La Côte d’Ivoire semblait amorcer un virage dangereux depuis quelques mois avec la dissolution du gouvernement et de la Commission électorale indépendante (CEI) par le Président Laurent Gbagbo. Grâce au tact du facilitateur dans la crise ivoirienne, le Président Blaise Compaoré du Burkina Faso, le processus est remis sur les rails avec à la clé l’organisation de l’élection présidentielle le 31 octobre dernier.
Le mois de février de cette année a été particulièrement mouvementé en Côte d’Ivoire. La paix tant espérée semblait se volatiliser au gré des humeurs, consécutives à la dissolution du gouvernement et de la Commission électorale indépendante (CEI) par le Président de la République Laurent Koudou Gbagbo le 12 février 2010. A l’origine, une affaire de suspicion de fraude sur la liste électorale. Selon le camp présidentiel, la Commission électorale indépendante (CEI) pilotée par Robert Beugré Mambé aurait inscrit frauduleusement plus de 429 000 électeurs sur la liste électorale. Le camp présidentiel réclame alors la tête du Président de la CEI. L’opposition radicale, le Rassemblement des Houphouétistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP) se braquent. « Pas question que Mambé démissionne » clame –t-il. La machine se grippe. Des magistrats, sous l’instigation du Ministre de l’administration territoriale, Désiré Tagro jette «de l’huile sur le feu. » Dans certaines villes de la Côte d’Ivoire, ils suppriment des inscrits sur les listes électorales prétextant leur nationalité « douteuse ». Des émeutes éclatent avec, à la clé, des dégâts. Le Premier ministre Guillaume Soro, de concert avec le Président Laurent Gbagbo, décident : « Le contentieux judiciaire en cours devant les tribunaux de première instance est suspendu jusqu’à nouvel ordre sur l'ensemble du territoire national à compter de ce jour mercredi 10 février 2010. » Le facilitateur, le président du Burkina Faso, Blaise Compaoré, convoque illico presto les protagonistes à Ouagadougou. L’urgence impose de rectifier le tir, là où des élections étaient prévues pour se tenir fin février, début mars. Finalement, c’est le 31 octobre 2010 que les ivoiriens se sont rendus aux urnes pour choisir celui qui gouvernera le pays pour les 5 ans à venir..
Trois poids lourds
Trois poids lourds se distinguent au cours de cette élection présidentielle. Il s’agit du Président sortant Laurent Gbagbo de la Mouvance présidentielle, d’Alassane Dramane Ouattara du Rassemblement des Républicains (RDR) et de Henri Konan Bédié du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) .Au vu de l’évolution actuelle des choses, le processus de sortie de crise est de nouveau relancé au bord de la lagune Ebrié. La formation du gouvernement et de la CEI, en respectant les accords de Linas Marcoussis (voir encadré) en mars dernier, a permis à chaque partie prenante de jouer son rôle dans le processus de sortie de crise. La situation présente en Côte d’Ivoire est d’autant plus délicate que l’intérêt supérieur de la nation doit primer sur les intérêts égoïstes et partisans. Que ce soit dans le camp présidentiel tout comme dans celui de l’opposition, les intrigues et les crocs en jambes ne permettent pas d’avancer dans la sortie définitive de la crise. Cette situation est d’office une patate chaude aux mains du facilitateur, Blaise Compaoré. A l’analyse de la situation, la Côte d’Ivoire vient de tourner une page de son histoire avec l’organisation de cette présidentielle. Reste à poursuivre l’oeuvre de l’unification de la nation afin qu’elle retrouve sa place d’antant dans le concert des nations. Le pays à trop souffert de cette crise enclenchée un 19 septembre 2002. Il faut sortir de cette situation de « ni paix ni guerre » depuis la rébellion armée de 2002. L’urgence s’impose pour sauver l’éléphant d’Afrique (l’emblème de la Côte d’Ivoire est un éléphant).
Résoudre la question cruciale une bonne fois pour toutes
Ayant acquis son indépendance en 1960, le pays de l’hospitalité, comme le chante son hymne national, a perdu de sa superbe à la mort de son premier président Felix Houphouët Boigny. Henry Konan Bédié le remplace sur fond de tensions. Pour en rajouter, l’ivoirité fait surface. On ne sait plus qui est ivoirien et qui ne l’est pas. Le pays s’emballe jusqu’au coup d’Etat du général Robert Gueï. A son tour, il sera trucidé lors des émeutes de 2002, consécutives à l’élection présidentielle chaotique, remportée par le Président Laurent Gbagbo. Depuis, plus rien n’a été comme avant en Côte d’Ivoire. De complots en tentatives de coup d’Etats, en passant par des règlements de compte, le pays s’est saigné et a fait saigné ses fils. Pourquoi ? Le problème réel de la côte d’Ivoire est le problème identitaire. Félix Houphouët Boigny avait su concilier les nordistes et les sudistes en permettant à chacun d’avoir une place à la table du seigneur. A son décès, l’ivoirité montée de toutes pièces et théorisée en idéologie est venue gâcher la fête. Aujourd’hui, la question identitaire a pourri la vie de la nation ivoirienne. Pour venir à bout des crises qui secouent ce pays, jadis eldorado de l’Afrique de l’Ouest, il faut résoudre définitivement la question de l’ivoirité. Les textes existent en la matière, il suffit de les appliquer avec hargne et courage. Sans cela, il sera difficile de placer un plâtre sur une plaie ouverte.