Depuis près de vingt ans, il est l’un des rares pays à maintenir une croissance sans discontinuité. Le Mozambique se présente comme un État en bonne voie d’atteindre l’émergence d’ici peu. Taux de croissance prévu pour 2016 : plus de 8%. Il est la troisième réserve de gaz au monde.
Il faut parier avec l’économie mozambicaine. Depuis près de vingt ans, elle est des plus enviables du continent. Essentiellement basée sur les secteurs de la construction, des transports et de la communication, l’économie mozambicaine tire par le haut. En 2014, elle a maintenu d’excellentes performances, avec une croissance du produit intérieur brut (PIB) réel de 7.6%, et les perspectives restent positives. On prévoit une croissance soutenue de 7.5% en 2015 et 8.1% en 2016. Comme les années précédentes, les principaux moteurs de la croissance seront les dépenses publiques et l’investissement direct étranger (IDE). Les principaux bénéficiaires seront les secteurs de la construction, des services aux entreprises, des transports et des communications, des finances et des industries extractives. À court terme, le principal défi consiste à rester attractif pour l’IDE, tout en veillant à ce que le budget et la dette restent soutenables. Plusieurs déficits budgétaires consécutifs élevés (10% du PIB en 2014), ont fait exploser la dette publique à 56.8% du PIB. Un assainissement progressif des finances est attendu pour 2015 et 2016, compte tenu également d’une baisse des contributions budgétaires des donneurs.
Malgré une production de charbon inférieure aux attentes, les industries extractives sont un moteur économique important. Les autorités ont procédé à une refonte complète du cadre juridique et budgétaire du secteur des mines et des hydrocarbures afin d’accroître les revenus et d’élargir la participation d’entreprises nationales au secteur. Un contrat de concession relatif à une usine locale de gaz naturel liquéfié (GNL) a été négocié, mais la dépression qui touche actuellement les marchés pétroliers internationaux pourrait retarder la décision d’investissement finale et son exécution. Pour autant, un cinquième appel d’offres international a été lancé pour l’exploration de nouveaux gisements de pétrole et de gaz, ce qui ouvre de nouvelles perspectives de découverte d’hydrocarbures.
Une stratégie de développement structuré
Le Mozambique a structuré sa stratégie de développement autour de Programmes d’initiatives de développement spatial régional (PIDSR) et de pôles de croissance. Le but est d’amplifier l’impact des ressources financières limitées en optimisant les investissements d’infrastructure dans des zones clés ou le long des couloirs géographiques. Typiquement ancrés dans de vastes projets publics, les PIDSR et les pôles de croissance visent à faire en sorte que la croissance ait des retombées positives en attirant des petites et moyennes entreprises (PME) en amont et en aval des projets d’investissement de grande ampleur. Le couloir de développement de Maputo, qui sert de modèle aux stratégies des PIDSR et des pôles de croissance, est un des plus avancés d’Afrique subsaharienne et il a fortement contribué au développement économique local. Le Mozambique compte deux pôles de croissance et cinq grands couloirs de développement. Avec des réserves immenses – 5,6 trillions de mètres cubes, les plus importantes d’Afrique Subsaharienne – le gaz est perçu comme le futur secteur porteur de l’économie mozambicaine. Mais le développement des infrastructures permettant son exportation exige d’attirer de très lourds investissements étrangers. Voilà l’un des principaux défis qui se pose au nouveau président mozambicain intronisé le 15 janvier 2015 et à son ministre Pedro Couto. Et ce, dans un contexte international de baisse des cours du pétrole et de frilosité quant aux grands projets d’infrastructures gazières.
Des exportations attendues à l’horizon 2019
« 25 milliards de dollars seront nécessaires pour financer quatre unités de production de GNL [gaz naturel liquéfié] », estime Joao Martins, consultant de Price Waterhouse Cooper (PWC) au Mozambique. Soit presque deux fois le PIB mozambicain. Le gaz n’étant pas le pétrole, sa transformation en gaz liquide, qui fait appel à de coûteuses technologies de pointe, est indispensable avant son exportation par voie maritime. Les revenus du gaz ne sont donc pas prévus pour tout de suite. Les premières exportations sont attendues à l’horizon 2019, selon les prévisions les plus optimistes.
Avec la nomination de Pedro Couto, le président Filipe Nyusi tient à faire montre de sa détermination à transformer ce grand potentiel gazier en véritables retombées économiques positives. Des retombées sur lesquelles les dirigeants du Frelimo (Front de libération du Mozambique), de plus en plus contestés, ont largement hypothéqué leurs promesses électorales.
Un nouvel arsenal juridique pour plus de transparence
L’année 2014 s’est ainsi terminée sur un agenda chargé pour le secteur. « C’est impressionnant tout ce qui a été achevé en 6 à 8 mois », souligne le consultant de PWC, Joao Martins. Il attire l’attention sur la publication, quelques jours avant Noël, d’un décret-loi permettant le lancement des projets par l’italien ENI et par l’américain Anadarko d’usines de production de gaz naturel liquéfié (GNL) et de terminaux d’exportation dans la province de Cabo-Delgado (nord). Dans cette région, le bassin du fleuve Rovuma concentre les plus grandes quantités de gaz découvertes à ce jour. Ce décret fut exigé par les géants gaziers, pour rassurer les investisseurs sur des questions de stabilité financière et fiscale, alors que le pays est classé 127e au classement « Doing Business 2015 » de la Banque Mondiale. Plus tôt dans l’année, le Mozambique s’est doté d’une nouvelle législation sur les hydrocarbures, visant à clarifier le cadre juridique, mais aussi à garantir de meilleures retombées pour le pays. Jusque là, les conditions d’exploitation du gaz étaient très favorables aux entreprises, en raison des lourds investissements nécessaires pour lancer les projets. Avec cette nouvelle loi, le marché domestique récupérera 25% de la production, que l’entreprise d’État, l’ENH, pourra dédier à la consommation interne ou à la revente. À très long terme, l’idée est de donner les capacités à l’ENH d’avoir une production nationale sur le modèle angolais de la Sonangol. « Mais pas avant au moins deux décennies », prédit Joao Martins.
Du besoin de gagner la confiance des investisseurs
Cette nouvelle loi sur les hydrocarbures ne s’appliquera en revanche qu’aux nouvelles concessions dont le dernier cycle d’attribution a été lancé en novembre dernier. Premier dossier brûlant du ministre Couto, cinq nouvelles concessions sur 75 000 km2 doivent encore êtres attribuées d’ici avril prochain. Une opération qui sera suivie de près, alors que le manque de transparence dans l’attribution des précédentes concessions avait permis à plusieurs hauts cadres du Frelimo de bien se positionner. Ce nouvel arsenal juridique est bien accueilli par les partis d’opposition et les organisations de la société civile, même si des doutes subsistent sur la capacité du pays à pouvoir le mettre en œuvre. « C’est une chose d’approuver une loi, s’en est une autre de l’appliquer », nuance Adriano Nuvunga, directeur du Centre pour l’intégrité publique (CIP) à Maputo. Pour l’organisation, cette nouvelle loi va notamment dans le sens d’une plus grande transparence, et présente l’avantage d’obliger à la publication des contrats passés entre l’État et les entreprises, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent.
« La loi est bien, mais nous n’avons pas réellement les moyens d’inspecter les projets », constate quant à lui Luis Goueia, un ancien député d’opposition qui a participé à l’élaboration du texte. Car d’un point de vue social, le défi qui se pose concerne les populations de Cabo-Delgado qui seront délogées pour laisser place aux différents projets. « La question de la relocation et de l’indemnisation est un vrai challenge, alors que cela ne s’était pas bien passé dans le cas des mines de charbon de la Vale », ajoute l’économiste Joao Mosca.
L’avenir du secteur du gaz au Mozambique, qui a les capacités d’être le troisième plus grand producteur au monde selon PWC, se joue donc sur la crédibilité du gouvernement et sur sa capacité à sécuriser les investissements. Et, notamment, à trouver une issue favorable à l’instabilité générée depuis 2013 par l’ancienne rébellion reconvertie en parti d’opposition, la Renamo, qui conteste toujours la légitimité du nouveau gouvernement : « Tant que cela ne sera pas résolu, beaucoup d’investissement resteront en attente », conclut le consultant Joao Martins.