Le football, le sport en général, rime-t-il avec les études ? A cette question, l’ancien joueur de division 1 au S.K. Lierse, Yacine De Backer, répond par l’affirmative. De joueur semi-professionnel, il est devenu ostéopathe à la suite d’un cursus académique de 6 années à l’Université Libre de Bruxelles débouchant sur un Master Complémentaire en Ostéopathie. En plus des prestations dans son cabinet à Jette et au Centre Médical des Iles d’Or à Woluwé-Saint-Lambert, cet entraineur de football breveté à l’Union belge de football accompagne aussi en tant qu’ostéopathe des sportifs de haut niveau dans le hockey sur gazon. Dans cet entretien, il renseigne sur les difficultés rencontrées par les jeunes footballeurs mais aussi sur la problématique d'allier Sport et Études.
Le nouvel Afrique (LNA) : Qui est Yacine de Backer ?
Yacine De Backer (Y.D.B) : J'ai commencé à jouer au football à 6 ans au Scup-Jette. J’y ai joué 2 à 3 ans, puis je suis allé au RWD Molenbeek. J’y ai fait toutes mes classes de jeune. Après 6 années passées au RWDM, le club est malheureusement tombé en faillite, donc il fallait trouver un autre club si possible de Division 1. A ce moment là, Emilio Ferrera m'a pris avec Lierse où j'ai signé un contrat semi professionnel pendant 2 ans et j'ai joué en équipe première pendant une année. Pour accéder en équipe 1re au Lierse, il ma été demandé de faire un choix clair entre le foot et les études. J’ai donc arrêté la première année de kiné que j’avais entamée à l’ULB pour me consacrer au football. Cette année durant laquelle j’ai touché à la vie de footballeur professionnel fut une année de doute. J'avais 19 ans et je cherchais ma voie entre les études et le football. On ne peut refuser ni l’opportunité de devenir footballeur, ni celle d’assurer son avenir grâce aux études. Et pourtant, on m’a obligé à faire ce choix sans quoi je ne montais pas en équipe 1re au Lierse. Après 1 année exclusivement de football dans une équipe 1re, je me rendais bien compte que les études étaient aussi importantes dans ma vie. Je suis persuadé qu’il est possible d’allier les deux pour autant que l’on trouve un staff suffisamment conciliant pour accepter qu'on fasse des études à côté du foot. Et pour certaines personnes comme pour moi, c'est d’ailleurs l'équilibre idéal. Déçu de ce choix que l’on m’avait fait passer pour obligatoire, j’ai interrompu ma carrière sportive pour poursuivre mes études d’ostéopathe. Par la suite, et entre 2 pauses, j’ai joué au Fc Brussels avec la Réserve, ensuite entre 22-26 ans à Ganshoren, puis de 26-27 ans à la RUSA Schaerbeek. A 27 ans, je me suis consacré à mon travail d’ostéopathe.
Chaque sportif doit avoir la possibilité d’allier sport et études. Dans le football, ce n’est pas très bien représenté mais il y a d'autres sports comme le tennis ou le hockey sur gazon où on voit clairement que les deux sont tout à fait conciliables et participent d'un meilleur équilibre pour le joueur.
LNA : Qu’est ce qui vous a le plus marqué dans votre carrière de footballeur ?
Y.D.B : On ne peut pas parler de carrière de footballeur. Je n’ai fait que mes classes de jeunes et très peu en équipe 1re en division 1. Mais, j'ai toujours eu beaucoup du respect pour ceux qui ont réussi dans les études tout en étant dans le monde du sport. Pour cela, Patrick Thairet a été une référence pour moi. Jeune, on allait au stade le supporter puisqu’il jouait au RWD Molenbeek. Par la suite, j'ai appris qu'il avait une licence de Kinésithérapeute. A côté de cela, beaucoup d’athlètes dans d’autres sports l’ont fait aussi.
Pour en revenir aux éléments marquants dans le football, je dirais qu’on y fait beaucoup de rencontres intéressantes. On voit beaucoup de personnes charismatiques, je pourrais en citer beaucoup dans cette équipe du Lierse (Bertrand Crasson, Gilles De Bilde, Eric Van Meir). Lorsqu'on est sportif, pour réussir et affronter la concurrence, il faut avoir une solide confiance en soi et un mental d’acier. Toutes ces rencontres dans le football sont aussi une bonne école de vie. Quand vous avez 18 ans, sortant tout juste de rhéto et que vous débarquez dans un monde d’adultes, voire, que vous leur faites concurrence, il faut s’accrocher à l’entraînement.
L.N.A : Après avoir choisi les études, pourquoi avoir ensuite quitté le monde du football ?
Y.D.B : Quand on débute dans le football professionnel, il faut s’accrocher. Il n’y a que les joueurs d’exception qui parviennent à s’imposer dès leur entrée dans une équipe première, on pourrait citer Vincent Kompany. Pour les autres, et cela concerne la majorité des joueurs, il faut un solide mental, faire des sacrifices, continuer à travailler à l’entraînement et en salle de musculation tout en acceptant d’être la 5e roue du carrosse. La concurrence est souvent rude et parler de 5e roue du carrosse est encore gentil. Il est probable que ces jeunes joueurs débutant en équipe 1re sont testés, titillés, voire franchement engueulés. Il faut savoir le supporter. Moi, je l’ai peut-être moins bien supporté. J'ai trouvé plus facile et moins stressant d'aller poursuivre mes études.
Aujourd’hui, je perçois le football comme un spectacle, tantôt attractif tantôt excessif, mais qui a le mérite de faire rêver des millions de personnes. Je perçois aussi le football professionnel comme un sport difficile. C'est pourquoi, j’essaye parfois de tempérer certaines personnes qui qualifient la vie de footballeur de paisible et riche.
Après avoir joué au Lierse à 19 ans, j'ai repris les études d’Ostéopathie qui ont duré 6 années. Maintenant, depuis 3 ans, je développe mon activité en tant qu’ostéopathe sur Bruxelles essentiellement. Toutefois, après le Lierse, j'ai continué à jouer en Provincial. A ce moment-là, c'est clair, on ne voit plus le football de la même manière. Le foot n’est plus l’activité principale mais juste une passion, et le choix du club est surtout lié à la camaraderie plutôt qu’à la recherche du projet sportif. Et c'est vrai que cela change beaucoup de choses.
L.N.A : Selon vous est-il possible d'allier la carrière de footballeur et les études ?
Y.D.B : Pour moi, c'est tout à fait possible. C'est même l'équilibre idéal. Mais la recherche de l’équilibre est propre à chacun. Pour certaines personnes, ce n'est pas le bon équilibre mais il faut donner à chaque jeune la possibilité de rebondir en cas d’échec dans le foot, et les échecs sont nombreux.
L.N.A : En quoi consiste votre travail d'ostéopathe ?
Y.D.B : Concrètement, je travaille dans mon cabinet privé ainsi que dans un centre médical. Je travaille aussi dans des structures sportives, essentiellement dans le hockey sur gazon, mais aussi avec des footballeurs. Le hockey est un sport en pleine expansion aujourd'hui dans lequel les Belges s’illustrent admirablement bien au niveau international comme en témoigne leur participation aux Jeux Olympiques de Londres.
Pour faire simple, je traite certaines pathologies d’ordre mécanique. Après mes 6 années d’études, j’ai aussi suivi un Master en pathologies sportives pour garder un pied dans le sport à jamais, c’est un impératif dans ma vie. Et je tente donc aussi de soigner, ou mieux encore de prévenir les blessures des sportifs.
L.N.A : Aujourd'hui, avec le recul, quelle est votre vision sur le football ?
Y.D.B : Le football est rassembleur. Il a le mérite de faire cohabiter des populations issues de nations, de cultures, de niveaux sociaux totalement différents. Qu'on vienne en jaguar ou en métro, que l’on soit Belge ou pas, il n’y a pas de différence. Cette possibilité de réunir une telle diversité autour d’une passion commune n’existe que dans le football. Et c’est souvent bien transmis par les entraineurs à leurs jeunes et ce, que l’on soit en diablotin dans un petit club de province, ou dans un grand club en junior ou UEFA.
L.N.A : Quels messages, voulez-vous adresser aux jeunes ?
Y.D.B : Le message que je souhaite faire passer aux jeunes sportifs et à leurs parents est d’abord de rêver un peu quand même, c’est important. Mais aussi de se donner les moyens de rebondir et surtout d’être heureux dans une bonne situation si la carrière en tant que sportif professionnel devait échouer. Il y a trop de facteurs que l’on ne maîtrise pas et qui peuvent constituer un frein à une carrière de footballeur. J’en suis le premier exemple. Il y a des facteurs liés aux blessures, des facteurs psychologiques, des facteurs liés à la croissance et au développement des aptitudes psychomotrices de chacun. On ne sait que trop peu dans quelle mesure un enfant peut grandir, se renforcer, améliorer sa vitesse, sa technique, son mental,… Ce n’est pas parce qu’on est un bon joueur à 12 ans, qu’on le sera forcément à 22 ans. Les entraineurs devraient toujours suggérer à leurs joueurs de faire aussi des études. L’éducation des parents est primordiale pour faire comprendre à leurs enfants l’importance des études.
L.N.A : Quel est votre joueur adulé ?
Y.D.B : Selon mes origines (algériennes), et puis selon sa classe et l’élégance de son jeu, c’est Zinedine Zidane.
L.N.A : Et votre équipe favorite ?
Y.D.B : Mon équipe ! J’avoue que je ne suis pas fanatique d’une équipe en particulier. Mais il faut reconnaître que le jeu que propose Barcelone actuellement, avec des caractéristiques physiques atypiques, est le plus attractif. En Belgique, il fut un temps où on aurait dit à ces joueurs : « Trop petite taille ! Pour être footballeur il faut être grand et costaud ! », et par là-même de compléter à ceux-ci uniquement «Les études, c’est important ! » .
L.N.A : Avez-vous un plat préféré ?
Y.D.B : J’affectionne tout particulièrement le couscous de ma mère. A part ça, je mange tout !
LNA : Votre dernier mot ?
Y.D.B : Mon dernier mot est pour cette dynamique positive proposée par le magazine le Nouvel Afrique qui utilise un ton optimiste pour faire passer le message ou l’information. Du journalisme positif, ça change des mauvaises nouvelles des autres journaux. Par ailleurs j’estime beaucoup le travail associatif à visée socio-éducative avec le sport en toile de fond de Haroun et ses collaborateurs.