Dans le Maghreb, après le vent de démocratie qui a soufflé en Tunisie, en Égypte, en Libye ou encore au Maroc, les attentes des autres peuples s’accentuent de plus en plus. Au Maroc, des élections viennent de se tenir sur la base d’une réforme constitutionnelle portée par le Roi. Pour l'Algérie, un silence semble couvrir le traumatisme des années sanglantes de la décennie 90. Pour discuter des enjeux sur ce pays, une conférence publique sur le thème «Algérie : quel horizon démocratique ?» a été organisée le mercredi 14 décembre dernier au Parlement européen à Bruxelles en présence de l’eurodéputée des Verts, la Kabyle Malika Benarab-Attou.
Les mutations considérables de ces dernières années ont préfiguré de profonds bouleversements géostratégiques. En effet, avec la crise mondiale actuelle suivie par les transitions consécutives dans les pays voisins, l’Algérie semble, selon plusieurs observateurs de la scène politique maghrébine, condamnée à s’adapter aux nouveaux défis du monde, surtout en matière de démocratie. De plus en plus, la grogne sociale s’accroit à cause d’une soif accrue de démocratie et de justice sociale. Dans cette rive sud de la Méditerranée, les mouvements populaires de contestation ont fait souffler les peuples en Tunisie, en Égypte et dernièrement en Libye, trois grands pays de référence dans la région où des dictateurs ont régné de main de maitre, sans partage, mais qui ont fini déchus ou en exil comme l’ex-président tunisien Zine el-Abidine Ben Ali. C’est pourquoi, les attentes des autres peuples sont devenues aujourd’hui très fortes. Au Maroc, des élections viennent de se tenir sur la base d'une réforme constitutionnelle initiée par le Roi Mohammed VI en personne en vue de contenir l’amorce d’une révolution. Pour l'Algérie, c’est l’omertà totale malgré des années de guerres civiles sanglantes au début des années 90. La question que se posent des millions d’Algériens est de savoir si une transition démocratique réelle est envisageable un jour, bien que les élections législatives soient prévues pour 2012. Quelles perspectives de démocratie pour ce pays ? Beaucoup d'interrogations qui ont fait l'objet de cet important débat lors de la rencontre du 14 décembre dernier sous la présidence de Malika Benarab- Attou, eurodéputée, groupe des Verts/ALE. La rencontre a été marquée par une projection du documentaire intitulé «Quelle Algérie pour demain ? Visages, paroles de l'Algérie d'aujourd‘ hui» réalisé par Marie Shand. En réalité, selon la vision de certains intervenants, l’objectif politique stratégique, pour l’Algérie, serait de réaliser une mutation systémique pacifique dans la mouvance de la réponse aux aspirations légitimes du mouvement du printemps.
Tenir compte des aspects culturels
En réalité, les acquis de démocratisation pour le pays doivent tenir compte des aspects socioculturels, un facteur catalyseur pour l’intégration économique au sein de l’Afrique du Nord en général. Lors de cette conférence, plusieurs débats ont été soulevés, en particulier sur la démocratie. Comme elle ne s’obtient pas d’un coup de baguette magique, le Président de la République démocratique et populaire d’Algérie, Abdelaziz Bouteflika, devrait réfléchir à des changements profonds à opérer dans l’actuelle démocratie en vigueur dans le pays pour gérer les frustrations de son peuple, frustrations nées du mouvement général du printemps arabe. En ce qui concerne le respect des libertés fondamentales et de l’État de droit, il faudra passer, sans nul doute par la vérité et la justice, tout en participant à la lutte contre l’impunité morale et politique aussi bien des tenants du régime politique en place que des membres des groupes terroristes islamistes. Et ce, d’autant plus que la spécificité de l’histoire algérienne fait qu’il existe des liens étroits entre le conflit des années 90, d’une part, et la forme du système politique actuel et le fonctionnement de la société d’aujourd’hui, d’autre part. Dans cette perspective, il urgerait, selon les spécialistes, d’orienter la réflexion sur ces questions en vue de tracer les voies d’une alternative fondée sur ces principes et portée par l’ensemble des forces vives de la société. Une question centrale dans la lutte contre l’inertie du pouvoir actuel alors qu’il s’agit de mettre sur pied un État de droit fort et une démocratie dans un pays de près de 35 millions d’habitants. Au mois de mars dernier, influencées par les soulèvements des voisins arabes, les populations avaient entamé une série de manifestations dans les rues d’Alger et dans certaines localités du pays pour réclamer des changements. Cela s’est soldé par plus de peur que de mal pour le régime de Bouteflika qui devra néanmoins répondre aux aspirations des Algériens en engageant de profondes réformes. Déjà, le 23 février 2011, le pouvoir a levé l’état d’urgence instauré il y a dix-neuf (19 ans) après le début de la guerre civile et politique. Mais fondamentalement, selon divers analystes rencontrés lors de cette conférence, des changements politiques pointus s’imposent en Algérie, dans la paix et en instituant un dialogue serein entre le pouvoir, l’opposition, la société civile et le peuple.