Star de la télévision et de la bande Fm en Flandre, la chanteuse Karoline Kamosi alias Leki est devenue aujourd’hui une valeur sûre de la musique en Belgique et dans le monde. Malgré son succès notable sur la scène musicale, elle reste attachée à ses origines africaines. Née au Congo, la jeune chanteuse qui a grandi à Anvers en Belgique, vient de s’engager pour la construction d’un hôpital au Congo, précisément à Malambu Nzadi, village natal de son père, à 300 km de la capitale Kinshasa, afin d’aider les populations à accéder aux soins de santé de qualité. Et vu les nombreux défis à relever sur le continent, sur le plan social et économique, la chanteuse ne compte pas s’arrêter là. Après la santé, elle se lancera dans l’éducation et le financement de microprojets.
Le nouvel Afrique (LNA) : Présentez vous aux lecteurs du magazine Le nouvel Afrique et au monde ?
Leki : Je suis Karoline Kamosi alias« LEKI », de mère belge et de père congolais. J’ai des frères et des soeurs, une famille de cinq enfants. Je suis la plus jeune, la « Leki » qui veut dire en lingala benjamine d’où mon surnom d’artiste. Je fais de la musique grâce à ma soeur ainée, qui a fait ses premiers pas dans la musique. Elle m’a présentée à son producteur. Malgré que je savais que la musique était une passion, j’ai fait des études de droit. Je suis juriste. J’ai travaillé un an et demi dans un bureau d’accueil pour les refugiés politiques. Mais, ce que j’ai surtout fait, c’est la musique. C’est à l’âge de 16 ans que j’ai décroché mon premier contrat avec une maison de disque avant de poursuivre des études. J’ai travaillé à la télévision en Flandre, d’abord comme présentatrice dans l’émission de R&B / Hip Hop hebdomadaire ‘Cool Sweat’ sur TMF qui a été rachetée par MTV, connue surtout par les plus jeunes. Ensuite, je suis partie travailler sur JIM TV, une chaine de musique qui fait partie du grand groupe VMMA, qui compte entre autres 2Be et VTM comme chaines. Maintenant, je travaille sur la grande chaine VTM. J’ai fait aussi de la radio sur Studio Brussel avec l'émission ‘Juice’ avant de passer ensuite sur MnM. Donc, ces dix dernières années, j’ai surtout évolué dans le milieu du show biz.
LNA : Qu’est ce qui fait votre succès dans la musique ,voire dans le show business ?
Leki : C’est une question que je me pose aussi. En tout cas, j’ai beaucoup de passion pour ce que je fais. Même quand j’étudiais, on me disait, qu’il fallait travailler sérieusement pour avoir le diplôme. C’est ce que j’ai fait, j’ai bien étudié et j’ai eu mon diplôme. Toutefois, ma passion c’est de toucher les gens à travers la musique. Je pense que mon succès est dû à la passion que j’ai pour ce que je fais. J’ai aussi une équipe de qualité derrière moi pour faire la promotion, le marketing et qui s’investit financièrement. J’ai eu de la chance de rencontrer des bonnes personnes.
LNA : Votre appartenance aux cultures, européenne et africaine, vous a-t-elle propulsé ou a-t-elle été un facteur bloquant ?
Leki : C’était les deux. Mais, le fait surtout d’être une fille peut adoucir les gens. D’un autre côté, le show-biz reste un milieu composé d’hommes pour la plupart. Comme femme, on est prise moins au sérieux. Cependant, une chose que mon père m’a apprise, c’est d’être soi-même, de rester soi-même et de croire en soi-même. De ma couleur de peau, j’essaie d’être la meilleure personne que je puisse être, d’être connectée avec tout le monde. J’ai habité en Afrique jusqu’à mes 6 ans et là, je me préoccupais de ma couleur. Ce n’était pas évident. Mais, je ne dirai jamais que la couleur de peau ou le fait d’être une femme ont été des blocages dans ma carrière. C’est au contraire une richesse d’être un enfant de deux mondes: le nord et le sud, le Congo et la Belgique.
LNA : Qu’est ce qui fait votre attachement à l’Afrique ?
Leki : J’ai vécu au Congo jusqu’à mes 3 ans après on est allé au Kenya jusqu’à mes 6 ans. Et ensuite, on est revenu en Belgique. J’aime être ici. Je réalise aujourd’hui la chance que j’ai eue et l’opportunité d’avoir grandi et étudié en Europe. Quand je vais en Afrique, mon coeur bat fort. Je ne peux pas le décrire. L’Afrique est primordiale pour moi. C’est pourquoi, il y’a cette grande connexion qui me lie à ce continent. Cela m’a manqué parce que depuis mes 18 jusqu’ à mes 30 ans, je n’étais plus retournée. En 2008, j’ai eu l’opportunité, avec une équipe de la télévision belge, d’y aller et ça m’a fait du bien. J’ai trouvé un projet d’hôpital que mon père, il y a quelques années, avait voulu construire. Je me suis dit que je peux réussir à trouver les fonds nécessaires pour le mener à bien. Finalement, j’ai jeté, par-dessus, tous les préjugés pour m’engager. Et cette année, je suis retournée et je ne m’imagine plus une année sans aller au Congo. Mon prochain voyage, c’est au mois de février. Donc, j’ai cette connexion, c’est une partie de moi que je ne peux plus nier. Il est temps que les africains se réveillent et ne perdent pas cette fierté parce qu’il y a des choses à faire en Afrique et on doit s’inspirer les uns et les autres. C’est pourquoi, je félicite le magazine Le nouvel Afrique qui oeuvre dans ce sens.
LNA : Parlez-nous de l’objet de ce projet ?
Leki : Mon Papa, un ancien député, avait commencé à construire cet hôpital qui se trouve dans la province de Bandundu à 300 km de la capitale Kinshasa dans le village de Malambu Nzadi. En fait, il n’a pas pu finir le projet. Le bâtiment était inachevé avec ses fondations et ses trois des quatre murs intérieurs. Et pendant 14 ans, rien n’a été fait alors qu’au Congo, les gens ont énormément besoin de cette structure sanitaire. Et quand j’ai vu le noble projet, je me suis lancée parce qu’il faut l’accès et l’amélioration de la santé pour tous. A long terme, je m’engagerai pour l’éducation par la construction d’écoles et pour la lutte contre la pauvreté à travers l’octroi de microcrédits. Je veux que les choses bougent de façon positive. Il ya beaucoup de choses à faire, c’est pourquoi, j’ai crée une Asbl appelée Nanda qui signifie Joie. En réalité, en dépit du fait que les populations souffrent, elles ont quand même beaucoup d’amour à partager, une grande joie de vivre. Cela m’inspire et me rend humble. Donc, l’hôpital constitue un besoin réel pour les populations de Bandundu même si à 70 km, il y a un hôpital construit en 1947 et depuis lors rien n’a plus changé. En le visitant, j’ai pleuré. Les conditions au sein de cet hôpital : les températures, les fourmis, les moisissures m’ont considérablement affectée. Je me suis dit que le Congo, un des pays les plus riches d’Afrique qui a tellement de choses à offrir, ne mérite pas cela. C’est pourquoi, je tiens à la réalisation de ce projet et après je donnerai un lift à l’hôpital de Bandundu. Malheureusement, je ne peux pas tout faire, toute seule. J’espère ainsi inspirer et réveiller d’autres congolais et africains en général.
LNA : Disposez-vous suffisamment de moyens pour la réalisation de ce projet ?
Leki : Il faut beaucoup d’argent pour ce projet. Que non, je n’ai pas l’argent nécessaire. Néanmoins, je dispose d’un petit montant que j’ai déjà investi. On continuera, petit à petit, à réaliser le projet pour ne pas frustrer les populations. Cette année, j’ai fait des concerts au cours desquels je parlais du projet. Pour trouver des fonds, j’ai enregistré un single « Peculiar Places » et d’autres actions verront également le jour. Avec ces revenus, on va pouvoir terminer le quatrième mur et faire une nouvelle fondation pour agrandir le bâtiment avant la fin de l’année. Au mois de février, j’espère pouvoir faire le toit et ériger le reste des murs.
LNA : Quels sont vos partenaires dans la mise en oeuvre de cet hôpital ?
Leki : Je suis à la recherche de partenaires. Il y a eu beaucoup de gens qui ont réagi positivement pour le moment. Mais, il leur reste à concrétiser toutes leurs nobles intentions. En Belgique, la faculté de médecine d’Anvers est intéressée pour m’aider à la fin de la construction dans l’équipement en matériels; en échange l’accueil au Congo de médecins stagiaires de la faculté. Sur place, il y a de bonnes volontés politiques qui m’ont accompagnée. Mais ce qui a été déterminant, c’est l’approbation du projet par les populations de Malambu Nzadi qui vont, elles-mêmes, participé à hauteur de 25 % en main d’oeuvre. De cette façon, les hommes et les femmes vont s’investir physiquement pour la construction et l’entretien. En fait, les politiciens et les chefs de groupements sont impliqués. Et c’est très important qu’ils sachent que c’est un effort commun. Je ferai le projet avec eux.
LNA : Quel message pour la diaspora africaine ?
Leki : On doit se réveiller et s’inspirer mutuellement. Il est temps qu’on se réveille, qu’on écoute notre coeur, qu’on utilise notre cerveau et penser à long terme. Prenons notre responsabilité. La colère et la frustration ne nous mènent nulle part.