La liberté d’expression est une notion fondamentale dans le processus d’ancrage de la démocratie. Parler, s’exprimer, convaincre, partager, dialoguer sont des notions qui sont inséparables du vivre ensemble des peuples, des nations, des civilisations. La Bible dit qu’«au commencement, était la Parole». Cela signifie que la parole, le verbe existe avant toute chose et donne vie à toute créature. En un mot, comme en mille, la Parole libère, elle donne un sens à la marche du monde. Dans la multitude des crises sociopolitiques qui ont traversé l’Afrique, secoué différents points du globe, les gouvernants les plus avertis ont compris que de nombreux problèmes ont été engendrés par le manque ou le déficit de communication. Lorsqu’on rompt la communication, on laisse place à la rumeur et à toutes sortes de supputations et de non-dits qui, à la moindre étincelle, s’embrasent. La liberté d’expression, en ce sens qu’elle libère les esprits, donne la parole aux forts comme aux faibles, aux riches comme aux pauvres, est le créneau idéal pour favoriser l’éclosion des idées et l’émergence d’une société où la liberté dispute la place à la tyrannie, où la fierté de se savoir écouté dispute l’espace au bâillonnement. Le «Verbe s’est fait chair», clame la Bible. La Parole est la vie. En Afrique, la force de la parole, la liberté de s’exprimer, a été le socle des traditions ancestrales. La tradition orale a occupé une place primordiale dans l’écriture de l’histoire de l’Afrique. On ne savait ni lire ni écrire, mais le savoir se transmettait de génération en génération. Les baobabs d’Afrique transmettaient le savoir à leur progéniture par des actes accompagnés de parole. Dans ce cas de figure, lorsqu’un vieillard pétri de savoir et de sagesse sentait l’heure de «son voyage sans retour» approcher, il appelait le membre de famille en qui il avait une confiance avérée et lui confiait les secrets qu’il serait capable de transmettre à la génération future. Avec l’évolution, les sources écrites sont apparues. Aujourd’hui, on parle d’Internet, de médias sociaux, etc. Ces outils contribuent à donner à la liberté d’expression d’autres canaux pour être plus présente dans les habitudes et les actions des hommes. Il n’y a pas de liberté d’expression sans démocratie. Tout comme il n’existe pas de libres penseurs sans une société qui fait la part belle aux différents canaux de communication. On communique pour se faire comprendre. On communique aussi pour lever les équivoques, pour aplanir les difficultés, pour lever les obstacles et les incompréhensions. Le monde contemporain a révélé les journalistes. Ils sont les «chasseurs d’informations». Ils sont aussi les «griots des temps modernes». La presse, par sa multiplicité, sa diversité et son caractère «de quatrième pouvoir», contribue à l’éclosion de la liberté d’expression. Les professionnels des médias sont le bras séculier permettant de porter l’information aux confins du monde. Ils sont les principaux acteurs de l’éclosion de la pensée. A côté de ceuxci, il existe les écrivains, les hommes de lettres et de plumes qui par leur travail, contribuent à forger une société qui sait écouter, qui sait comprendre, qui sait interpréter, qui sait mettre en valeur ce qu’elle a appris. Il n’existe pas et il n’existera pas de liberté d’expression si les esprits ne sont pas libérés. Il faut lever les goulags existentiels des peuples opprimés si l’on veut que ces peuples participent à leur propre émancipation. Jean-Paul Sartre le disait aisément : «La liberté, ce n’est pas de pouvoir ce que l’on veut, mais de vouloir ce que l’on peut». Tout est dans la volonté de faire ce que l’on pense et de le traduire en acte. L’Afrique est le continent par excellence de la parole. C’est sur le continent que la parole a tenu et tient une place de choix dans l’évolution des traditions, dans la pratique des coutumes. Le griot est dans le village celui qui diffuse l’information. Le sage distille ses conseils par le biais de la parole. Sous l’arbre à palabre, la parole est donnée à tout le monde sans exception. Sur le plan administratif, des canaux de communication ont été dégagés pour favoriser l’expression de la pensée. Dans différents pays, cela est une réalité. Le problème, quand il s’agit de formuler des pensées, est de savoir que dire et que ne pas dire pour préserver la «stabilité et la souveraineté des États».