La Tunisie vient de sortir d’une période difficile due à la crise de 2010-2011. Après avoir organisé des élections présidentielles libres et transparentes, elle entame désormais une longue marche vers la liberté et l’épanouissement de son peuple. Et cela n’est pas aisé.
Avec une nouvelle constitution entrée en vigueur en février 2014, la Tunisie ouvre une nouvelle page de son histoire politique. De 1956 à 2011, la politique en Tunisie a été dominée par le régime du Rassemblement constitutionnel démocratique sous les présidents Habib Bourguiba puis Zine el-Abidine Ben Ali. La révolution tunisienne de 2010-2011 provoque le départ de Ben Ali et permet la tenue d'élections libres. L'Assemblée constituante élue le 23 octobre 2011 a adopté en 2014 une nouvelle constitution prévoyant un régime parlementaire mixte, démocratique et multipartite. La loi prévoit que l'Assemblée constituante soit chargée du pouvoir législatif, de l'élection du président de la République, du contrôle du gouvernement et de la rédaction de la nouvelle constitution. Le président de la République est le chef de l'État, il est élu à bulletin secret par l'Assemblée constituante qui peut le révoquer à la majorité absolue de ses membres. En cas de vacance, le président de l'Assemblée constituante assure l'intérim. Le gouvernement exerce le pouvoir exécutif. Le chef du gouvernement est nommé par le président de la République et doit obtenir la confiance de l'Assemblée. Il nomme les ministres et préside le Conseil des ministres. L'Assemblée constituante peut censurer le gouvernement ou un ministre en particulier. Les élections de 2011 sont remportées par le parti Ennahdha, qui ne dispose toutefois pas de la majorité absolue. Le président de la République Moncef Marzouki (Congrès pour la République) est élu le 12 décembre 2011 par l'Assemblée constituante et, le 14 décembre 2011, il charge Hamadi Jebali (Ennahdha) de former le nouveau gouvernement. À la suite du meurtre de Chokri Belaïd et à la tentative infructueuse de former un gouvernement de technocrates, Jebali démissionne le 19 février 2013 et Ennahdha désigne Ali Larayedh pour lui succéder. Son gouvernement est investi le 13 mars 2013.
L'Assemblée constituante adopte la nouvelle Constitution de la Tunisie le 26 janvier 2014. Mehdi Jomaa forme ensuite un gouvernement composé de personnalités indépendantes.
Le précurseur du printemps arabe
Après de nouvelles élections présidentielles, c’est Béji Caïd Essebsi, 88 ans, qui devient le premier chef de l'État élu démocratiquement de l'histoire du pays, quatre ans après la révolution qui déclencha le Printemps arabe. En rappel, Béji Caïd Essebsi, le leader de Nidaa Tounès défendu par les mouvements laïcs, a remporté le scrutin, battant son rival Moncef Mazourki, le président sortant soutenu par les partis islamistes. Fair-play, ce dernier a concédé sa défaite. Il est difficile de ne pas se réjouir de cette avancée. Aujourd’hui, la Tunisie contraste avec ses voisins immédiats, libyen en plein chaos et algérien à la peine pour se réformer, et, au-delà, avec le retour des militaires en Égypte ou encore la menace de morcellement au Yémen, voire de poursuite de la guerre civile en Syrie. Fondamentalement, la Tunisie a fait preuve d’une grande maturité pour démontrer combien les vingt-trois années de dictature de Ben Ali étaient une anomalie. Ce processus a été facilité, il est vrai, par le pragmatisme de la formation islamiste Ennahdha, qui a compris après le coup d’État en Égypte contre Mohamed Morsi que le rapport de force était défavorable aux islamistes. Il doit aussi beaucoup à la mobilisation du syndicat UGTT et de l’organisation patronale Utica. Des circonstances exceptionnelles qui ont permis de relancer à la fois le processus constitutionnel et le processus électoral. Mais si la Tunisie a réussi les premiers pas de sa révolution, elle est loin d’avoir achevé sa transition. Béji Caïd Essebsi va devoir éviter nombre de pièges pour que la polarisation entre sécularisme et islamisme ne dégénère pas en conflit ouvert. Le dialogue national ouvert en 2013 a permis de la surmonter jusqu’à présent. Le success story de la Tunisie fait incontestablement des émules. Le dernier attentat perpétré à Tunis en est l’illustration. Toutefois, le chien aboie, la caravane passe. Depuis la révolution qui a mené au départ du président Ben Ali, en janvier 2011, la Tunisie conserve l'image d'un pays qui a réussi à mener à bien sa transition démocratique. « Son image de ‘success story’ du printemps arabe aux yeux des pays occidentaux en fait une cible intéressante pour les terroristes», analyse Anne Giudicelli. Les dernières semaines précédant l’attentat de mars 2015, les députés planchaient justement sur un texte pour lutter contre le terrorisme. Ils auditionnaient d’ailleurs les représentants de l’état-major de l’armée tunisienne, dans le cadre de la préparation du projet de loi anti-terroriste, lorsque les tirs ont éclaté. «Ce n’est pas une coïncidence», affirme Kader Abderrahim, qui rappelle que plusieurs ministres, dont celui de la Défense, étaient présents dans le Parlement.
Rester debout
Malgré cette attaque, la Tunisie est restée debout. Ce n’est pas en cassant le thermomètre que l’on peut faire baisser la fièvre. Sur le plan politique, la Tunisie est incontestablement un exemple à suivre dans une partie du continent en proie à des conflits multiformes. Sa stabilité politique fait et fera des émules aux 4 coins du continent. L’Afrique doit en tirer des leçons.