«Les droits de l’enfant handicapé : le devoir de protéger, de promouvoir et de réaliser», tel est le thème retenu pour la célébration de l’enfant africain, édition 2012. Cette année, comme l’indique le thème, il s’agira de mettre en lumière l’enfant victime de handicap et sa place dans la société. La société n’a t elle pas en effet un devoir de responsabilité vis à vis de ces enfants ? Doit on les laisser se débrouiller tout seuls avec leurs parents dans un milieu qui leur est trop souvent hostile ? Car si le handicap entraîne une stigmatisation dans tous les milieux, il faut reconnaître qu’en Afrique, les pesanteurs socioculturelles fragilisent davantage la condition des handicapés.
Les «enfants serpents»
Ainsi, les préjugés relatifs aux handicapés, très souvent taxés « d’enfants serpents » pour les handicapés moteurs, ont la peau dure. Sans aucune perspective d’avenir, les enfants victimes de handicap sont dans la majorité des cas condamnés à la mendicité, livrés aux abus sexuels des pervers qui les recruteraient facilement aux abords des chemins. Cette exploitation honteuse et abusive de leur handicap trouverait sa justification dans le fait que la naissance de tels enfants entraîne presque toujours des cataclysmes au sein des familles. Les parents pointés du doigt, les mères accusées d’avoir le mauvais oeil, en tous cas d’avoir pactisé avec le diable, n’ont d’autre choix que de les abandonner à leur triste sort, quand cédant aux pressions sociales, les familles ne les suppriment pas tout simplement. Le témoignage de certains parents démontre très souvent que les filles de maison, pour la plupart analphabètes, donc très sujettes aux croyances populaires refusent de les garder, par crainte d’un effet de contagion qui pourrait à leur tour, les transformer en parents d’handicapés. Certaines en ont une peur bleue tout simplement, redoutant le moment où l’enfant serpent retrouverait son «apparence réelle». Une jeune fille de «bonne volonté» qui avait accepté la garde d’un enfant handicapé moteur le battait copieusement en l’absence de la mère pour exorciser le mauvais en lui. Alertée par les voisins, la mère, qui se rendait en confiance tous les matins à son lieu de travail, n’eut d’autre choix que d’en confier dorénavant la garde à la structure spécialisée d’une ONG de la place.
Du politique…
Soucieux d’harmoniser sa politique de protection de l’enfance, le Ministère de la Famille, de la Femme et de l’Enfant, à travers la Direction de la Protection de l’Enfance (DPE), et la Direction de la Promotion de la Personne Handicapée (DPPH) du Ministère des Affaires Sociales, avec l’appui des ONG impliquées dans la protection de l’enfance, s’est donné quatre axes stratégiques pour faire de la promotion des enfants handicapés une réalité concrète : il s’agira en premier lieu, de parvenir à la rédaction d’un livre blanc des enfants handicapés, après avoir longuement muri leur condition par le biais d’une analyse situationnelle rendue possible grâce aux données statistiques des ONG en charge des enfants handicapés.
Le second axe, incluant la médiatisation de l’enfant handicapé, permettra de lever le voile sur la question du handicap des enfants, abordant de manière franche une question qui paraît taboue, particulièrement sensible, au regard du peu d’intérêt dont elle est l’objet de la part des médias locaux. L’ignorance justifiant de nombreux abus, une telle contribution des médias pourrait faire grandement bouger les choses. On pourrait y attirer l’attention sur les médications sauvages, les consultations prénatales et la vaccination obligatoire contre la polio, les comportements sexuels à risque, bref, le respect de règles de vie simples pouvant éviter de multiples malformations chez le foetus : sensibiliser les adultes, c’est protéger les enfants.
Le troisième axe, le plaidoyer, consisterait à adresser des messages aux autorités lors de la célébration de la journée officielle. Les activités de plaidoyer sont d’autant plus importantes, qu’elles permettent d’obtenir des dispositions légales à même d’améliorer le quotidien de nombreux enfants handicapés, soulageant du coup leurs parents.
Quant au quatrième axe, les organisations en charge des enfants handicapés ont reçu carte blanche pour apporter, grâce à leur expertise, un rayon de lumière à ces enfants, lors de cette célébration exceptionnelle. La cérémonie officielle marquera la remise du livre blanc des enfants handicapés aux autorités. La chorale des aveugles devrait également prester pour montrer au public son savoir-faire, et démontrer, si besoin est, que le handicap n’est pas une fatalité.
… à la société civile
Ces organismes, faut-il le souligner, déploient des efforts importants pour la prise en charge des enfants handicapés, pour le plus grand bonheur des parents. Le Centre d’Éveil et de Stimulation des Enfants Handicapés (CESEH) du Bureau International Catholique de l’Enfance de Côte d’Ivoire (BICE CI) situé dans la commune de Yopougon développe une expertise agréée par les services de l’état. Environ
200 enfants y sont suivis chaque année, avec l’accès aux soins, à une éducation spécialisée, aux loisirs, à une vie sociale, avec pour objectif premier, l’autonomisation la plus large possible. Les parents y trouvent aussi leur compte, avec l’appui psychosocial et, si nécessaire, un appui à leur recherche d’emploi. D’autres ONG comme le Centre de rééducation Magdeleine, la Fondation Liliane, la Page blanche etc. apportent elles aussi une contribution appréciable pour soulager ces enfants et leurs parents.
On voit ici la puissance de la société civile pour soulager les souffrances des nécessiteux. Le paysage de la société civile s’est enrichi de nombreuses structures oeuvrant dans la promotion des droits humains à la faveur de la crise. Pour pallier le manque de professionnalisme notamment, l’appui technique et financier de partenaires tels SAVE The Children et UNICEF est un atout majeur pour ces structures émergentes au rang desquelles le Forum des ONG et Associations d’Aide à l’Enfance en Difficulté, coalition d’une quarantaine d’ONG qui entend fédérer toutes les énergies présentes pour plus d’efficience.
Les organisations de la société civile doivent ainsi davantage s’investir pour faire du droit à la vie et du respect des libertés individuelles, une réalité. Elles doivent éviter les querelles de leadership, marquer la rupture avec le politique pour plus de crédibilité et faire preuve de rigueur et de transparence dans la gestion des fonds alloués par le bailleur. Cette implication citoyenne des africains serait facilitée par une augmentation des revenus liée à la croissance économique, encore étouffée par l’absence d’un réel état de droit.