Pierre Kompany (62), le père du footballeur Vincent Kompany, a effectué voici quelques semaines un voyage à Kinshasa (RDC), pour découvrir le nouveau village d’enfants que SOS Villages d’Enfants y construit. C’était la première fois en 35 ans qu’il retournait dans son pays d’origine. Il a surtout été frappé par la croissance démographique effrénée de la population et la problématique urbaine que celle-ci entraîne. Cela ne l’a pas empêché de ramener un message d’espoir.
En juin 2007, le fils de Pierre, Vincent Kompany, footballeur professionnel et ambassadeur de SOS Villages d’Enfants, visitait pour la première fois le Congo, le pays d’origine de son père. Quelques années plus tard, la star de foot a insisté pour que son père l’accompagne au pays. Ensemble, ils se sont envolés quatre jours pour la capitale congolaise où ils ont visité sous une chaleur torride les quartiers les plus défavorisés, pour évaluer l’aide que Vincent peut y apporter. Du matin au soir, ils ont visité des projets et ont rencontré les enfants de Kinshasa.
SOS Villages d’Enfants
Dans le Village d’Enfants SOS de Kinshasa, dans les prochains mois, 150 orphelins pourront grandir dans la sérénité et avec davantage de nouvelles opportunités pour se construire un avenir. C’est fantastique, mais il ne s’agit que de 150 enfants. Dans une ville telle que Kinshasa, c’est une goutte d’eau dans l’océan. Raison pour laquelle SOS Villages d’Enfants met également de l’énergie dans ce que l’on appelle les PRF (Programme de Renforcement des Familles). Les orphelins et les enfants restent, autant que possible, dans leur communauté où ils sont soutenus. SOS Villages d’Enfants prend en charge les coûts liés à la scolarité. De cette façon, SOS Villages d’Enfants touche 150 autres enfants.
Le Nouvel Afrique a eu un entretien avec Pierre Kompany pour partager son vécu au Congo, à quelques semaines de la fête de l’Indépendance.
Le Nouvel Afrique: Comment se fait-il qu’en 35 ans vous ne soyez jamais retourné au pays?
Pierre Kompany: J’étais hanté par des souvenirs pénibles liés à une période particulière de l’histoire du Congo, dont je ne parvenais pas à me défaire. La situation politique était tellement révoltante à l’époque que j’ai décidé de quitter le pays pour demander l’asile politique en Belgique. J’ai dû attendre sept ans avant de voir ma demande d’asile finalement acceptée. Ce ne fut pas une période facile, car je ne pouvais pas rentrer au Congo pour des raisons de sécurité et je n’étais pas non plus autorisé à travailler en Belgique. De plus, l’État belge n’épargnait pas les demandeurs d’asile congolais à l’époque et je ne voulais pas risquer une expulsion. C’est pourquoi ce voyage n’a jamais eu lieu. Entre-temps, mes trois enfants sont nés et le coût de cinq billets d’avion représentait un sérieux frein pour entreprendre un tel voyage. Par la suite, mes enfants ont entamé tous les trois des activités sportives de haut niveau et je les emmenais partout. Encore une fois, je ne me voyais pas retourner au Congo. Et puis, quand j’ai débuté dans la politique, il y avait à chaque fois des élections, ce qui m’a aussi empêché de partir.
LNA: Cet éloignement d’avec votre pays d’origine n’était-il pas trop douloureux?
PK: Cela ne m’a pas tellement dérangé dans la mesure où j’étais libre de voyager en Europe et aux Etats-Unis même si, avouons-le, ce sentiment de nostalgie m’ait parfois envahi. J’ai toutefois eu la chance que ma famille s’aventure régulièrement jusqu’ici, ce qui compensait le manque. Peu de temps avant notre mariage, ma femme s’est rendue au Congo pour rencontrer ma famille. Je voulais qu’elle le fasse avant de l’épouser pour la protéger de problèmes éventuels, car j’ignorais le sort qu’ils me réservaient là-bas. J’étais, après tout, un réfugié politique. Ma femme a visité la ville qui lui a beaucoup plu et elle y est restée un mois. Cette expérience m’a permis de maintenir malgré tout un lien avec mon pays.
LNA: Que s’est-il exactement passé à l’époque? Pour quelle raison avez-vous fui?
PK: En 1969, la révolte contre le régime de Mobutu grondait parmi les étudiants de l’université Lovanium de Kinshasa. Les étudiants congolais étaient déjà entrés en dissidence bien avant que les événements de mai ’68 ne fassent parler d’eux partout en Europe. Certains camarades y ont laissé leur vie et les familles n’ont pas toujours été autorisées à récupérer leurs corps. Deux ans plus tard, alors que des échauffourées éclataient encore régulièrement, je me suis rendu à Lubumbashi avec la ferme intention d’y poursuivre mes études. La solidarité entre étudiants était alors très forte. J’ai signé une pétition, ce que le régime ne m’a pas pardonné. Mobutu a décidé de fermer les universités et de punir les étudiants en les embrigadant de force dans l’armée. 206 étudiants ont été transférés sans pitié à Kinshasa, puis à Kitona, où l’armée était basée. J’ai été retenu dans cette base pendant treize mois et quinze jours, sans aucun contact avec le monde extérieur. Une telle expérience vous marque à jamais.
LNA: Avant cela, vous étiez, paraît-il, un footballeur de bon niveau au Congo.
PK: Oui, auparavant, je jouais en première division de football à Lubumbashi, dans le Tout Puissant Mazembe de Lubumbashi. TP Mazembe était une des très grandes équipes. Bokani, l’ancien footballeur, faisait également partie de cette équipe. TP Mazembe a même été Champion d’Afrique à plusieurs reprises. Mais j’ai arrêté de jouer pour poursuivre mes études. Je trouvais que je n’avais aucun avenir dans le foot tant que la politique côtoyait ma vie. Il ne faut pas oublier que la gestion du football ne se faisait pas de la même façon que maintenant.
LNA: Le monde du football a évolué, mais le Congo et Kinshasa ne ressemblent plus non plus au pays et à la ville que vous avez quittés.
PK: J’ai été extrêmement surpris par l’explosion démographique de la ville. Lorsque j’étais étudiant, Kinshasa comptait moins d’un million d’habitants, et ils sont plus de dix millions aujourd’hui. J’ai été confronté à une ville totalement métamorphosée, une ville inconnue, dans laquelle circule une foule frénétique. Cela ressemblait à ce que j’avais eu l’occasion de voir en Chine. Sans parler du nombre impressionnant de voitures! Je sais maintenant où sont expédiés tous ces véhicules dont on fait le trafic à Anderlecht. C’était vraiment très difficile pour moi de me sentir à l’aise dans cette réalité, mais encore plus de comprendre ce changement.
LNA: La visite des écoles sur place vous a-telle aussi profondément ému?
PK: Ma visite aux écoles m’a redonné confiance en l’avenir. C’était réconfortant de voir des enseignants motivés travailler avec les enfants. On sentait qu’ils étaient vraiment concernés par les enfants et désireux de parvenir à quelque chose avec eux. Je me suis assigné à moi-même le rôle de moniteur. J’ai commencé à poser des questions aux enfants pour voir s’ils apprenaient vraiment quelque chose en plus, et ils connaissaient effectivement les réponses. J’ai aussi été très agréablement surpris par les écoles de devoir, que les enfants fréquentent durant la journée également. En tant que membre du Conseil d’Administration de l’Enseignement de la Région de Bruxelles-Capitale, j’étais partie concernée également. Leur approche m’a enthousiasmé. J’avais emporté quelques manuels de cours avec moi et je leur ai aussi donné de l’argent pour qu’ils puissent se procurer d’autres livres. Nous avons organisé une journée d’étude et échangé des idées.
LNA: La situation de l’enseignement n’est-elle pas différente dans une grande ville comme Kinshasa et à la campagne ou dans les environs?
PK: On m’a emmené visiter une école dans un coin perdu et j’ai été totalement surpris par ce que j’ai vu sur place. C’était un vrai petit bijou. Les tableaux noirs, l’écriture des professeurs, les élèves qui suivaient des cours de sport,… tout était parfait. C’était beau à voir. Je me suis immédiatement lancé dans l’action en commençant un jeu de ballon avec les élèves. La balle était un morceau de mousse, enveloppé dans du plastique et fixée avec une corde. Je voulais que garçons et filles jouent ensemble, ce qui n’est pas évident là-bas. Mais j’accorde beaucoup d’importance à l’égalité entre hommes et femmes. Je n’aime pas quand les hommes considèrent les femmes comme des êtres inférieurs, ni l’inverse. Voir ces garçons et ces filles courir comme des fous sur un parcours de 50 mètres était un spectacle si captivant que des femmes qui passaient par là se sont arrêtées pour encourager les filles. C’est finalement une fille qui a remporté le jeu. Elle s’appelait Divine, comme si le diable s’en était mêlé. J’ai trouvé cela fantastique qu’une fille puisse fêter sa victoire sous un tonnerre d’applaudissements. J’ai voulu démontrer de cette manière que chacun d’entre nous a des aptitudes. Nous ne sommes jamais bons en tout. Chacun d’entre nous possède des talents particuliers. Je voulais leur montrer que la discipline est une chose, mais que l’aspect ludique est tout aussi important pour motiver les gens. Je réfléchis à présent à une manière de leur procurer des vêtements de sport. J’aime l’échange d’expériences pédagogiques, et j’apprécie également l’aspect humain de cet échange. Des moyens existent pour l’avenir, même s’ils ne viennent pas du gouvernement ou des responsables politiques.
LNA: Quel est le but de votre visite à SOS Villages d’Enfants?
PK: Le fait que mon fils Vincent, un footballeur connu, investisse de l’argent là-bas, touche les gens et les encourage à faire un don pour la bonne cause. SOS Village d’Enfants était mon coup de coeur, plus encore que les écoles. L’espoir existe. Les avantages du village profitent non seulement aux enfants qui y vivent mais aussi à ses 2000 habitants. Il y a même un centre médical rattaché au village. Ce que les politiciens, moi y compris, n’ont pas réussi à obtenir en 50 ans, une organisation comme SOS Villages d’Enfants parvient manifestement à le réaliser. Tout ce que le monde politique a gâché ou omis de faire les cinquante dernières années, cette organisation le concrétise. Lorsqu’on voit tout ce qu’une petite organisation est capable d’accomplir avec les dons des gens, on oublie tout le reste: la corruption, les politiciens qui vivaient dans le luxe en gaspillant l’argent, l’absence de routes, la problématique des grandes villes.
LNA: Il y a donc des raisons de faire la fête?
PK: Oui et non. Après 50 ans, il est temps d’arrêter les guerres (surtout à l’est du pays) qui détruisent le pays. La population ne peut pas évoluer dans une telle situation. Pendant la fête, on oublie la réalité bien sûr. Enfin, j’étais là-bas avec une mission cohérente. Cela c’était déjà, plus que la fête de l’Indépendance, le plus grand événement pour moi. Ce pays avance à cent à l’heure, mais j’avais malgré tout l’impression de venir chez moi, mes pieds s’accrochaient bien au sol.
http://www.sos-villages-enfants.be
http://www.pierrekompany.be
SOS Villages d’Enfants Belgique aide le monde ASBL
Rue Gachard 88 B - 1050 BRUXELLES
IBAN: BE17 3100 4034 5521
BIC: BB RU BE BB
Qui est Pierre Kompany Tshimanga?
Pierre Kompany, né le 08 septembre 1947 à Bukavu au Congo, a quitté le Congo en 1975 pour la Belgique. Réfugié politique, il est devenu citoyen belge en 1982. Il est ingénieur industriel et professeur à l’Institut des Arts et Métiers. Pierre Kompany est habité par la passion de transmettre ses connaissances et son goût pour l’innovation scientifique. Sensible aux questions environnementales, il a obtenu deux médailles d’or au Salon des Inventions à Bruxelles et à Genève pour l’éolienne qu’il a imaginée. Mais Pierre se met aussi au service du progrès en politique. La confiance que les électeurs lui ont témoignée aux élections l’a amené au Collège de Ganshoren, à Bruxelles, où il détient les compétences des Travaux Publics, de la Mobilité, de l’Environnement et de la Propreté. Son engagement en politique est basé sur la volonté et la capacité d’être à l’écoute des autres, pour apporter à chacun une vie meilleure. Son slogan est «Pour de vraies valeurs sans couleur !». Pierre Kompany est papa de trois enfants: Christel, François et Vincent, ce dernier étant footballeur professionnel.
Pierre est 10ème effectif sur la liste du PS aux prochaines élections.