Les énergies renouvelables sont en train de s’installer dans notre pays. L’énergie solaire, les biodigesteurs et l’énergie éolienne sont autant de sources d’énergies renouvelables. Dans cet entretien, le Ministre en charge de l’Energie, Salif Lamoussa Kaboré, parle des projets de l’État en la matière, parle de la possibilité pour le Burkina Faso d’expérimenter l’énergie éolienne et brosse le volet formation.
Le nouvel Afrique (LNA) : Quelle est la politique générale de l’Etat en matière d’énergies renouvelables ?
Salif Lamoussa Kaboré (S.L.K) : Pendant longtemps, le Burkina Faso a mis l’accent sur la production thermique de notre pays. Aujourd’hui, avec le coût élevé du baril de pétrole, il s’avère nécessaire de diversifier nos sources de production d’énergie. On se rappelle que, dans les années 80, on a eu le premier barrage hydroélectrique de Kompienga, puis le barrage de Bagré qui produisent de l’énergie moins chère. Dans la Stratégie de croissance accélérée et de développement durable (SCADD), il est affirmé que le Burkina Faso doit développer la production en termes d’énergies renouvelables. A ce titre, les techniciens travaillent avec des promoteurs sur l’énergie solaire qui est l’énergie la plus évidente en ce sens que le Burkina Faso bénéficie d’environ 3500 heures d’ensoleillement par an. Cela devrait nous permettre, à terme, de développer cette énergie qui, durant un certain temps, était très chère. Mais avec l’évolution de la technologie, le coût du kilowattheure devient abordable. Cela devrait permettre à la Société nationale d’électricité, aidée par le Gouvernement, de pouvoirdévelopper l’énergie solaire dans notre pays.
LNA : A part ceux que vous avez cités, quels sont les autres projets phares de l’État en matière d’énergies renouvelables ?
S.L.K : Il y a 3 types de projets sur lesquels le Gouvernement travaille. D’abord, il y a le développement de l’énergie hydroélectrique, à travers les barrages de Samandéni et de Ouessa, et une étude a aussi été lancée sur l’aval de celui de Bagré. Cette étude permettra d’avoir 14 mégawatts supplémentaires pour ce barrage. Ensuite, il y a l’énergie solaire avec 3 grands projets. Le premier projet ayant bouclé son financement consiste à développer une centrale solaire de 1 mégawatt à Kaya. Ce projet est piloté par la Sonabel. Le deuxième permettra de développer une autre centrale de 500 kilowatts à Ouagadougou pour permettre aux techniciens de s’approprier cette technologie. Le troisième projet est relatif à la construction d’une centrale de 20 mégawatts à Zagtouli. Ce projet est également piloté par la Sonabel. Pour le projet de Zagtouli, l’Union européenne a consenti déjà une subvention de l’ordre de 25 millions d’euros, étant entendu que le reste du financement est à rechercher auprès des partenaires traditionnels de la Sonabel. Il y a aussi un autre grand projet dans le domaine du solaire. C’est un partenariat public-privé entre la Société d’Exploitation Minière d’Afrique de l’Ouest (SEMAFO) et l’État burkinabé. Il s’agit de développer 20 mégawatts sur le site de Wona. Enfin, au-delà de ces projets, il y a des petits projets solaires par-ci par-là et qui sont menés par des privés ou par l’État. A titre d’exemple, il y a 257 chefs-lieux de départements qui ont bénéficié du financement espagnol pour s’alimenter en énergie électrique. Tous ces éléments concourent au développement des énergies renouvelables dans notre pays.
LNA : Mais le commun des mortels pense qu’il y a des blocages quant à l’accès des populations à l’énergie solaire. Que compte faire l’État pour lever cette équivoque ?
S.L.K : Je pense que ce n’est pas un blocage. Il s’agit du fait que pendant longtemps, cette source d’énergie était inaccessible du fait de sa cherté. C’est pour cela que les uns et les autres pensent que l’État ne veut pas que les populations puissent s’offrir les installations solaires. Pour donner un souffle nouveau à ce type d’électrification, le Gouvernement réfléchit sur les stratégies de défiscalisation de tout ce qui rentre dans la production de l’énergie solaire pour permettre au plus grand nombre d’avoir accès à cette source d’énergie. On peut penser qu’elle coûte cher en termes d’investissements mais, sur le long terme, elle peut s’avérer rentable. Et l’on n’aura plus à payer de facture pour une société d’électricité. Par ailleurs, un problème inquiétait. Il s’agit du vol des plaques solaires. Il y avait un commerce illicite et illégal de plaques solaires dans la région. A ce niveau, des mesures sont prises pour que les plaques qui seront vendues au Burkina soient estampillées afin qu’elles soient reconnaissables partout où elles seront utilisées.
LNA : On peut penser que si l’on vulgarisait l’énergie solaire, cela peut casser le monopole de la Sonabel. Est-ce votre avis ?
S.L.K : Depuis l’adoption de la loi de 1998, le monopole de la Sonabel en termes de production d’énergie électrique est cassé. Le monopole qu’a la Sonabel est celui de la distribution. Cela signifie que si quelqu’un installe chez lui des plaques solaires de 1 mégawatt et qu’il ne consomme que 350 kilowatts, il peut discuter avec la Sonabel pour obtenir que cette production supplémentaire soit sur le réseau Sonabel. Sinon, il n’y a pas de blocage systématique du Gouvernement. Notre objectif au niveau du Gouvernement est de pouvoir permettre à l’ensemble des Burkinabè de pouvoir disposer de l’électricité.
LNA : Une autre source d’énergie renouvelable est le biogaz. Il est en train de s’installer dans les habitudes de production d’énergie en zone rurale, notamment avec le biodigesteur. Quelle est la contribution de l’Etat pour la promotion de cette source de production d’énergie ?
S.L.K : Le projet biodigesteur est conduit par le ministère en charge des Ressources animales. C’est un projet d’installation de 10 000 biodigesteurs dans le pays. L’État subventionne cette technologie à hauteur de 30%. A terme, il s’agit de pouvoir permettre aux foyers de disposer de cette source d’énergie. En toile de fond, cette démarche consiste à permettre un développement harmonieux du Burkina Faso, parce que qui dit énergie dit développement. C’est pourquoi l’État essaie de diversifier toutes les sources de production pour permettre à tous les Burkinabè de pouvoir surmonter les difficultés pour leur consommation au niveau du foyer, mais aussi avoir des activités économiques qui peuvent générer des revenus.
LNA : Monsieur le Ministre, peut-on un jour espérer produire de l’énergie éolienne au Burkina Faso ?
S.L.K : Pendant longtemps, on nous disait que la vitesse du vent au Burkina Faso ne permettait pas de produire de l’énergie éolienne. Mais, aujourd’hui, il y a des évolutions qui font qu’à une vitesse de vent de 3m/s on doit pouvoir produire de l’énergie. Mes services sont en train de discuter avec une firme qui a proposé cette technologie afin de voir son applicabilité au niveau de notre pays.
LNA : Peut-on avoir le nom de la firme…?
S.L.K : Je crois qu’il faut attendre encore un peu avant qu’on ne donne le nom de la firme.
LNA : Les technologies relatives à la production d’énergie renouvelable font leur entrée au Burkina. Quelles dispositions l’État a-t-il prises pour favoriser la formation de techniciens capables de maîtriser les contours de ces technologies en termes de formation académique, professionnelle, etc. ?
S.L.K : Il ne faut pas seulement poser le problème de la formation, du renforcement des capacités au niveau des énergies renouvelables. Dans toutes les sources de production, le Burkina Faso a besoin de renforcer ses capacités. Il a besoin de renforcer les capacités de tous les acteurs. C’est pour cela qu’il y a une quinzaine d’années, nous avons réfléchi à la création de l’ISGE (Institut Supérieur de Génie Électrique). Il est installé dans la Zone d’Activités Diverses (ZAD) à Ouagadougou. Et l’Institut international d’Ingénierie de l’eau et de l’environnement (2IE) a pris un essor fulgurant en formant des masters en énergies renouvelables. Il y a aussi des écoles privées qui s’installent dans notre pays pour pouvoir non seulement former des ingénieurs, mais aussi des cadres moyens et des ouvriers. L’objectif est d’avoir une main-d’œuvre qualifiée à même d’être utilisée, soit dans les entreprises publiques comme la SONABEL, soit dans les entreprises privées et, pourquoi pas ?, à l’étranger. A ce niveau, le Gouvernement est en train de faire des efforts pour pouvoir doter notre pays d’une main-d’œuvre qualifiée.