La Direction Générale des Affaires Immobilières et de l’Équipement de l’État (DGAIE) au Burkina Faso est la structure mère chargée de gérer tout ce qui concerne les biens meubles et immeubles de l’État tant à l’intérieur du Burkina Faso qu’à l’extérieur. Confrontée à relever plusieurs défis à la fois, cette Direction Générale essaie de réorganiser la gestion du patrimoine de l’État afin que «les usagers puissent les utiliser à bon escient». A bâtons rompus, la Directrice générale, Mme Zagré/Rimtoumda Léa, parle des difficultés liées à cette gestion, situe les responsabilités et table sur les actions à venir pour une gestion rationnelle des biens de l’État.
Le nouvel Afrique (LNA) : Mme la Directrice générale, quelle définition donnez-vous aux termes patrimoine de l’État, biens mobiliers et immobiliers de l’État ?
Zagré Rimtoumda Léa (Z.R.L) : La Direction Générale des Affaires Immobilières et de l’Équipement de l’État (DGAIE) fait partie des grandes directions du ministère de l’économie et des finances. A l’issue de la réforme du ministère réalisée en 2012, le nom de la structure chargée des biens de l’État a changé. La Direction Générale des Affaires Immobilières et de l’Équipement de l’État (DGAIE) a remplacé l’ex-Direction Générale du Patrimoine de l’Etat (DGPE). Conformément au décret qui régit le ministère de l’Économie et des Finances (MEF), la DGAIE a pour principales attributions l’élaboration d’une politique immobilière et de l’équipement de l’État, assortie de stratégies de mises en œuvre et de plans d’action. C’est l’une des activités phares de la DGAIE. En dehors de cet aspect, la DGAIE est chargée de la gestion pratique des biens de l’État, des questions de réforme et de vente aux enchères. Un autre élément qui intéresse la DGAIE est la gestion du parc automobile de l’État et la mise en place de la comptabilité matière. Lorsqu’on regarde les changements intervenus à l’issue de la réforme, les dénominations de certaines directions ont changé, cela pour mettre en exergue les défis à relever par la DGAIE, à savoir, la politique immobilière et de l’équipement de l’État, la mise en place de la comptabilité matière et le renforcement de la stratégie de rationalisation de la dépense publique.
En ce qui concerne le patrimoine de l’État, il est défini comme l’ensemble des biens meubles et immeubles, propriétés de l’État et des autres organismes publics tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays (par exemple les ambassades du Burkina Faso à l’étranger). Il faut entendre par autres organismes publics, les sociétés d’État, les établissements Publics de l’État (EPE), les collectivités territoriales. Les biens meubles par exemple comportent le matériel des bureaux (qui sont les biens qui peuvent se mouvoir, à savoir les chaises, les tables, les climatiseurs, etc.). Dans cette catégorie figurent aussi les animaux. Lorsqu’on parle de comptabilité matière, il y a une catégorie de biens définis dans lesquels on retrouve les animaux de la nature. Les biens immobiliers sont les biens qui ont une emprise sur le sol et qui ne peuvent se déplacer du sol sans détérioration. A ce niveau, on retrouve les bâtiments, les terrains et les carrières. Grosso modo, le patrimoine de l’État est constitué des biens meubles et immeubles tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays.
LNA: Peut-on aujourd’hui quantifier ces biens meubles et immeubles de l’État ?
Z.R.L : En termes de quantification, la prudence est de mise. En réalité, les éléments de statistiques que je vais vous communiquer datent de 2006 où nous avons pu réaliser un recensement général des biens. Ce recensement a été complété en 2008 par un recensement des véhicules de l’État. De 2006 à 2013, il y a eu une très grande évolution. Alors, les informations que je communique sont celles de 2006 et je ferai cas de l’organisation qui est en train d’être mise en place pour permettre à l’État d’avoir des informations fiables sur son patrimoine. Le recensement de 2006 a donné 20 014 appareils informatiques, 207 278 mobiliers et 50 231 biens immobiliers. En 2008, ce recensement a été complété par celui des véhicules en général. Ceux-ci ont été estimés entre 29 000 et 30 000. Je dois reconnaître que ces statistiques sont dépassées parce que de 2006 à maintenant, il y a eu des acquisitions de matériel. Pour les bâtiments, il y a également de nouvelles constructions telles que des écoles, des centres de santé qui font partie des biens immobiliers de l’État. Afin d’avoir de bonnes informations fiables pour permettre à l’État de disposer d’un fichier correct, des évolutions sont en train d’être mises en œuvre. La mise en place de la Direction de la comptabilité matière mènera à des activités qui permettront de renforcer les statistiques à propos des biens appartenant à l’État. C’est l’un des principaux défis de la DGAIE. Bientôt, et par rapport au suivi de l’inventaire du matériel réalisé au sein des ministères dans le cadre de l’implantation de la comptabilité matière, nous procéderons à des enregistrements périodiques pour les acquisitions nouvelles réalisées au niveau des ministères. Un recensement général sera également opéré pour les bâtiments de l’État. Ce recensement devrait normalement démarrer avant la fin de l’année sous la responsabilité du Premier ministère. Si tous ces projets voient le jour, nous devrions disposer d’informations fiables sur le patrimoine immobilier de l’État.
LNA: Peut-on connaître le nombre de matériel roulant de l’État Burkinabè ?
Z.R.L : Les actions de recensement à réaliser dans le cadre de la comptabilité matière qui se feront de façon périodique permettront de connaître le statut des biens. Cela permettra de connaître les biens en bon état et ceux qui sont défectueux. Ces derniers pourront quitter le patrimoine de l’État par la procédure de la réforme qui peut déboucher éventuellement sur une vente aux enchères, hormis les bâtiments. Pour les véhicules, de façon spécifique, il existe au niveau de l’État un programme d’équipement en véhicules conduit par la DGAIE à travers la Direction du parc automobile de l’État. Dans sa mise en œuvre, on demande aux ministères d’exprimer leurs besoins. Sur la base de cette demande, les ministères nous transmettent les états de leur parc automobile. Cet état fait ressortir le statut des véhicules. Cela nous permet d’arbitrer les dotations à faire au profit des véhicules. Nous recevons souvent des observations qui peuvent être subjectives. Il nous faut souvent aller sur le terrain pour constater si le véhicule a été amorti ou pas. De façon concrète, nous n’avons pas d’indications précises sur la vétusté du parc automobile. C’est au fur et à mesure des activités de recensement et d’inventaire que l’on peut arriver à apprécier la vétusté du matériel et à déclasser pour avoir un parc automobile fonctionnel..
LNA: Que risquent les utilisateurs indélicats des biens de l’État ?
Z.R.L : Ils risquent des sanctions pécuniaires et/ou disciplinaires. Par exemple, en ce qui concerne le contrôle des véhicules de l’État, en dehors des sanctions pécuniaires, les intéressés encourent des sanctions disciplinaires. Il faut souligner que nous sommes satisfaits des contrôles opérés en ce qui concerne les véhicules de l’État utilisés en dehors des heures de service ou des jours non ouvrables. Aujourd’hui, durant les week-ends, il y a peu de véhicules «fonds rouges» (NDLR : les immatriculations des véhicules appartenant à l’État ou à ses démembrements sont dressées sur des plaques dont le fond est rouge) qui circulent. Et, ceux qui circulent détiennent des documents leur permettant de le faire. Aujourd’hui, chacun fait attention quant à l’utilisation des véhicules appartenant à l’État.
LNA: Quelle est la procédure en ce qui concerne la mise en vente aux enchères du matériel usé ou défectueux appartenant à l’État ?
Z.R.L : Il appartient aux structures qui ont l’intention de déclasser le matériel vétuste de saisir le ministère de l’Économie et des Finances à travers la DGAIE pour la réalisation des opérations de vente aux enchères. Cependant, à propos du matériel de l’État, il faut d’abord procéder à une réforme. La réforme est une opération qui permet de revoir le statut, de faire l’inventaire du matériel en vue d’un déclassement éventuel par la procédure de vente aux enchères par exemple. Alors, l’administration concernée envoie une requête au MEF. La Commission des réformes procède à la réforme et si le matériel doit être vendu, il est regroupé en un lieu qui permet à ceux qui ont l’intention d’acquérir les biens de venir les voir. Toutes ces opérations se font dans la transparence, avec des communiqués et des affiches en des lieux indiqués. Par la suite, les uns et les autres déposent des offres. Une commission se réunit alors pour dépouiller les offres et se prononcer sur celles-ci. Après délibération, l’on procède à la rétrocession des biens à ceux qui ont fait de bonnes offres. C’est ainsi la procédure. Mais, en réalité, on constate que les administrations n’ont pas la bonne information. Souvent, il y a du matériel vétuste entreposé dans certaines administrations mais les intéressés ne savent pas comment procéder pour le faire sortir, alors qu’il suffit, à partir d’un inventaire, de demander au ministère de l’Économie et des Finances de faire la réforme et d’entreprendre la procédure, jusqu’à la fin.
LNA: Aujourd’hui, des biens mobiliers et immobiliers de l’État de certains services ont besoin d’être mis en vente aux enchères. La difficulté sur le terrain est le manque de structure habilitée à donner son quitus pour procéder à cette vente, ce qui a pour conséquence que les matériels vieillissent de plus en plus. Quelles sont les mesures que vous prendrez pour remédier à cette situation ?
Z.R.L : Nous avons une prévision qui doit nous permettre de renforcer les choses à ce niveau. Avant la réforme du MEF, la Direction Générale du Patrimoine de l’État (DGPE) n’était déconcentrée qu’au niveau de Bobo-Dioulasso. Elle était la seule direction régionale. En termes d’appui au niveau des autres régions, il y avait des difficultés. Avec la réforme du MEF, la DGAIE intervient dans les régions à travers les Directions Régionales du Budget (DRB). Ce sont les DRB, rattachées à la Direction Générale du Budget (DGB) qui représente la DGAIE dans tous ses domaines d’intervention. Donc, nous devons maintenant collaborer avec les DRB qui sont normalement implantées dans toutes les régions. Ce sont elles qui doivent appuyer la DGAIE pour exécuter dans les régions toutes les missions assignées à la DGAIE. Alors, pour les ventes aux enchères au niveau régional, les intéressés doivent voir avec les DRB comment organiser la procédure pour que le système de récupération du matériel vétuste soit renforcé et que l’on puisse accélérer, par exemple, les opérations de vente aux enchères. Cela participe de l’assainissement des bâtiments dans la mesure où souvent, de part et d’autre, l’on voit du matériel vétuste entassé. Ce matériel ne sert plus à l’administration et il occupe inutilement les espaces.
LNA: Souvent l’on constate que des véhicules sont sur calle ou immobilisés dans des services à cause de pannes mineures et l’on finit par les remplacer ou les enlever carrément. Est-ce que cela n’occasionne pas plus de dépenses pour l’État ?
Z.R.L : C’est une réalité. Mais, à ce niveau, il faut que les secteurs ministériels concernés fassent le suivi de ces pannes. Il existe un système de maintenance des véhicules que l’on doit pouvoir mettre en place. En réalité, pour un véhicule acquis, il y a des commodités à décliner pour pouvoir faire des révisions régulières. A ce niveau, ce sont les Directions des Affaires Financières (DAF) qui doivent renforcer le suivi de leur parc avant que l’on ne constate des défaillances quelconques. Alors, lorsqu’il y a une panne, il faut la diagnostiquer avant de prendre les mesures appropriées pour une bonne budgétisation par rapport à la prise en charge des réparations de ces véhicules. Nous pouvons jouer souvent un rôle d’accompagnement à travers les experts au niveau de la Direction Générale du Parc Automobile de l’État (DGPAE), diagnostiquer la panne et donner des orientations par rapport à la réparation ou à la remise en état.