Le commerce de l’or issu de l’orpaillage est devenu l’un des plus prolifiques au Burkina Faso. Parmi les quelque 600 sites d’orpaillage disséminés sur le territoire national, ni les orpailleurs, ni le ministère des Mines, encore moins les sociétés chargées de l’achat de l’or sur ces sites, ne peuvent fournir de chiffres exacts sur la production et la vente de l’or jaune extrait des trous de la mort. Pourtant, ce sont des millions de personnes qui en vivent directement ou indirectement.
L’orpaillage a pris de l’ampleur au Burkina Faso. Du Nord au Sud, d’Est en Ouest, l’on creuse, rabâche, fouille dans la poussière et toutes sortes de désordre. Dans ce méli-mélo, les fruits de cette débauche d’énergie se vendent sur un marché dont seuls les initiés et les adeptes ont le secret. La chose la moins partagée dans le secteur est la stabilité et la conformité des prix d’un site d’orpaillage à un autre. Harouna Ira est un jeune orpaillage de Bonglora à la périphérie de Gaoua, chef-lieu de la région du Sud-Ouest. En ce 6 juin 2013, il emprunte une compagnie de transport locale pour se rendre sur son site après avoir effectué une visite dans sa famille basée à Ouagadougou la capitale. Selon ce jeune orpailleur, le travail sur les sites d’orpaillage est un calvaire. Quant aux bénéfices engrangés, les résultats sont mitigés selon le jeune homme. «C’est un travail pénible, mais les gros bénéficiaires de ce que les orpailleurs récoltent sont les acheteurs d’or», explique Harouna. En ce qui concerne les prix, ils sont aussi variables que changeants d’un site à un autre, d’une qualité d’or à une autre. Cette qualité se mesure à la valeur du carat de l’or. Plus le carat est élevé, plus le gramme d’or est cher. Les carats vont, selon les orpailleurs, de 18 à 24 sur le territoire burkinabé. Cependant, de nombreux orpailleurs avancent l’énorme difficulté à trouver l’or de 24 carats sur les sites d’orpaillage. Ismaël Soré est un acheteur d’or. Installé à Gaoua depuis plusieurs années, il en fait son activité principale. Il dispose à cet effet de plusieurs lieux où il emploie des jeunes. Pour M. Soré, le prix de l’or n’est pas fixe. Il varie selon les aléas du marché international. Actuellement, le prix de gros, constitué de 6 g d’or est de 115 000 F CFA. La quête de l’or est devenue son activité principale à telle enseigne qu’il s’est doté des nouvelles machines détectrices d’or à coût de milliers de francs CFA. Le circuit de l’or issu de la pratique artisanale emprunte les routes du Faso sans prendre de précautions adéquates et particulières comme cela se fait pour les mines industrielles. Ici, l’or circule d’une région à une autre, soit dans les poches d’un individu, soit enfoui dans des récipients de fortune. L’achat de l’or sur les sites d’orpaillage se fait par pesée. Là aussi, les poids utilisés pour la pesée relèvent de la seule compréhension et de l’acceptation par les orpailleurs des mesures utilisées.
Quel poids pour quel prix ?
Pour la pesée des grammes d’or, les acheteurs d’or sur les sites miniers utilisent des poids dont eux seuls ont le secret. Abdoul Wahab Sawadogo a quitté les trous de Saouiya, mine artisanale située dans le Centre-Nord, pour devenir acheteur d’or. «Avant, je creusais de l’or mais, grâce au soutien des uns et des autres, aujourd’hui j’en achète et je revends», explique-t-il. Assis sous un abri de fortune, il a devant lui ses instruments de pesée posés sur une table. L’ustensile de pesée, quelques pièces de monnaie et quelques paquets de cigarettes vides. «Ce sont ces objets qui nous servent de mesure de pesée. La pièce de 25F équivaut à 6 g, celle de 10F équivaut à 2 g, celle de 1F équivaut à 1 g», explique le jeune homme tout en buvant sa tasse de lait délayée avec le mil bouilli. Sur ce site, le gramme d’or de 18 carats se vend à 15 000 F. Ce prix n’est pas à son bon fixe. Pour Abdoul Wahab Sawadogo, le marché a pris un coup de froid ces derniers temps à cause de la baisse du cours de l’or sur le marché mondial. Malgré un soleil de plomb, ce site d’orpaillage observe une intense activité sous une nappe de poussière créée par la pratique de l’orpaillage. En certains lieux, on lave le sable, en d’autres, on casse les gravillons ou on creuse des trous allant à des dizaines de mètres de profondeur. Sur ce site, des explosions viennent rappeler de temps à autre l’utilisation de la dynamite pour se défaire «des roches têtues» pour employer les termes des creuseurs. Ces derniers sont en relation étroite avec les acheteurs. «Nous avons des orpailleurs fidèles qui nous vendent généralement leur production. A notre tour, nous revendons au propriétaire du site», explique Wahab. Selon des informations concordantes, «Or Métal» est le dépositaire de ce lieu d’exploitation artisanale. Abdoulaye Pafarnam est son représentant. Installé dans la commune urbaine de Boussouma, il recueille l’or issu du site, opère une première purification et le consolide en vue de l’envoyer à son siège à Ouagadougou. L’homme reconnaît les aléas du commerce de l’or. Les bénéfices engrangés dans le domaine sont souvent à la hauteur des attentes. Cependant, il n’hésite pas à dénoncer la fraude qui existe dans le milieu. «Comme tout milieu, le domaine de l’orpaillage a ses brebis galeuses», explique-t-il.
Autre lieu, autre pratique. Saïdou Bargo vient de sortir d’un trou de 75 m de profondeur à Gnobtenga. Le corps tout poussiéreux, le visage méconnaissable, il tient entre ses lèvres un mégot de cigarette qui peine à s’éteindre. Le regard haletant, il hèle son petit frère afin qu’il l’aide à faire sortir son sac du trou. Ce dernier s’exécute alors que Saïdou lui intime l’ordre de finir le mégot de cigarette qui se retrouve par terre. Le sac a un poids d’à peu près 30 kg. Il est rempli de roches. Fou de joie, il s’extasie : «Je sais à présent qu’au moins j’aurai 10 000 F CFA ce soir», clame-t-il. A ces mots, il empoigne le sac de roches et, l’envoie prendre place sur son épaule tout en chantonnant un air dont lui seul a le secret.
De la problématique du respect de la loi
Le commerce de l’or issu de l’orpaillage est un filon juteux pour de petits exploitants. En voyageant dans la région du Centre-Nord, il n’est pas rare de voir de façon isolée des trous allant de 20 à des centaines de mètres un peu partout aux abords des villages. Les alentours de la ville de Kaya en regorgent suffisamment. Ces trous sont creusés de nuit et exploités par des jeunes eux-mêmes employés par d’autres jeunes. «L’orpaillage a changé la face de la ville de Boussouma. Aujourd’hui, on y rencontre des véhicules de luxe roulés par des jeunes qui ont fait fortune dans le domaine de l’orpaillage», confie une source. Cette réalité est vérifiée par certains véhicules de luxe rencontrés aux abords des sites d’orpaillage et dont les propriétaires sont des jeunes exploitants miniers. El Hadj Adama Pafarnam est le représentant de «Burkina Or Métal» exploitant dans le Sud-Ouest du Burkina Faso. Selon lui, les prix du gramme d’or varient de 17 500 à 23 500 F CFA selon la qualité. La différence entre le poids normal et le poids local est un avantage exploité par les acheteurs. En outre, le prix du gramme sur le marché national n’est pas fixe mais de nombreux orpailleurs sur les sites confient faire un bénéfice de 1000 F CFA sur chaque gramme d’or vendu. Pour El Hadj Adama, la difficulté majeure de la gestion des sites d’orpaillage est le non respect de la règlementation en matière d’exploitation. Selon lui, l’État doit faire appliquer la loi en ce qui concerne les détenteurs des titres de recherche au profit de ceux qui n’en possèdent pas. «Pour éviter les problèmes sur les sites d’orpaillage, l’État doit veiller à l’information des populations, à leur sensibilisation afin qu’elles respectent les lois en vigueur en matière d’exploitation des sites d’orpaillage», explique le détenteur des permis de Nicéo, Yaotin, Barindja, Bamako, Kolipar, Mougué-Kobidja, etc., tous des sites situés dans la région du Centre-Ouest. Du côté des autorités politiques, le phénomène de l’orpaillage est pris au sérieux, mais le manque de moyens et de personnel ne permet pas à la structure habilitée à lutter efficacement contre le désordre qui règne dans le secteur. A titre d’exemple, le service chargé des exploitations artisanales et semi-mécanisées ne dispose que de 4 agents pour plus de «600 mines artisanales», selon le ministre des Mines et de l’Énergie qui a donné ce chiffre dans sa réponse à une question posée le 23 mai 2013 dans l’hémicycle. Pire, le Directeur de cette structure partage son bureau avec l’un de ses agents. Le respect de la loi en matière de gestion des sites d’orpaillage semble la chose la moins partagée dans la mesure où l’État peine à mettre de l’ordre dans le secteur. Selon les chiffres non encore très exacts, plus d’un million de personnes vivent de ce travail.