Nous sommes le 21 janvier 1961 et le monde ne se doute pas qu’un esprit de génie allait «adombrer» une enveloppe charnelle. Oui, Elvis Pompilio est né le 21 janvier 1961 à Liège, en Belgique. Aujourd’hui, il est un génie du mariage des couleurs, de l’harmonie, des proportions, de l’art, de l’art-mode…
Le Nouvel Afrique (LNA) : Artisan-Modiste, vous êtes installé dans le quartier le plus chic de Bruxelles (le Sablon). On vous connaît de par le monde car vous « coiffez » les plus grandes stars. Qui êtes-vous ? Racontez-nous votre formidable parcours ?
Elvis Pompilio (EP) : Je suis un passionné, j’adore la mode et le contact avec beaucoup de gens, pas seulement les personnalités. J’ai eu une longue carrière avec grand succès aux quatre coins du monde. Maintenant, je vis une nouvelle histoire plus intime à l’inverse de beaucoup de marques en ce moment. Un retour aux sources. J’ai choisi de m’installer au Sablon car l’emplacement est une adresse idéale avec un public varié qui s’intéresse à l’art et à la mode, ce qui me caractérise.
LNA : Comment avez-vous découvert cette passion pour le chapeau ?
EP : Tout petit, à l’âge de 8 ans, je portais déjà des chapeaux. Quand ma mère me tricotait un pull, je lui demandais de faire aussi le bonnet assorti. La mode m’a toujours fasciné, mais à mes yeux, à l’époque de mes débuts, il manquait aux silhouettes le chapeau qui faisait toute la différence… La décision d’en faire était devenue pour moi nécessité absolue. L’étape suivante a été d’en faire pour des amies et très rapidement pour des Maisons de Couture, avant de m’installer dans un show room et de recevoir sur rendez vous dans le centre ville près de la Grand Place de Bruxelles.
LNA : A quel âge vous êtes-vous lancé dans le grand bain du village global de la mode ?
EP : Cela fait 25 ans que je suis installé à Bruxelles. C’était une libération et indispensable pour moi de m’exprimer dans la mode en tant que modiste.
LNA : Et votre venue à Bruxelles, à quand date-telle et quel a été l’accueil des Bruxellois ?
EP : Comme je viens de vous le dire il y a 25 ans que je suis à Bruxelles où l’accueil a été inattendu et incroyable. à Liège, j’étais trop avancé pour l’époque. Quand je suis arrivé à Bruxelles, étant déjà connu, je faisais partie de l’élite, d’où ce mouvement de sympathie.
LNA : Il vous fallait être visionnaire pour créer des chapeaux à une époque où personne n’en portait. Pourquoi un tel risque ?
EP : Pour moi, cela était évident et il n’y avait aucun risque dans ma démarche d’entrepreneur. J’avais une énergie et une volonté à toute épreuve. Il manquait toujours ce détail qui faisait la différence à une silhouette et je voulais la compléter.
LNA : A quel moment vous êtes-vous lancé sur le marché international ?
EP : L’international. Ce n’était pas une volonté personnelle de quitter la Belgique et de faire des salons internationaux. Certaines personnes sont venues me chercher pour m’offrir des stands dans les plus prestigieux salons à Paris tels celui de Première Classe. De là, directement, les plus belles boutiques du monde m’ont passé des commandes.
LNA : Vous avez une perception bien à vous de la perfection, comme celle de la ligne droite. Vous êtes un anticonformiste. Pouvez-vous nous expliquer cette vision atypique ?
EP : Pour moi la perfection n’existe pas vraiment sauf dans la nature. C’est mon moteur et elle me pousse à aller plus loin. Je ne sais pas toujours dans quelle direction je vais aller ; par contre, je sais très bien ce que je ne veux pas. Je déteste la banalité donc le conformisme.
LNA : Vous avez réalisé, à vos débuts, une prouesse technique que personne avant vous n’avait tentée : « LA CASQUETTE SANS COUTURE », qui est devenue une référence mondiale. Comment avez-vous fait ?
EP : C’était une idée que j’avais en tête depuis toujours. En essayant de l’expliquer à plusieurs reprises à des professionnels, ceux-ci voulaient me décourager en me disant que ce n’était pas possible. En parfait têtu, j’ai fabriqué une forme en bois avec l’aide de mon père. En lançant dans le métier cette nouveauté, qui était une révolution, les 6 D’Anvers et les plus grands professionnels dans la mode m’ont remarqué.
LNA : Quelles sont les étapes de la fabrication d’un chapeau ?
EP : Tout part de la forme de départ, c’est-à-dire la forme en bois. Cette forme est la chose la plus importante. Après cela toutes les matières et toutes les déclinaisons sont possibles, que ce soit en matière de feutre, paille ou autres textiles. Il est indispensable de faire sa propre forme en bois pour arriver à un nouveau résultat et ne pas refaire du déjà vu.
LNA : Leonardo da Vinci nous a donné « le nombre d’Or ». Utilisez-vous cette technique pour fabriquer des chapeaux qui prennent forme sur toutes les têtes de femme, homme et enfant ?
EP : Mon travail est plus instinctif que cela. Je ne me base sur aucune règle et ne m’impose aucune limite.
LNA : Certaines de vos techniques sont-elles protégées ?
EP : Je ne peux pas tout déposer mais ce qui me semble le plus important et innovant, que cela soit dans la technique ou dans la créativité, je dépose !
LNA : Quelles sont les matières nobles que vous préférez travailler et où allez-vous les chercher ?
EP : Ce que je préfère est le feutre de cachemire qui est en général fabriqué soit au Portugal soit dans les pays de l’Est.
LNA : Faites-vous appel à d’autres corps de métiers pour la réalisation technique de vos chapeaux ?
EP : Actuellement je m’occupe de tout de A à Z et ne fais appel à aucun corps de métier pour ma réalisation technique ou quelle que soit la réalisation. C’est -à- dire, de la forme en passant par le conseil aux clients(e) et à la vente. Ainsi que le packaging, la décoration des vitrines, de tout.
LNA : Quels sont vos classiques et de combien de modèles se composent-ils ?
EP : Les classiques il y en a plusieurs. Une dizaine qui sont à chaque saison réinterprétés comme LA CASQUETTE, LE DIABOLO, c’est- à- dire un chapeau transformable et qui peut prendre mille formes différentes. C’est d’ailleurs celui que porte Amélie Nothomb. Et aussi LE MINI-PULL EN CACHEMIRE que l’on met sur la tête de plusieurs façons.
LNA : Une collection comprend combien de modèles, quel est le temps de sa réalisation et comment choisissez-vous vos thèmes ?
EP : Une collection comprend au moins 300 modèles différents et se construit en 6 mois. Les thèmes changent à chaque saison et je les choisis toujours en fonction de mes propres envies. Je ne me base jamais sur des tendances données.
LNA : Nous savons, que vous n’êtes pas un « modiste » classique et que vous avez des techniques bien à vous. Formez-vous vos collaborateurs (trices) à vos secrets ?
EP : A présent je travaille seul mais j’ai souvent des stagiaires qui viennent de différentes écoles. Je donne mes secrets car j’en réinvente à chaque fois.
LNA : Aujourd’hui, vous produisez moins qu’avant. Est-ce un choix délibéré, privilégiant la qualité et non la quantité ?
EP : Tout réside dans la question (rire). Je suis un peu dérangé par la surconsommation et préfère qu’un client vienne une fois par an s’offrir une belle pièce que de privilégier la quantité à un prix inférieur.
LNA : Chaque pièce est-elle unique, ou créezvous des modèles plus traditionnels et plus abordables ?
EP : Chaque pièce est unique, par rapport à la qualité et au travail, et au fait que mes chapeaux sont indémodables. Le premier prix d’investissement chez moi est de 200 € : je le trouve à sa juste valeur.
LNA : Vous avez aussi créé des accessoires tels des lunettes, chaussures, parapluies et sacs. Qu’en est-il aujourd’hui ?
EP : Aujourd’hui je ne fais plus que des chapeaux et bijoux de tête car je veux tout contrôler et tout faire. Donc pour l’instant plus de lunettes, parapluies et chaussures. Quelques sacs qui sont assortis aux chapeaux et dans des matières identiques.
LNA : Pour un génie créateur, la relation professionnelle est-elle facile avec les « rationnels » industriels et comment appréhendez-vous la loi du marché ?
EP : Je n’ai jamais fonctionné d’une manière classique. J’ai toujours été un peu à contre-courant et pour moi la qualité et le service font partie du luxe et l’industrie est rarement comparable avec ma démarche.
LNA : Vos plus grands fans sont les Japonais. Quels sont les autres pays où se vend Elvis Pompilio ?
EP : Les Etats-Unis, tous les pays d’Europe et en particulier L’Italie.
LNA : Vous « coiffez » aussi des personnalités du show-biz et d’autres secteurs économiques. Pouvons-nous avoir des noms ?
EP: Il y a Yannick Noah, PJ Harvay, Madonna, Sharon Stone, Joan Collins, Amélie Nothomb, Rosy de Palma, Axelle Red, Mickey Rourke, Blondie, Francis Huster, Cristiana Réali, Valérie Lemercier, Khadja Nin, Harrisson Ford, Elsa Zylberstein, Romane Boringer, Arielle Dombasle entre autres…
LNA : Vous collaborez avec les plus grandes Maisons de Couture. En quelles circonstances ? Et quelles sont-elles ?
EP : Je ne travaille qu’avec les Maisons de Couture et les Créateurs dont j’apprécie le travail. Il m’arrive aussi d’en refuser. Celles avec lesquelles j’ai collaboré dans le passé sont Thierry Mugler, Chanel, Louis Féraud, Olivier Strelli entre autres… A présent je collabore avec des créateurs peutêtre moins connus par le grand public comme Ann Demeulemeester, Véronique Branquino, Véronique Leroy, Katherine Pradeau, Dirk Bikkemberg entre autres…
LNA : Créez-vous pour des marques qui ne viennent pas de la mode, tel le design ?
EP : Je collabore avec des entreprises comme Coca Cola, Schweppes, Fiat, et des gammes de peintures pour les murs. Je viens de créer une baignoire pour Aquamass. Je ne me prive de rien à partir du moment où la proposition est créative.
LNA : Un scoop pour Le nouvel Afrique ?
EP : (Grand éclat de rire)… Ok. Je suis en pourparlers pour la création d’un hôtel ou le concept des chambres, celui des stores et les animations seront mes conceptions. Et s’il y a concrétisation, ce sera en Belgique.
BOUTIQUE ATELIER ELVIS POMPILIO
67 rue Lebeau ( Grand Sablon )
1000 Bruxelles – Belgique
Tel : + 32 (0) 2 512 85 88
Site :
E-mail : elvispompilio@skynet.be