En Afrique, les élections constituent un acquis démocratique incontestable. Toutefois, elles sont l’objet de multiples controverses violentes entre les différents acteurs politiques. Seules quelques rares exceptions ont été constatées ces dernières années sur le continent, au Mali, au Bénin ou encore au Ghana etc.
Le vent qui a provoqué la chute du mur de Berlin n’a pas épargné le continent africain. En effet, la fin des années 80 y a été déterminante, car elle a marqué l’émergence d’un espoir démocratique dans certains pays naguère plus enclins à des coups d’Etats militaires. Aujourd’hui, on note de plus en plus des ouvertures démocratiques notables sur l’ensemble du continent avec l’organisation d’élections dites libres et transparentes. Cependant, dans plusieurs pays, l’expérience électorale n’a pas forcement eu le résultat attendu, dans la mesure où ces élections n’ont pas conduit à la fin de la récurrence de la violence et à l’instauration définitive de la démocratie. En réalité, dans ces pays, c’est l'avènement d'élections multipartites au détriment des rebellions. Très vite, la compétition électorale est devenue populaire et «aveugle». Si les observateurs reconnaissent que les luttes électorales méritent d'être glorifiées, d'autres, par contre, les considèrent comme de simples parodies d’élections. Environ vingt ans après le début de l'ère des élections multipartites en Afrique, des pays tels que le Bénin, le Mali, le Ghana, le Sénégal ont confirmé la possibilité de joutes électorales, démocratiques et transparentes. Au mois de mars 2012 au Bénin, malgré les controverses entre le Président sortant et les responsables de l'opposition, les observateurs ont considéré que le scrutin a été juste. Yayi Boni obtint un second mandat et conserve la majorité démocratique. Tout comme au Ghana, au Mali, à l'île Maurice, au Botswana et en Afrique du Sud, les élections dans ces pays d'Afrique sont devenues des références à suivre sur le continent. La particularité de ces pays est qu’ils possèdent tous des similitudes avec une société civile active, une presse dynamique et libre, une commission électorale indépendante, un paysage politique concurrentiel et un respect des règles de droit. Cependant, si certaines élections consolident la paix et la démocratie, d’autres provoquent des bouleversements violents. C’est le cas au Congo ou encore récemment au Sénégal. Dans la conscience populaire, ces chefs d’Etat, une fois au pouvoir, organisent rarement des élections pour les perdre. Celles-ci sont souvent marquées de manifestations violentes, avant ou après la proclamation des résultats. Aujourd’hui, divers pays d'Afrique ont les mêmes leaders politiques depuis plus de dix ans. En déterminant seuls les contours politiques, ces derniers ont édicté des règles du jeu qui, sacrifient les normes démocratiques faites de concurrence. Ces leaders essaient ainsi de maintenir leur pouvoir sur les piliers socioéconomiques de l'État. Du coup, ils gagnent mal les élections, soit en tripatouillant la constitution, en monopolisant les médias et les ressources de l'État ou encore en fraudant purement et simplement.
Contours des tensions électorales
Les élections en Afrique sont très souvent l’objet de vives tensions, avant et après le scrutin. En Guinée, suite à des décennies de dictature et des agissements de l’ex-chef de la gente militaire, Dadis Camara, la démocratie a triomphé grâce à une élection qui semblait peu évidente. L’irréductible opposant Alpha Condé devient le premier président démocratiquement élu depuis l'indépendance. Au Niger, la présidentielle du 31 janvier 2011 a marqué un tournant décisif dans l’évolution de l’histoire politique du pays. Mahamadou Issoufou du Parti nigérien pour la Démocratie et le Socialisme (Pnds) remporte l’élection avec 57,95 % au 1er tour après une transition militaire suite à un coup d’Etat contre le régime du Président Mamadou Tandjan qui avait modifié la constitution pour se maintenir au pouvoir. La liste des pays ayant vécu des soubresauts politiques et sociaux lors d’élections est loin d’être exhaustive. Dans ces pays, il existe peu de cadres institutionnels viables pour la tenue d'une élection libre et équitable. Etant donné les multiples faiblesses des mécanismes, la bataille obstinée pour la conquête du pouvoir se caractérise par des troubles et des conflits violents. Au Kenya, au Zimbabwe, au Sénégal et en Côte d'Ivoire, les élections ont manifesté une grande tendance à la fragilisation des institutions. Ainsi, certaines élections ont beaucoup contribué à accroître la haine entre les groupes ethniques et ont conduit à des affrontements violents. Au cours des dix dernières années, plusieurs tragiques conflits électoraux, en amont et en aval, ont eu lieu. Si de telles élections ont aidé à promouvoir la démocratie comme au Libéria, en Sierra Leone, en Guinée, elles ont également débouché à une reprise de la guerre en Côte d’Ivoire où les querelles sur les résultats de la présidentielle de novembre 2010 ont provoqué dans le pays des tueries macabres et des violations graves des droits de l'homme. Il est clair, les défis lors d’élections en Afrique, avant et après, ont des tristes relents.
Évolution démocratique positive
Le fait que des élections libres se répandent en Afrique constitue une évolution positive, révèlent plusieurs observateurs. En effet, elles ont permis à de nombreux Africains, qui ont longtemps vécu sous des dictatures tyranniques, de voter et d'élire des dirigeants qui incarnent leurs aspirations. Tel fut le cas le 15 janvier 2011 lors du referendum pour l’indépendance du Sud-Soudan, en Mauritanie, mais aussi dans les pays teintés par le printemps arabe comme en Egypte etc. A ce niveau, des efforts sont régulièrement menés pour améliorer les processus électoraux. En effet, au cours des dernières années, les commissions électorales indépendantes sont devenues la norme en Afrique. L’ONU, l’Union européenne et certaines organisations non gouvernementales incitent à la création de telles commissions. Celles-ci, tout en collaborant avec les associations de la société civile des pays, participent à la formation d’observateurs locaux dans le cadre des inscriptions sur les listes électorales, la surveillance et le décompte des votes. En dépit de l'importance des élections dans la construction de sociétés démocratiques, les analystes avertis considèrent que leur pertinence dépend des progrès effectués au niveau de l'indépendance du système judiciaire, de l'environnement médiatique et politique, ainsi qu'à la capacité de la société civile de participer à la vie publique. En 2011, les révolutions populaires en Tunisie, en Égypte et en Libye ont provoqué la chute d'hommes forts. Toutefois, les acteurs adjudicataires de ces régimes doivent d'abord chercher à créer les conditions essentielles à la démocratie, à savoir désarmer les populations armées, mettre en place un processus électoral adéquat et fiable y compris une administration chevronnée.