Article publié le 2014-03-11 par Jean Marie Toé Economie
TIC et développement en Afrique - Passer du mobile au haut débit [11-12/2013]
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Kigali, la capitale du Rwanda a abrité les 28 et 29 octobre 2013 le Sommet «Transform Africa », organisé par le pays hôte, en partenariat avec l’Union internationale des télécommunications (UIT). Les participants ont préconisé de passer de la connexion de l’Afrique par le téléphone mobile à celle de l’Internet haut-débit pour en déployer le développement d’ici à 2020.

Le président du Faso, Blaise Compaoré, et les chefs d’Etat du Mali, du Gabon, de l’Ouganda, du Kénya, du Sud Soudan et du pays hôte (le Rwanda,) ont pris part au Sommet « Transform Africa 2013 ». Après six ans de mise en œuvre de politiques visant à «connecter l’Afrique» à travers la téléphonie mobile, ce sont 500 hommes d’affaires et 1 000 autres participants qui se sont retrouvés à Kigali, au Rwanda pour «transformer l’Afrique». En effet, le Rwanda avait organisé en 2007 un sommet «Connect Africa» pour accélérer la communication en Afrique par la téléphonie mobile. Aujourd’hui, il s’agit pour l’ensemble de ces acteurs de transformer l’Afrique par le biais des Technologies de l’information et de la communication (TIC). Et pour le ministre rwandais de la Jeunesse et des TIC, Jean Philbert Nsengimana, il est temps de focaliser les efforts de développement de l’Afrique sur les TIC afin de permettre aux jeunes, vieux, populations urbaines et rurales, de contribuer efficacement à la croissance. En six ans, a-t-il estimé, le Rwanda est passé de 5 à 25% d’abonnées des compagnies de téléphonie mobile et aussi à 5 000 km de fibre optique déployée dans le pays. Pour lui, même si la connexion de l’Afrique n’est pas entière, il sied à présent, d’investir dans la connexion haut débit pour donner le pouvoir à l’éducation, l’industrie, l’agriculture, la santé et le monde paysan. « Transform Africa 2013 » est donc, selon lui, une occasion de définir l’avenir, d’où le slogan du Sommet : « L’avenir entre vos mains aujourd’hui ». Quant au Secrétaire général (SG) de l’UIT, Dr Hamadoun Touré, il a rendu hommage au président Blaise Compaoré, qui est le seul des huit chefs d’État qui étaient aux côtés de leur homologue rwandais, Paul Kagamé en 2007 à Kigali à participer au présent sommet. Cette présence, selon Dr Touré dénote de sa volonté à œuvrer pour faire des TIC un important levier du développement de son pays. Pour les prochaines années, a soutenu le SG de l’UIT, et au regard des avancements constatés, un Manifeste d’une « Smart Africa » ou « Afrique intelligente » a été élaboré. « Il faut passer de la révolution du mobile à celle du haut débit. Nous voulons créer de emplois, entreprendre, investir et tirer le développement de notre continent à travers les TIC », a-t-il expliqué. Cette volonté est d’autant plus plausible à son sens que l’Afrique regorge de plus en plus des compétences nécessaires à son développement. « L’expertise et le leadership local seront fortement demandés parce que ce ne sont que les Africains qui vont développer l’Afrique », s’est-il convaincu.

Des exemples d’engagements à suivre

Pour le vice-président de la CFI (International Finance Corporation) pour l’Afrique, les Caraïbes et l’Amérique latine, Jean Philippe Prosper, le Rwanda est un exemple d’engagement pour accélérer le développement de l’Afrique. Déjà, a-t-il indiqué, son institution a débloqué plus de 700 millions de dollars pour le déploiement des compagnies téléphoniques et celui des câbles sur le continent. Les prochaines années consisteront pour la CFI à accompagner le développement des Petites et moyennes entreprises (PME) qui exercent dans le domaine des applications concernant les TIC. Autant que lui, le PDG de Corea Telecom, le Dr Suk-Chae Lee a estimé qu’il convient désormais de miser sur le développement du partenariat public/privé dans le domaine. Après une brève présentation de la connexion 4G, les chefs d’État ont tour à tour partagé leurs expériences et leurs actions dans l’utilisation des TIC pour le développement. A cette occasion, le président rwandais, Paul Kagamé, a salué le soutien de l’UIT dans l’organisation de ce Sommet. Six ans après « Connect Africa », a-t-il affirmé, le choix du Rwanda d’investir dans les TIC pour son développement économique ne convainc pas seulement, mais s’impose comme une option sérieuse de croissance de l’Afrique toute entière. Pour leur part, les présidents kényan, Uhuru Kenyatta, sud soudanais, Salva Kiir Mayardit, gabonais, Ali Bongo Ondimba et Ougandais, Yoweri Kaguta Museveni ont rappelé les réalisations mais aussi les projets dans leur pays respectif afin d’offrir aux jeunes, des opportunités de création d’emplois, d’innovation et de développement.

L’utilisation des TIC au Burkina Faso

Exposant brièvement la situation et l’expérience du Burkina Faso depuis « Connect Africa 2007 », Blaise Compaoré a d’emblée affirmé que l’isolement de l’Afrique lui a coûté son retard actuel. Pour lui, 2007 a marqué un affichage plus poussé des ambitions du continent avec des engagements de connecter l’Afrique pour qu’elle compte désormais dans le concert des Nations. « Aujourd’hui, nous avons compris que le coup d’essai a été le coup de maître. Cela peut améliorer le quotidien des hommes et des femmes, renforcer les capacités d’apprentissage, mais les infrastructures restent une première préoccupation pour connecter notre continent au reste du monde », a-t-il signifié.

En dépit des avancées déjà enregistrées dans le domaine des TIC dans son pays, le président du Faso a indiqué qu’il s’agit d’une lutte perpétuelle pour l’expansion des TIC et leur adoption par les populations. « A ce niveau, nous aurons un centre d’échange Internet, un espace comme un centre de recherche. C’est dire que nous sommes dans le processus et nous le poursuivons avec beaucoup d’enthousiasme parce que le président Paul Kagamé nous a engagés avec une grande volonté mais aussi, sur le terrain, nous constatons qu’il s’agit d’une réalité porteuse pour nos populations », a-t-il conclu.

« Transform Africa 2013 » aura été le tremplin pour les pays africains, leurs partenaires au développement et surtout les entreprises des TIC d’accorder leurs violons sur la place de ces technologies dans le développement du continent. Et aussi, la nécessité qu’il y a à le faire parce que 10% de pénétration en large bande (connexion haut débit), induisent un accroissement de 1% du PIB par pays, selon les spécialistes.


Les ministres burkinabè et rwandais des TIC apprécient

Aux termes des travaux, les ministres burkinabè et rwandais en charge des TIC se prononcent sur les échanges mais aussi sur les actions entreprises dans ces deux pays pour l’accessibilité de ces outils, devenus de potentiels moteurs de développement économique en Afrique.

Jean Koulidiati, ministre burkinabè du Développement de l’économie numérique et des Postes :

« L’intérêt de ce genre de Sommet c’est que les premiers responsables des pays se rencontrent et discutent sur ce qu’ils pensent de l’avenir de notre continent. Cela leur permet également d’échanger les expériences et de se convaincre mutuellement parce qu’un seul pays ne peut prospérer dans un océan de misère autour de lui. Cette rencontre de Kigali a été très utile pour le Burkina Faso qui y était en 2007 parce qu’aussi engagé dans cette dynamique de connecter l’Afrique. C’est pour cela que dès que les chefs d’État donnent le pas, nous les ministres, nous sommes beaucoup plus à l’aise dans la rédaction des projets de développement et programmes d’action.

Il est vrai que chaque pays a partagé ses expériences et évoqué ses rêves mais nous, les anciens, associons notre expérience à celles des jeunes pour avancer. Ce sont donc des rêves d’action et de réalité. Au Burkina Faso, du point de vue réglementaire et des textes, nous sommes prêts à travers un projet e-Burkina et de cyberland à la limite, et tout cela est chiffré en termes de temps, de ressources humaines, de richesses et de création d’emplois qu’on est en droit d’attendre. Sur cette question, le chef de l’État est particulièrement engagé et c’est sous sa houlette que ces documents ont été rédigés. Nous avons adopté de nombreux cyber stratégies e-gouvernement, e-Commerce et e-Education. Il nous reste donc le cyber stratégie e-Santé et e-Monde rural et agriculture. Nous sommes avancés mais il nous faut des moyens financiers pour y aller. La fibre optique, le haut débit coûtent chers mais le e-Burkina permettra d’avoir une vision de tout cela. D’ici à décembre prochain, nous allons commencer de grands chantiers dans notre pays pour faire de Transform Africa, Transform Burkina Faso. ».

Jean Philbert Nsengimana, ministre rwandais de la Jeunesse et des TIC

« La participation de six chefs d’État et de plus de 1 000 personnes à ces travaux est un grand signal pour une plus grande appropriation des TIC. Aujourd’hui, l’Afrique se connecte au reste du monde et la question est de savoir comment les Africains exploitent ces TIC pour transformer l’éducation, l’agriculture, la santé, l’industrie, les affaires et la gouvernance. Le signal est lancé et il faut que tout le monde puisse mutualiser les efforts, mettre les investissements et consentir les efforts nécessaires pour construire l’Afrique. Pour le Rwanda, après le sommet de 2007 sur "Connect Africa," il y a eu un rapport produit par la BAD sur les objectifs fixés il y a 6 ans. A l’époque nous avions environ 2% de la population qui avait accès à la téléphonie mobile mais aujourd’hui elles sont de l’ordre de 65%. Moins de 1% de Rwandais avaient alors accès à la connexion internet et de nos jours, ils sont plus de 50%.

Pour la fibre optique, ce sont aujourd’hui plus de 500 institutions gouvernementales connectées, 5 000 km de fibre optique partout dans le pays. Il y a donc des avancées notables au niveau de la formation, des investissements, de la création d’emplois, et cela nous donne le courage d’écrire un autre manifeste qui va décrire une nouvelle ère pour cette rencontre qui aura désormais lieu tous les deux ans sur la base d’un manifeste de cinq (5) grands points. Il s’agit de l’’intégration des TIC dans tous les aspects du développement, l’utilisation de ces technologies pour améliorer la gouvernance, le rôle du secteur privé dans l’investissement et la croissance, le développement soutenu par toutes les composantes de la société et enfin, compléter le travail non accompli dans la connexion de l’Afrique au mobile et aux TIC ».

Propos recueillis à Kigali par JMT