Dans le cadre de l’élection présidentielle de 2012, la controverse sur la possibilité ou non pour Me Abdoulaye Wade de briguer un second mandat est vive. En effet, après la sortie de certains constitutionnalistes sénégalais soutenant que le chef de l’État violerait la loi s’il présentait sa candidature, des sommités du droit, nationales et internationales, ont démontré le contraire lors d’un séminaire à Dakar. «Les échanges ont montré un large consensus pour conclure que cette candidature de Me Wade est évidemment recevable», a soutenu Michel de Guillenchmidt, professeur émérite et doyen honoraire de l’Université Paris Descartes, qui présidait les travaux.
Si certains spécialistes du droit constitutionnel au Sénégal comme le professeur Pape Demba Sy, un des rédacteurs de la Constitution de janvier 2001, ou encore le professeur Babacar Gaye, affirment que la Constitution ne permet pas au président Wade de se présenter pour un nouveau mandat en 2012, d’autres ne sont pas du même avis. La polémique enfle ainsi de plus en plus à quelques jours du début de la campagne électorale. Au sein de la mouvance présidentielle, avec, en tête, le premier ministre Me Souleymane Ndéné Ndiaye, on bat en brèche cette thèse. À les croire, cette Constitution rédigée en janvier 2001 donne bel et bien au chef de l’État la possibilité de se représenter à la présidentielle, contrairement aux avis exprimés sur la question par certains spécialistes du droit. «Les constitutionnalistes sérieux ne disent pas que Me Wade ne doit pas se présenter en 2012», soutient le Premier Ministre, directeur de campagne à la présidentielle de Me Abdoulaye Wade, le 26 février prochain. Cette perspective de démontrer à la face du monde la validité de la candidature de leur mentor a conduit les tenants actuels du pouvoir à organiser, en novembre 2011, un séminaire international regroupant des constitutionnalistes venant d’horizons divers pour apporter leur avis sur la question. A l’issue de cette rencontre, «la vérité a jailli». Selon eux, la recevabilité de la candidature de Wade ne fait aucun doute. Cette recevabilité est même évidente, ont déclaré les différents constitutionnalistes présents. Parmi eux, Michel de Guillenchmidt, professeur émérite et doyen honoraire de l’Université Paris Descartes qui présidait les travaux. Selon lui, «les échanges ont montré un large consensus pour conclure que la candidature de Me Abdoulaye Wade à la prochaine élection présidentielle est évidemment recevable». Ce séminaire a vu la présence d’éminents juristes et professeurs, de brillants avocats qui se sont librement prononcés sur une question de droit qui a de forts relents politiques. Il s’agit aussi du Pr Didier Maus de l’Université Paul Cézanne, Aix Marseille, Président émérite de l’Association internationale de droit constitutionnel ; Jean Yves Carra, Directeur exécutif de l’Université Paris Sorbonne Abu-Dhabi et de spécialistes du droit sénégalais dont l’avocat Madické Niang, Ministre des affaires étrangères, Me Amadou Sall, coordonnateur de la commission communication du directoire de campagne du Président Abdoulaye Wade, et ancien ministre de la justice. Devant cette situation, le peuple a laissé le soin au Conseil constitutionnel de trancher la question de la possibilité ou non pour le président sortant de briguer un autre mandat. «Il est clair que la science a donné un avis, c’est-à-dire que le candidat Abdoulaye Wade peut parfaitement se présenter à nouveau le 26 février 2012 et sûrement remporter l’élection dès le 1er tour. Les spécialistes du droit ont démontré aujourd’hui qu’on ne peut en aucun cas contester la candidature d’Abdoulaye Wade. Mais, nous tous, nous devons avoir l’humilité de laisser les juges constitutionnels se prononcer», a affirmé Souleymane Ndéné Ndiaye. En un mot, la candidature du chef de l’État sortant, Me Abdoulaye Wade, à l’élection de février 2012 est recevable, a conclu le séminaire international de Dakar à l’initiative de la mouvance présidentielle. A noter que le Président de la République a été élu en 2000 sous l’emprise de la Constitution de 1963 modifiée, qui fixait la durée d’un mandat à 7 ans, renouvelable une fois. En 2001, une nouvelle constitution fixe cette durée à 5 ans, mandat renouvelable une seule fois. Mais en 2008, après la réélection du Président Wade, une nouvelle révision constitutionnelle fixe encore la durée du mandat à 7 ans. En effet, selon l’article 27 de la Constitution de janvier 2001, «la durée du mandat du président de la République est de cinq ans. Le mandat est renouvelable une fois». En 2008, la constitution a été révisée fixant à nouveau le mandat présidentiel à 7 ans. «La durée du mandat présidentiel est de sept ans. La présente modification ne s’applique pas au mandat du président de la République en exercice au moment de son adoption. Le mandat est renouvelable une seule fois». L’article 104 de la même constitution stipule que «le président de la République en fonction poursuit son mandat jusqu’à son terme. Toutes les autres dispositions de la présente constitution lui sont applicables».
La polémique
Le président Wade, 84 ans, élu en 2000 pour sept ans, réélu en 2007 pour un deuxième mandat de cinq ans après une modification constitutionnelle pour passer au quinquennat, a posé en septembre 2009 sa candidature à la présidentielle de 2012 pour un troisième mandat. La Constitution du Sénégal, adoptée en 2001, limite le nombre de mandats présidentiels à deux, mais le président Wade a été élu pour la première fois en 2000 avec une loi fondamentale datant de 1963 qui ne limitait pas les mandats mais qui a été ensuite modifiée. Pour l'opposition, Abdoulaye Wade va boucler en 2012 ses deux mandats légaux : 2000- 2007 et 2007-2012. Mais, pour le Parti démocratique sénégalais (Pds), le décompte doit se faire à partir de 2007, date d'entrée en vigueur du quinquennat, non en 2000. Un véritable imbroglio.
Me Wade : «personne ne peut déstabiliser le pays»
En vue de l’élection présidentielle, le Président de la République, Me Abdoulaye Wade, a lancé une mise en garde contre d’éventuels troubles politiques dans le pays. «Personne ne peut déstabiliser le Sénégal», a-t-il dit. «Les gens qui pensent qu’ils peuvent déstabiliser le pays n’ont qu’à déchanter. Personne ne peut déstabiliser le Sénégal. Je ne vous dis pas d’arrêter de revendiquer. Mais, il faut le faire selon les règles», a récemment soutenu le président Wade.