L’économie du monde arabe a connu un balbutiement au début des révolutions arabes. Avec le retour progressif de la stabilité, les indicateurs économiques reprennent du poil de la bête. L’économie renaît.
Les économies arabes refont surface après la crise. De 2011 à 2014, les différentes économies des pays touchés par la révolution arabe ont connu quelques balbutiements. Petit à petit, ses économies essaient de refaire leur santé. Non pas sans difficultés.
De fait, les enjeux de l’après-révolution sont multiples. En premier lieu, il s’agit d’organiser la croissance pour répondre aux aspirations fortement exprimées par les peuples. Une croissance plus inclusive, assurant un meilleur partage des richesses et un meilleur équilibre des territoires reste la clé de l’emploi des jeunes et de la réduction de la pauvreté. Parallèlement, une croissance plus innovante (fondée sur des systèmes d’éducation rénovés, une politique sélective des investissements directs étrangers et l’appui à l’innovation dans les entreprises) est essentielle pour enrichir le contenu qualitatif des emplois pour les diplômés dont le chômage n’a cessé de s’aggraver ces dix dernières années (pour atteindre des taux de 30 à 46 % selon les pays et les catégories). Certes, une plus grande intégration régionale demeure nécessaire pour nourrir la croissance et inscrire les économies du Sud dans la chaîne de valeur euro-méditerranéenne : l’intégration « Sud-Sud » aura pour effet d’inciter aux échanges fondés sur la différenciation des produits, donc l’amélioration de la qualité des productions traditionnelles ; d’autre part, le transfert de technologies par le biais de partenariats entre entreprises du Nord et du Sud permettra de passer d’un système de délocalisations à celui de la co-traitance 3 (ou, pour reprendre un terme nouvellement à la mode : de « co-localisation »). Bien conduite, l’intégration régionale offrira donc, à terme, une meilleure sécurité aux emplois du Sud et une relation Nord-Sud plus équilibrée. Mais cet objectif est nécessairement de long terme : non seulement parce qu’il implique la redéfinition des systèmes de coopération régionale, mais aussi parce qu’il suppose d’abord un renforcement qualitatif de la compétitivité au Sud.
Une aide ciblée
Du point de vue économique, la transition en Méditerranée appelle une aide ciblée vers trois objectifs. Dans un premier temps, une aide à l’ajustement des comptes publics et à la sortie graduelle du système des compensations. Rapidement après, un soutien renforcé à l’économie privée, seule créatrice d’emplois à long terme, notamment par les TPE (très petites entreprises) et PME (petites et moyennes entreprises), et un fort appui à la modernisation des politiques publiques par des actions ciblées d’assistance technique.
Enfin, à moyen terme, une augmentation substantielle de l’aide remboursable, orientée prioritairement vers des projets porteurs d’emplois, l’augmentation des services aux populations et l’équilibre des territoires. Du point de vue politique, la transition apparaît aussi comme un processus de reconstruction et de moralisation de la société, c’est-à-dire de définition d’un nouveau contrat social. S’il faut évidemment de la croissance pour nourrir les choix, celle-ci est en soi insuffisante pour assurer une évolution qui est avant tout politique et dont le moteur est l’instillation de la démocratie à tous les échelons de la gouvernance sociétale et économique. Ici le rôle de la société civile est essentiel : sa vigilance et son contrôle permettront de définir une régulation de la production et des mécanismes de répartition de la richesse qui respectent les besoins de la collectivité dans sa diversité et assurent plus d’équité générationnelle, sociale et spatiale. Tout ceci suppose de profonds changements sociétaux (éducation, famille, fiscalité, justice 5) et politiques (équilibre des pouvoirs, décentralisation, dialogue participatif, etc.). À l’appui de ces choix que seuls peuvent effectuer les pays eux-mêmes, intervient la modernisation des politiques publiques des grands secteurs économiques (urbanisation, énergie, eau, transports, secteur financier, développement du modèle concessif et des partenariats public-privé, etc.) auxquelles les institutions internationales et les pays d’Europe peuvent apporter leur concours financier et technique. En effet, si la conduite de la transition appartient en premier lieu aux peuples qui l’ont déclenchée, sans rétablissement rapide de la prospérité économique et des créations d’emplois, il ne saurait y avoir de consolidation politique dans les pays en transition. La BEI est déjà fort active dans ces domaines, ainsi que l’illustrent ses initiatives en faveur du développement urbain et des PPP (partenariats public-privé) au sud de la Méditerranée (Marty-Gauquié, 2012), et son action aux côtés de la Banque Mondiale au sein du Centre de Marseille pour l’Intégration en Méditerranée (CMI), que les deux banques ont fondé en octobre 2009 avec l’appui de six gouvernements : France, Maroc, Tunisie, Égypte, Jordanie et Liban.
Vers une confiance retrouvée
Après la vague des révolutions, les investisseurs retrouvent une confiance aux économies arabes. Excepté quelques pays, la majorité des pays arabes voient leurs économies retrouvées leur stabilité d’antan. Que ce soit en Tunisie, en Égypte, au Maroc, même en Libye, les économies reprennent de l’assurance. En 2010, l’Égypte accueillait 13,8 millions de touristes, représentant 11,3 % du PIB, et employait 3 millions de personnes. L’année suivante, le pays perdait, dans la foulée de la Révolution, deux millions de touristes sur un an, puis trois millions en 2012 (à 10,9 millions de visiteurs). Certaines destinations-clés comme Louxor se sont transformées en villes fantômes aux pics des tensions. La situation s’est toutefois légèrement améliorée l’an dernier, le nombre de touristes se hissant à 12,2 millions sur l’ensemble de l’année 2013.