Le transport et l’eau constituent des domaines majeurs de développement. Pour valoriser ces deux potentiels, l’Égypte a trouvé l’idée de lancer l’ambitieux projet Africa Pass. A terme, ce projet ouvrira le désert de l’ouest du pays au développement et au peuplement. Il révolutionnera les économies des nations d’Afrique du Nord et subsaharienne. Il développera les relations au sein du continent et avec l’Europe, via la Méditerranée.
Ébauché en février 2012, le projet Africa Pass a reçu le soutien de milliers d’ingénieurs, de professeurs d’universités et du public en général au pays des Pharaons. Africa Pass se résume à 2 composantes majeures : le transport et l’eau. Chacune de ces 2 composantes contient en elle-même des sous-points à mettre en œuvre pour favoriser une fluidité dans le trafic et l’exploitation des retombées du projet.
Le transport
La première étape implique la construction d’un important port ultramoderne à Sidi Barrani, dans le nord-ouest de l’Égypte, près de la frontière avec la Libye. Ce port sera relié aux nations des grands lacs (Rwanda, Burundi, République démocratique du Congo, République Centrafricaine, Soudan et Soudan du Sud) grâce à des trains à grande vitesse (TGV) et des autoroutes modernes. La seconde étape consistera à réaliser une connexion avec la Somalie et l’Éthiopie. L’avantage de cette connexion permettra une fluidité dans les échanges intercommunautaires entre l’Égypte, la Somalie et l’Éthiopie. Lorsqu’on connaît la situation critique de ces deux pays, on ne peut que saluer cette initiative qui contribuera, à n’en point douter, à résorber la crise alimentaire, le chômage des jeunes et celui des femmes.
La troisième étape de ce volet reliera l’Égypte à l’Asie par un tunnel sous le canal de Suez, et par un pont via l’île de Tiran dans le Sud du Golfe d’Aqaba, liant le Sud du Sinaï à l’Arabie saoudite. La quatrième engagera la construction d’un réseau de lignes à grande vitesse (LGV) jusqu’au détroit de Gibraltar, reliant l’Afrique du Nord à l’Europe par le tunnel de Gibraltar. Ce réseau de ligne à grande vitesse permettra de réduire le temps de voyage entre les pays desservis et partant, de voir les commerces transfrontaliers renforcés au cours des prochaines années.
L’eau
Le plus impressionnant projet hydraulique d’Africa Pass est similaire au projet Transaqua (Lire ce projet dans ce dossier) qui vise à revigorer le bassin du lac Tchad. Un canal, large de 40 mètres, profond de 15 mètres et long d’environ 3800 kilomètres, s’étendra depuis les hauts plateaux de l’Est du Congo, où le fleuve Congo prend sa source, vers le Nord au travers de la République Centrafricaine, du Sud-Soudan et du Soudan, jusqu’en Égypte, où l’apport en eau douce permettra de réalimenter la dépression de Qattara, à l’Ouest du Caire. Selon les spécialistes, sept centrales hydro-énergétiques récupéreront cette énergie hydraulique, depuis les 1500 mètres au-dessus du niveau de la mer dans le Sud du pays, jusqu’à la dépression de Qattara, à 80 mètres sous le niveau de la mer. L’étude ne précise pas si ce canal sera navigable, mais il est évident que le fret y serait transporté plus facilement et à moindre coût, comparé aux voies ferroviaires ou routières qui seront d’ailleurs construites parallèlement au canal. Des lignes de communication électriques et électroniques accompagneront également Africa Pass afin de rendre possible, sur toute la longueur, le développement de l’agriculture et de centres urbains. Des pipelines pourront s’ajouter au corridor, permettant aux pays enclavés d’exporter leur pétrole. Rien que dans la région bordant la dépression de Qattara, des millions d’hectares de terres agricoles seront créés, affranchissant ainsi l’Égypte des importations de biens alimentaires dont il dépend aujourd’hui. Le lac d’eau douce Qattara et les terres vertes qui l’entoureront auront d’importants effets hydrologiques, modifiant le climat dans le désert et augmentant le cycle hydrologique de la région avec davantage de chutes d’eau, ce qui fera reculer le désert.
Africa Pass est un projet d’envergure continental. Comme tout projet de ce type, il vise à permettre un développement harmonieux des pays concernés. Il a, pour ce faire, des objectifs à atteindre.
Viser haut et loin
Africa Pass vise le développement de neuf nations d’Afrique autour de véritables projets de développement économique. A ce titre, il vise à transformer l’Égypte et les autres pays inclus dans le projet en centres industriels attractifs pour le travail, au lieu de zones sinistrées repoussant la main-d’œuvre. Partant, il s’agira d’ouvrir une porte à l’exportation de biens agricoles des nations de la région des grands lacs, qui sont actuellement gaspillés à cause du manque de stockage et de moyens de transports rapides et bon marché. On estime qu’il faudra deux jours pour transporter les biens depuis leur lieu d’origine jusqu’à la Méditerranée, grâce aux TGV et au port de Sidi Barrani. Ce projet ouvrira de nouveaux secteurs pour l’agriculture dans des régions restées inertes et isolées ; ainsi l’énorme potentiel de productions bovine et laitière du Soudan. Cela aura également pour effet d’éliminer la famine dans de nombreuses régions d’Afrique, et tout particulièrement dans la corne de l’Afrique. Africa Pass permettra de redistribuer la population, surtout en Égypte, un pays où 95% de la population se concentre dans le delta du Nil (5% du territoire), vers de nouvelles villes et villages, dans un nouvel environnement fertile, aspirant à la croissance. Il permettra aussi de rétablir l’Égypte dans son rôle de leader, et de connexion avec l’Afrique, en s’appuyant sur la nouvelle coopération économique et diplomatique lancée par le nouveau gouvernement et par le ministère des Affaires étrangères, suite à la révolution de 2011. Ce projet pourra largement aider les initiatives visant à résoudre les conflits entre les nations de la région, notamment au Soudan. Il contribuera au développement du Darfour et ouvrira la coopération avec le Tchad, désormais impliqué dans le conflit au Darfour. En outre, il développera les ressources hydrauliques de tous les pays participant au projet, en assurant ainsi la production de grandes quantités d’énergie hydroélectrique. En Égypte, Africa Pass sera complémentaire du nouveau projet pour la vallée du Nil, qui part du canal Toshki dans le Sud, près d’Assouan, et remonte vers le Nord parallèlement au Nil, ouvrant de nouveaux centres agro-industriels dans le désert. Le Dr. Farouk Al-Baz, un scientifique égypto-américain et ancien expert de la NASA, est l’un des pionniers de ce projet, qu’il a baptisé «le Corridor de développement». Africa Pass créera ainsi une troisième vallée du Nil, mais avec des connexions régionales et internationales. Partant, il favorisera l’exploitation de millions d’hectares de terre agricole autour de la dépression Qattara et la production d’énergie. Pour sa mise en œuvre, toutes les principales entreprises japonaises, russes, chinoises, françaises, américaines et sud-coréennes ont manifesté un intérêt pour ce projet. Les appels d’offres sont censés être lancés dès cette année. Africa Pass constitue un projet ambitieux mais pas irréalisable. L’Afrique doit y croire et, grâce au soutien des partenaires techniques et financiers, se donner les moyens de réaliser ce projet qui se soldera par un ouf de soulagement de la part de milliers de peuples.
Le Kenya lance un grand projet d’infrastructures
En avril 2012, le Kenya a lancé l’un des plus grands projets d’infrastructures de l’Afrique. Ce projet combine la construction d’une raffinerie, d’un port doté de 32 postes d'accostage, d’une autoroute, d’une voie de chemin de fer, d’un oléoduc, et d'aéroports. Ces infrastructures permettront de désengorger le port kenyan de Mombasa et de donner un accès à la mer à l'Éthiopie, au Soudan du Sud ainsi qu’à plusieurs régions enclavées du Kenya. Le coût du projet du projet portuaire, ferroviaire et pétrolier est estimé à 24,5 milliards $ (18 milliards d'euros) et son financement pourrait être assuré par un consortium regroupant les pays concernés (Kenya, Éthiopie, Sud Soudan), la Chine, la Banque mondiale, la Banque africaine de développement (BAD).
Le projet éolien du lac Turkana
Le Kenya pourrait bien se doter d’ici à trois ans du plus grand parc éolien d’Afrique. Un projet d’installation de 365 éoliennes pourrait voir le jour au lac Turkana, dans le Nord-Ouest du Kenya, ce qui permettrait de répondre à plus de 20% des besoins énergétiques du pays. Un consortium de sociétés européennes et africaines a pour projet d’ériger 365 éoliennes sur 165 km² au lac Turkana, dans le Nord-Ouest du Kenya. Le projet évalué à 75 millions de dollars sera financé par des investisseurs privés et par la Banque africaine de développement. Le lieu choisi, marqué par la présence d’une centaine de nomades, est dépourvu de tout réseau de transmission énergétique. Le mouvement des vents à onze mètres par seconde fait de cet endroit un lieu idéal pour installer un parc éolien. Un projet ambitieux pour une région encore peu développé.
A.V
Le barrage Gibe III en Éthiopie
Gibe III, un barrage de 243 mètres de hauteur, destiné à être le plus haut d’Afrique, est en construction sur le fleuve Omo, en Éthiopie. Plus grand projet d'investissement du pays, il fait partie d’une série de cinq barrages dont deux, Gibe I et II, ont déjà été construits. L’objectif de Gibe III est de fournir la moitié de sa capacité totale (1870 mégawatts) à l’Éthiopie, et d’exporter l’autre moitié vers le Kenya (500 mégawatts), le Soudan (200 mégawatts) et Djibouti (200 mégawatts). Cependant, aucun accord d’achat n’a encore été trouvé entre ces pays. Seul le Kenya a signé un protocole d’entente avec l’Éthiopie s’engageant à acheter l’électricité produite. Le coût total du projet atteint le 1,55 milliard d’euros pour le barrage et l’usine hydroélectrique, sans compter les réseaux de distribution à aménager. La date d’achèvement des travaux, qui était prévue pour 2013, devra sans doute être reportée. Les groupes de pression et ONG ont convaincu la Banque européenne d’investissement et la banque JP Morgan de se retirer du financement. La Banque africaine de développement a quant à elle reporté à une date indéterminée un prêt de 250 millions de dollars. Selon ses détracteurs, le barrage Gibe III pourrait menacer la région du fleuve Omo, faiblement industrialisée et multiplier les risques d’appauvrissement et de maladies encourus par les 500 000 autochtones.
Le Grand Inga en RD Congo
S’il venait à aboutir, le projet Grand Inga donnerait à la RDC le plus grand barrage au monde. Devant être construit en amont de la prise d’eau de Nkokolo, il permettrait de générer une retenue d’eau à une altitude de 200 mètres dans la vallée de la rivière Bundi. La capacité de production s’élèverait à environ 40 000 MW, soit le double de celle du barrage des Trois-Gorges, en Chine, actuellement le plus imposant de la planète.
Le coût du barrage et des lignes à très haute tension censées acheminer le courant d’Inga aux quatre coins du continent, voire en Europe et au Moyen-Orient, est estimé à plus de 80 milliards de dollars. Une somme qui alimente les inquiétudes des détracteurs du projet qui craignent de voir s’accentuer la dette du pays. Celle-ci avait déjà explosé lors de la construction des deux premiers barrages d’Inga, inaugurés en 1971 et 1982, avec des résultats plutôt mitigés puisque seulement 11% de la population de la RDC profite de l’électricité.