Le succès retentissant de la chanson «Brigadier Sabari» dans «Jah Glory» sorti en 1982 a marqué un tournant décisif dans l’histoire de la musique du continent. Ce titre qui a fait un tabac en Côte d'Ivoire et dans toute l’Afrique a joué un grand rôle dans la riche carrière d'Alpha Blondy, qui, depuis lors, totalise plus de quinze albums et des concerts. Avec son groupe, le Solar System, le rastafari continue de se produire partout dans le monde pour porter les valeurs de son pays, la Côte d'Ivoire, et de l'Afrique en général. Le nouvel Afrique revient ici sur son parcours titanesque.
Premier fils d'une famille de neuf enfants, Seydou Koné est né à Dimbokro en 1953. À 19 ans en 1972, il préside la section locale du Mouvement des Élèves et Étudiants de Côte d'Ivoire (MEECI). On l'appelle Elvis Blondy. La même année, il part suivre sa seconde au lycée normal de Korhogo. Inscrit à l'internat, l'adolescent forme un groupe avec ses copains Price (guitare), Pop Touré (batterie) et Diallo Salia (basse) : les Atomic Vibrations jouent en matinée les week-ends, pour les beaux yeux des jeunes filles du Couvent Sainte-Elisabeth voisin... A force de sécher les cours pour préparer les concerts, Seydou est, à la fin de l'année, renvoyé du lycée. En 1973, désireux d'apprendre l'anglais, il convainc sa mère qui lui trouve l’argent à destination du Liberia voisin. Seydou Koné est à Monrovia. Il y reste treize mois, prenant des cours pour maîtriser la langue des Beatles et donnant des leçons de français. Mais le jeune homme veut aller plus loin. Il rentre en Côte d'Ivoire avec l'idée de partir aux Etats-Unis perfectionner son anglais, aller à l'université, faire de la musique et créer un groupe.
A 23 ans, Blondy débarque à New York
C'est en 1976 que le rêve devient réalité : Blondy, alors âgé de 23 ans, débarque à New York. Il s'inscrit dans une première école, la Geneva School of business, où il suit pendant trois mois des leçons d'anglais commercial. Puis il use les bancs du Hunter College pour prendre des cours de langue accélérés et passer avec succès le test qui lui permet enfin de s'inscrire à l'American Language Program de Columbia University. Pendant deux ans, le jeune Ivoirien suit ce programme destiné aux étudiants étrangers. En même temps, il enchaîne les jobs alimentaires et il est notamment coursier, à 5 dollars le pli porté. A ce rythme, il tombe bientôt malade. Alors qu'un médecin lui conseille de se reposer, un ami ivoirien, Oullaï Joachim, lui suggère de venir le rejoindre à Waco au Texas, pour travailler à l'usine de dindons Plantation Food. Seydou arrête les cours et quitte New York.
Une rencontre décisive…
Une rencontre lui donne beaucoup d'espoir : celle avec le Jamaïcain Clive Hunt, qui lui présente The Sylvesters, un groupe formé par une famille de Dominicains qui joue régulièrement dans les petites salles de l'Etat de New York. Espérant enfin réussir, Blondy quitte le Texas et commence à se produire en première partie des Sylvesters. Il chante ses propres compositions, dont «Burn down the apartheid», «Bory Samory» (publié en 1984 sur «Cocody Rock») ou «War», de Bob Marley, en français (publié en 1994 sur «Dieu»)... Cependant, le plus grand espoir du jeune homme repose sur les 8 chansons enregistrées, sous la houlette de Clive Hunt, au studio Eagle Sound à Brooklyn. Malheureusement pour lui, le disque ne verra pas le jour parce que le réalisateur avait des soucis financiers. Déçu, après quatre ans passés aux États-Unis sans résultat vraiment palpable, Blondy décide, en 1980, de rentrer en Côte d'Ivoire. Peu glorieux, le retour semble douloureux avec le rêve américain qui a tourné au cauchemar.
Le come back à Abidjan
De retour à Abidjan, Blondy habite chez des amis. Il se met à répéter avec des musiciens ghanéens au ghetto d'Adjamé, au Bracody Bar. Désormais, il se fait appeler Alpha, qu'il a ajouté à Blondy en signe d'espoir d'une nouvelle vie, d'un commencement. En 1981, Roger Fulgence Kassy lui propose de passer dans l'émission qu'il présente à la télévision ivoirienne (la RTI), «Première chance». Les deux hommes se connaissent de longue date. Adolescents, ils se retrouvaient en effet à Abidjan pendant les grandes vacances, au quartier Ebrié, chacun chez son oncle (les deux oncles travaillaient à la Présidence) ; ils ont passé le BEPC la même année.
Fin de la galère
A Brooklyn, lors de son séjour aux Etats-Unis durant la décennie précédente, Alpha avait vu son rêve s’effondrer le jour où il devait poser ses voix en studio alors que la musique était faite : personne n’était au rendez-vous. Le producteur jamaïcain, Clive Hunt, s’était envolé pour Londres sans prévenir ! Le nouveau projet qui se dessine à Abidjan annonce la fin tant attendue des années difficiles. "Je ne veux pas mourir dans la pauvreté”, chante-t-il dans la première chanson de l’album. La rage semble sourdre dans sa voix. Le jour où les policiers, dont il a tant décrié les manières brutales, se mettent à l’apostropher pour plaisanter ou prendre une photo avec lui, il comprend soudain que quelque chose est en train de se passer. "On n’est jamais prêt. Ça démarre et tu te surprends à courir après ton propre convoi”, observe-t-il trente ans plus tard. Plus qu’un succès, Brigadier Sabari et l’album dont il est extrait ont servi de solide fondation au reggae africain. Un modèle, un exemple, une influence majeure qui ne se dément toujours pas aujourd’hui pour tous les artistes qui se réclament de ce courant...
(Source : Le Staff de Blondy)