Article publié le 2012-09-15 par Par Alexandre Korbéogo Dossier
Le biodigesteur au Burkina Faso - Une aubaine pour les populations [08/2012]
Légendes (de gauche à droite) 1. Le point focal du Programme du Plateau central, Hervé Ghislain Dondassé explique la technique du biodigesteur sous l’œil de Mme Zongo Bernadette née Tapsoba, une bénéficiaire 2. Une lampe produisant de l’électricité grâce à la technologie 3. Une cuisson de «benga» (plat local) à commercialiser par le biais du gaz produit par le biodigesteur. 4. La matière première de la technologie est la bouse de vache. Ici, on recharge le bac sous l’œil du bénéficiaire, Salif Nikièma (à gauche)

La technologie du biodigesteur s’installe dans les habitudes de consommation des populations du Burkina Faso. Dans la région du Plateau central, de la Ziniaré à celle de Zorgho en passant par Boussé, cette technologie qui permet de fournir du gaz par le biais de la bouse de bovins et des crottes de porcs, procure de l’énergie pour la consommation domestique et de la fumure organique de qualité pour les champs.

Les biodigesteurs sont une aubaine pour les éleveurs de la région du Plateau central. Cette technologie procure de l’énergie. Selon les spécialistes, «un biodigesteur est une construction souterraine faite avec des matériaux locaux qui est destinée à recevoir des déjections d’espèces animales mélangées à de l’eau dans des proportions équitables en vue de produire du biogaz.» Introduite dans la région en 2011, cette technologie permet à de nombreuses familles d’utiliser le gaz pour la consommation domestique, l’alimentation en électricité et en engrais biologiques pour fertiliser les champs. D’une durée de vie de 20 ans, il en existe en différentes dimensions, notamment en 6m³, 8m³ et 10m³ au Burkina Faso. Actuellement, les dispositifs les plus réalisés sur le territoire sont ceux de 6m³ et de 10 m³. Cette technologie est vulgarisée par le Programme National de Biodigesteur au Burkina Faso (PNB-BF). Hervé Ghislain Dondassé en est le point focal au niveau de la région du Plateau central : «Pour lancer la construction des biodigesteurs, nous avons d’abord formé treize maçons. Malheureusement, certains ont raccroché et il ne reste que 6 maçons en activité. D’autres maçons seront formés pour venir en appui à ceux-ci dans la mesure où la demande est très forte.» Pour bénéficier de cette technologie, il faut remplir certaines conditions. «Il faut être réceptif à la technologie en vue de l’entretenir, il faut avoir un certain nombre d’animaux en fonction de la taille souhaitée et disposer de la contribution financière nécessaire pour la construction, étant donné que la technologie est subventionnée», explique M. Dondassé. Pour un biodigesteur de 6m³, il faut posséder au minimum 6 têtes de bovins et 9 têtes de porcs. Facilement réalisable en milieu rural, la technologie procure des bénéfices énormes à de nombreux bénéficiaires. Parmi ceux-ci, Mme Bernadette Zongo/Tapsoba, du secteur n°3 de Ziniaré. Par le biais du groupement des éleveurs de zébus Azawak, elle a bénéficié de la réalisation d’un biodigesteur de 10m³. «Je tire de nombreux bénéfices de cette technologie. Elle me procure du gaz pour la cuisine, de l’électricité en cas de coupure de courant fourni par la SONABEL et de l’effluent organique que je vends à des producteurs», explique Mme Zongo. Par mois, elle affirme vendre au moins 20 charrettes de fumure à raison de 1000F (près de 2 euros) la charrette. «Je suis très contente d’avoir le biodigesteur. Il m’aide beaucoup car je peux préparer 10 à 20 kg de riz que je vends. Aussi me procure-t-il la santé dans la mesure où je n’utilise ni le charbon, encore moins le bois pour ma cuisine», se réjouit-elle. Dans la région du Plateau central, cette trouvaille du PNB-BF améliore les conditions de vie des bénéficiaires et lutte contre la déforestation.

Lutte contre la déforestation

La technologie biodigesteur est une technologie appropriée pour lutter contre la déforestation. Les familles qui l’utilisent sont unanimes quant à l’efficacité et à la durabilité du biogaz produit pour la consommation domestique. Gilbert Tiendrébéogo est l’un des premiers maçons ayant reçu la formation pour construire le biodigesteur. Aujourd’hui, il est en même temps constructeur et bénéficiaire. A Oubriyaoghin, village situé à 7 km de Ziniaré, Gilbert dispose de l’électricité grâce à son biodigesteur. Son épouse cuisine avec le gaz produit par cette technologie. «Les femmes ne se fatiguent plus pour aller couper le bois. Cela protège la forêt et lutte contre la déforestation et la pauvreté», dit Gilbert Tiendrébéogo. Ce dernier souligne en outre que les élèves peuvent étudier sous la lumière produite par l’électricité du biogaz. Séduit par les nombreux avantages de cette technologie, M. Tiendrébéogo veut construire en plus de son biodigesteur de 6m³, un autre de 10 m³ dans sa concession. A Boussé, dans le Kourwéogo, Souleymane Ouédraogo, bénéficiaire, ne dit pas le contraire. Son biodigesteur fait sa fierté. «Je suis fier de l’avoir car, il me procure beaucoup de bénéfices en matière d’énergie», explique-t-il. Dans cette province, l’offre est en deçà de la demande comme partout dans la région. «Au cours du dernier semestre de 2011, sur 40 demandes de construction de biodigesteur, 12 ont pu être satisfaites. Pour 2012, une quarantaine de demandes ont été introduites. Quatorze sont en cours de réalisation», témoigne le directeur provincial des Ressources animales du Kourwéogo, Adama Tamini. Selon lui, le biodigesteur suscite un «véritable engouement» au niveau des populations. Mais, ce succès est freiné par l’indisponibilité des maçons dont le nombre s’est avéré insuffisant. Cette situation s’explique, selon certains maçons, par le traitement salarial. Un biodigesteur de 6m³ procure 75 000 F CFA (environ 115 euros) au maçon et 110 000 F CFA (environ 168 euros) pour un biodigesteur de 10m³. Cette somme est payée à tempérament à raison d’une retenue de 10% sur ce montant comme garantie durant un an d’observation de la qualité des infrastructures construites par le maçon. Si après l’année d’observation, on constate qu’il n’y a pas de problème sur le biodigesteur, les 10% sont reversés au maçon. Au début de la construction, 27 500 F (42 euros) sont versés au maçon comme avance et 40 000 F (62 euros) après réception de l’infrastructure.

Le village de Rapadama est biodigesteur

Dans la province du Ganzourgou, le village de Rapadama, près de Mogtédo a la cote en termes de nombre de biodigesteurs construits dans le département. Sur les 28 en cours de réalisation à Mogtédo, 16 reviennent à Rapadama, selon Narcisse Kiéma, chef de poste vétérinaire de Mogtédo. Selon M. Kiéma, la crise alimentaire et la sécheresse ont influencé négativement la promotion du biodigesteur. « Face à la crise alimentaire, certains ont opté pour l’achat de tourteaux pour leur troupeau plutôt que d’achever leur biodigesteur », explique-t-il. Le directeur provincial des Ressources animales du Ganzourgou, le Dr Abdramane Bagayogo, prône une sensibilisation plus accrue des acteurs en vue d’une promotion efficace. « Les populations veulent le biodigesteur, mais chacun attend de voir ce que celui du voisin va donner afin de s’y lancer ». Selon lui, dès les premières séances de sensibilisation, une centaine d’inscrits ont été listés. Aujourd’hui, seulement une dizaine de biodigesteurs ont vu le jour et sont fonctionnels ou en phase de l’être. Le Programme National Biodigesteur (PNB-BF) subventionne la construction de l’infrastructure. Pour un biodigesteur de 6m³, le PNB subventionne à hauteur de 160 000 F (245 euros) pour les constructions en briques de ciment pour un coût total de 393 225 F CFA (600 euros). Selon M. Dondassé, le point focal du Programme du Plateau central, la main-d’œuvre du maçon et le matériel de plomberie (foyer, tuyauterie et les lampes pour l’éclairage) sont pris en charge par le Programme pour les biodigesteurs de 6m³. Pour les 10m³, le promoteur prend en charge la tuyauterie. Salif Nikièma a construit à Zorgho, dans sa ferme, un biogesteur de 10m³. Lors de notre passage, le gaz du biodigesteur permettait à ses frères de cuisiner du «benga» au beurre de karité pour le commerce. « Je suis très content d’avoir le biodigesteur. Il me permet d’alimenter ma cour en électricité, me procure du gaz pour cuisiner, et de la lumière pour permettre à mes enfants d’étudier et aussi d’entretenir mes poulaillers», explique Salif. La forte demande en biodigesteur est manifeste au vu de l’engouement des populations pour cette technologie. Selon le Dr Bagayogo, directeur provincial des ressources animales, l’objectif pour la province du Ganzourgou est de construire 56 biodigesteurs. Mais, il compte aller au-delà de cette performance pour en réaliser entre 70 et 80. Même motivation au Kourweogo où la direction provinciale est à pied d’œuvre pour vulgariser cette technologie selon son responsable, Adama Tamini. La facilité et la rapidité des maçons permettent une réalisation rapide du biodigesteur. En effet, selon les maçons, il est possible de réaliser en trois semaines avec un chargement de bouses de vaches, un biodigesteur fonctionnel.

Améliorer l’offre et penser à l’après-programme

Le biodigesteur est une technologie innovante permettant de lutter efficacement contre la déforestation. Soutenu par le PNB-BF, sous la coupe du ministère des Ressources animales, ce Programme, s’il est mené à bien, protégera la faune et la flore du Burkina Faso. Initié depuis 2011, le Programme essaie de s’adapter aux aléas du terrain au fil du temps. Pour les bénéficiaires, le Programme pourrait améliorer l’offre en prenant certaines dispositions pour faciliter l’accès à la technologie, notamment, en augmentant la subvention, en décernant aux bénéficiaires des attestations ou des certificats attestant qu’ils sont aptes à gérer des biodigesteurs. Le Programme pourrait aussi développer, selon les bénéficiaires, des stratégies pour mettre le matériel rapidement à la disposition des intéressés. En outre, du fait que le Programme prend fin en 2013 (théoriquement), il est capital de penser à l’après-programme. Le directeur provincial des Ressources animales du Ganzourgou, le Dr Bagayogo a confirmé que le PNB pense déjà à cette option. «Nous y avons pensé. C’est pourquoi, on s’attèle à abattre le gros du boulot par des séances de sensibilisation, d’information, d’approche afin que l’après-Programme puisse se dérouler normalement.»

Légendes (de gauche à droite)
            1. Le point focal du Programme du Plateau central, Hervé Ghislain Dondassé explique la technique du biodigesteur sous l’œil de Mme Zongo Bernadette née Tapsoba, une bénéficiaire
            2. Une lampe produisant de l’électricité grâce à la technologie
            3. Une cuisson de «benga» (plat local) à commercialiser par le biais du gaz produit par le biodigesteur.
            4. La matière première de la technologie est la bouse de vache. Ici, on recharge le bac sous l’œil du bénéficiaire, Salif Nikièma (à gauche)