Selon l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), ce "marché gris" prospère chaque année et génère des milliards d'euros par an, à l'échelle mondiale. Un trafic fructueux qui coûte la vie à de milliers de personnes, notamment en Afrique, au Maghreb, dans l'Asie du Sud-Est et dans une partie de l'Amérique latine. Et, autant de personnes exposées à des risques de santé suite aux prises de médicaments contrefaits. Nul pays n'est à l'abri. A l'heure actuelle, les spécialistes et professionnels de la santé ont de plus de plus de mal à distinguer le vrai médicament du faux.
Les médicaments sont un produit intéressant à contrefaire parce que les profits sont considérables par rapport aux moyens logistiques requis. Ils sont bon marché et sont aussi beaucoup moins contrôlés. Très souvent, il suffit d'un hangar désaffecté ou une arrière-boutique pour se lancer dans cette entreprise très lucrative qu'est la fabrication de ces copies.
Les médicaments dit contrefaits/faux/faussement étiquetés/falsifiés se retrouvent partout dans le monde, de toutes sortes, qu'ils soient destinés à traiter des maladies graves ou qu'il s'agisse de versions génériques, types analgésiques ou antihistaminiques. Dans tous les cas, on en trouve avec les principes actifs corrects, erronés, sans principes actifs, à des doses très faibles ou très fortes. Il peut s'agir de mélanges hasardeux de produits toxiques comme de préparations inactives et inefficaces. Aux dires de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), les médicaments contrefaits sont frauduleusement munis d'une étiquette n'indiquant pas leur identité ou leur provenance réelle. Mais, les plus redoutables sur le marché actuel sont ceux dont l'emballage et l'apparence ressemblent avec une telle exactitude aux produits de marque déposée, qu'ils nécessitent une vérification majeure de leur contenu chimique en laboratoire.
Dans les pays occidentaux, les médicaments les plus couramment contrefaits sont ceux liés au mode de vie, comme les stimulants, les calmants ou anti-dépresseurs. D'autres visent à soigner contre le cancer ou à traiter des problèmes d'impuissance sexuelle (viagra), de calvitie et d'obésité. Dans ces cas-ci, les enquêtes révèlent que les réseaux de contrefaçon de médicaments impliquent de nombreuses personnes, des pharmacies illégales de vente par Internet dans différents pays.
Les médicaments trafiqués à destination de l'Afrique, du Maghreb, de l'Asie du Sud-Est et de l'Amérique latine, sont censés traiter des maladies bénignes ou infectueuses et des maladies graves telles que le diabète, la malaria ou paludisme, la tuberculose, le VIH, le SIDA. Ces contrefaçons se commercialisent ouvertement sur les étalages des souks, des marchés et se distribuent même dans des Centres médicaux isolés. Au Maroc, en région orientale par exemple, ils appellent cela "le marché informel de médicaments" ou plus communément baptisé "Souk el Fellah". Malgré les efforts déployés suite à la création en 1989 du Centre marocain de pharmacovigilance, admis en 1992 comme membre officiel du programme OMS de pharmacovigilance internationale, la contrebande ne cesse de se développer dans les zones rurales. De même que dix pays africains, dont le Bénin, le Burkina Faso, le Niger, la République démocratique du Congo, le Sénégal et le Togo, ont signé plusieurs projets, collaborant avec diverses Fondations et opérations de lutte contre la fraude. Dernièrement, ces pays ont rejoint une initiative de l'OMS, appelée projet "d'homologation accélérée", afin d'augmenter l'accès de médicaments de qualité en Afrique et de développer une expertise locale en matière de réglementation pharmaceutique.
L'élimination de faux médicaments constitue un défi crucial pour la santé publique.
Toujours selon l'OMS, des milliers de gens sont infectés ou tués par des médicaments contrefaits, chaque année. Ils contribuent notamment à créer des formes résistantes à de nombreux antibiotiques. "Si on achète ces médicaments, c'est parce qu'ils sont moins chers".
Comme les trafiquants investissent des lieux, des pays différents pour procéder au ré étiquetage, à l'approvisionnement, à la production, au financement, à la distribution, il est extrêmement compliqué de remonter les filières.
Ce marché criminel de la contrefaçon pharmaceutique, profite délibérément des crises économiques et politiques pour duper tant les médecins, les patients que les spécialistes anti-contrefaçons. Ces derniers voient clairement leur travail se restreindre en raison des réglementations pharmaceutiques inadaptées et non-collectives. Des lacunes persistent aussi en matière de contrôle qualité, sans compter la corruption des douaniers. A noter que les règles de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) n'autorisent que les contrôles à l'importation. Les contrôles de marchandises à l'exportation restent tinterdits.
Des saisies en croissance
En juillet 2012, l'Organisation Mondiale des Douanes (OMD) a réalisé une action concrète contre la fraude, menée simultanément dans seize grands ports maritimes des côtes est et ouest de l'Afrique. Cette opération, baptisée "VICE GRIPS 2", a permis de saisir, en dix jours, de vastes containers renfermant plus de 82 millions de doses de médicaments illicites pour un montant estimé à 40 millions de dollars. Les marchandises saisies provenaient d'Inde, de Chine et des Émirats arabes. Dans la même période, Interpol a réquisitionné plus de 400.000 médicaments de contrefaçon à l'aéroport parisien de Roissy. Grâce à une surveillance ardue d'Internet, ils ont identifié 52 sites illégaux de vente de médicaments, situés en territoire français.