Une nouvelle étape vient d’être franchie dans dix pays francophones d’Afrique, avec la première évaluation des acquis scolaires jamais réalisée. Ces pays vont pouvoir ainsi établir un diagnostic de leurs systèmes éducatifs et s’atteler aux problèmes identifiés pour permettre aux enfants de déployer tout leur potentiel. Cet instrument est également un moyen probant de mesurer les apprentissages et d’orienter le dialogue autour du renforcement du capital humain au service de la croissance économique et de la réduction de la pauvreté.
Depuis 15 ans, les pays d’Afrique de l’Ouest et la communauté internationale ont réussi à étendre l’accès au primaire. Or, une évaluation régionale sans précédent des acquis scolaires révèle que la qualité de l’enseignement n’est pas au rendez-vous. La plupart des enfants couverts par l’enquête n’acquièrent pas les compétences de base en lecture, écriture et calcul, une situation qui compromet le renforcement du capital humain dans la région.
L’enquête a été réalisée en 2014, sous forme de tests administrés à des élèves de deuxième et cinquième années du Bénin, du Burkina Faso, du Burundi, du Cameroun, de Côte d’Ivoire, du Niger, de République du Congo, du Sénégal, du Tchad et du Togo. L’échantillon comprenait pratiquement 40 000 élèves de plus de 1 800 écoles. Le tableau ainsi dressé de l’état actuel de l’enseignement primaire est préoccupant.
Dans ces dix pays, 71% des enfants en deuxième année n’ont pas un niveau de français suffisant et sont incapables de comprendre une information claire donnée oralement ou le sens d’une série de mots écrits. Par ailleurs, 59% des élèves de cinquième année sont trop faibles en mathématiques pour pouvoir effectuer des opérations avec décimales ou identifier une formule mathématique simple permettant de résoudre un problème.
Combler les écarts
« Les données collectées mettent également en évidence le gouffre persistant entre les enfants les plus démunis et les enfants les plus aisés. Ainsi au Bénin, au Cameroun et au Togo, les écarts de niveau en langue entre les élèves en dernière année du primaire dont les parents savent lire, écrire et compter et ceux dont les parents sont analphabètes correspondent à pratiquement un écart-type. Nous devons impérativement remédier à ces inégalités pour rompre le cercle vicieux de la transmission de la pauvreté d’une génération à l’autre », souligne Raja Bentaouet Kattan, responsable des programmes de développement humain pour le bureau de la Banque mondiale au Sénégal.
Cette évaluation inédite a été menée dans le cadre du Programme d’analyse des systèmes éducatifs (PASEC), dont l’objectif consiste à produire des données à travers des enquêtes à grande échelle et à analyser les performances des systèmes éducatifs ainsi que les facteurs contribuant à la qualité de l’enseignement. Lancé à l’initiative de la Conférence des ministres de l’Éducation des États et gouvernements de la francophonie (CONFEMEN), le PASEC bénéficie du soutien technique et financier du Groupe de la Banque mondiale. Grâce à une allocation du 1 million de dollars du Fonds de développement institutionnel, le PASEC a pu renforcer l’expertise de ses équipes et concevoir le programme d’évaluation « PASEC2014 », plus sophistiqué.
Engager un dialogue
Si l’évaluation 2014, dont les conclusions ont été publiées en décembre 2015, met en évidence d’importantes lacunes dans les systèmes éducatifs de l’Afrique francophone, elle offre aussi un système probant de mesure des résultats éducatifs autour duquel responsables politiques et communauté internationale peuvent engager un dialogue dans le but d’améliorer la situation. L’absence de références ou de mesures officielles des acquis scolaires explique en effet en partie cette hétérogénéité de la qualité de la scolarité. La comparabilité internationale des résultats de l’évaluation menée par le PASEC permet d’avoir les toutes premières mesures de la scolarisation en primaire depuis la déclaration en faveur de l’Éducation pour tous, un texte à l’initiative de l’UNESCO, du PNUD, de l’UNICEF et de la Banque mondiale par lequel le monde s’est engagé à offrir une éducation élémentaire de qualité à tous, enfants, adolescents et adultes. Et c’est ainsi que chacun peut désormais avoir une vision globale de la qualité de l’éducation dans les pays francophones d’Afrique.
Raja Bentaouet Kattan, Responsable des programmes de développement humain pour le bureau de la Banque mondiale au Sénégal a indiqué : « Au Bénin, au Cameroun et au Togo, les écarts de niveau en langue entre les élèves en dernière année du primaire dont les parents savent lire, écrire et compter et ceux dont les parents sont analphabètes correspondent à pratiquement un écart-type. Nous devons impérativement remédier à ces inégalités pour rompre le cercle vicieux de la transmission de la pauvreté d’une génération à l’autre ».
De nombreux enfants d’Afrique francophone quittent l’école pendant le cycle primaire ou juste après pour rejoindre le monde du travail. D’où l’importance cruciale d’un enseignement de qualité pour optimiser la productivité et, au final, faire reculer la pauvreté. Les résultats présentés par l’évaluation PASEC2014 et d’autres enquêtes de ce type sont donc essentiels pour informer les prises de décisions politiques et en matière d’investissements. Mais il revient aux gouvernements d’orienter le dialogue national sur la base de ses résultats et de réformer le système d’enseignement primaire afin d’améliorer les performances des futures cohortes.
Renforcer les capacités
Ensemble, les équipes de la Banque mondiale, de la CONFEMEN et du PASEC renforcent les capacités des décideurs et des chercheurs pour favoriser l’exploitation des résultats de l’évaluation et améliorer le système d’éducation. Par ailleurs, la Banque mondiale soutient la préparation de rapports nationaux de diagnostic ainsi qu’une comparaison des performances de l’éducation dans les pays de la région. Elle organise également des ateliers et des formations pour les équipes nationales et les décideurs dans le but de promouvoir une gouvernance axée sur les résultats. Pour Raja Bentaouet Kattan, « ces efforts constituent une première étape indispensable pour s’atteler au défi de la conception d’une stratégie globale visant à prendre en compte les données de l’évaluation au niveau des décideurs et des politiques. Ils contribueront également à améliorer la qualité de l’éducation, un facteur indispensable pour assurer la croissance économique et le développement dans les pays d’Afrique francophone ».