent abandonner.
LNA : Comment l’État peut-il changer son approche pour mieux promouvoir d’entrepreneuriat ?
CW : L’État gagnerait beaucoup à encourager davantage les initiatives de promotion de l’entrepreneuriat du fait de leur impact fort sur la croissance économique. L’État doit consulter sa jeunesse pour bien comprendre ses difficultés. Chaque Pays a sa propre culture et c’est important de contextualiser les initiatives en faveur de l’entreprenariat. Inutile de copier les solutions des pays voisins qui ne marcheront peut-être pas ailleurs.
LNA : Est-ce que vous croyez que des entrepreneurs peuvent émerger dans le cadre d'une économie dirigiste avec une planification centralisée ?
CW : Non. Simplement parce que les personnes en charge de ces politiques ne sont pas généralement des entrepreneurs et du coup ne comprennent pas vraiment les besoins et les défis de ceux-ci ou encore ont d’autres orientations.
LNA : Si demain vous deveniez responsable de l'entrepreneuriat dans votre pays, quelles mesures concrètes pourriez-vous mettre en œuvre pour le développer, notamment chez les jeunes ?
CW : Je mettrais sur pieds des programmes d’entrepreneuriat dans le système éducatif (de l’école primaire jusqu’à l’université); des compétitions de business plans ; des programmes d’accompagnement des entrepreneurs et des politiques de créations d’entreprise favorables aux entrepreneurs ; je créerais plusieurs fonds pour financer des projets intéressants et enfin, je faciliterais l’accès au crédit.