Le phénomène du blanchiment d’argent semble être peu ou prou une gangrène dans nos sociétés. Inconsciemment ou sciemment, les médias n’en font pas beaucoup de cas. Et, pourtant, le phénomène est réel et l’Afrique s’en va en guerre contre ce mal aussi pernicieux qu’un serpent de mer.
Apparu aux environs des années 1990 en Afrique, le blanchiment d’argent gangrène les économies des pays. Phénomène difficile à maîtriser tant ses contours sont complexes, le blanchiment d’argent tue à petit feu les économies des Etats fragiles. Mais en fait, qu’est-ce que le blanchiment d’argent? Les spécialistes de la lutte le définissent comme la dissimulation de l’origine criminelle de l’argent provenant d’une infraction à la loi pénale. L’argent provenant d’un crime ou d’un délit. C’est-à-dire le fait de cacher l’origine de l’argent ‘sale’ que l’on a, constitue le blanchiment d’argent. A titre illustratif, le trafic de drogue est interdit. Or, le trafiquant de drogue fait son affaire et gagne de l’argent. Lorsqu’il le réinvestit dans un autre domaine licite, il fait du blanchiment d’argent. Puisqu’il est en train de cacher l’origine frauduleuse (délictuelle ou criminelle) de l’argent qu’il a eu à travers le trafic. Différents procédés sont utilisés par les inconditionnels de cette pratique en Afrique mais, on en distingue trois grandes opérations. D’abord, le placement qui est l’étape au cours de laquelle les fonds illicites (l’argent) issus de l’opération de drogue par exemple, sont éloignés de leurs sources illégales. Eloigner, c’est-à-dire que le blanchisseur peut déposer l’argent liquide dans une banque, une institution financière, tout comme il peut également se procurer des produits de luxe… Bref, il introduit la somme quelque part. On l’éloigne donc de son origine frauduleuse, délictuelle. Ensuite, la deuxième phase c’est l’empilement. Une fois les fonds illicites injectés dans le système financier, leur blanchiment requiert des grandes actions pour les éloigner davantage de leur source illégale. Cette étape se fait par exemple par l’achat ou la vente de valeurs mobilières. Ou encore expédier ces fonds dans n’importe quel coin du monde par le biais de divers comptes habituellement détenus par des sociétés fictives. Tout cela pour brouiller les pistes des sources frauduleuses des fonds. La dernière phase est celle qu’on appelle l’intégration. L’argent du blanchisseur est en ce moment considéré comme des fonds ayant une origine propre. Le blanchisseur se met en confiance dans l’utilisation de ces fonds, car l’origine illicite étant loin, il peut injecter l’argent dans une entreprise, une activité pour récupérer derrière, de l’argent qui sort de cette entreprise.
Des conséquences fâcheuses
Le blanchiment d’argent a des conséquences fâcheuses sur les économies des pays. Et, le problème majeur dans la lutte contre ce fléau est que les blanchisseurs sont difficilement identifiables malgré les multiples actions de lutte et la pléiade de textes qui existent en la matière. De facto, l’impact du blanchiment d’argent est semblable à un cancer. D’abord, au plan moral, il y a l’influence des organisations criminelles sur le tissu social qu’il affaiblit. Il mine les valeurs individuelles et collectives. Ensuite, au plan politique, les détenteurs de capitaux d’origine illicite sont capables d’infiltrer le système démocratique par le biais de la corruption. Ils obtiennent en ce moment une progression de leur activité délictueuse. Ils constituent de ce fait une menace pour l’ordre public et les valeurs républicaines. Sur le plan économique, les importantes ressources financières dont disposent les blanchisseurs d’argent peuvent conduire à un déséquilibre du marché financier parce que cela crée une concurrence déloyale. Sur le plan financier, l’utilisation des établissements financiers pour des fins de blanchissement peut entamer la réputation et la crédibilité de ceux-ci et provoquer, par voie de conséquence, leur déstabilisation et partant également des crises.
La difficile lutte africaine
La lutte africaine contre le blanchiment d’argent fait son bonhomme de chemin. Cependant, il faut le reconnaître, elle semble avoir l’aile plombée. Sur le continent, c’est le Groupe intergouvernemental d’action contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme en Afrique de l’Ouest (GIABA) qui essaie tant bien que mal de barrer la route aux blanchisseurs. Le GIABA est une institution spécialisée de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui a été créée par la volonté des chefs d’Etat de ladite communauté en décembre1999 à Lomé, auTogo. Ses statut sont été adoptés en 2000 par la conférence des chefs d’Etat au Mali (Bamako) et ses statuts ont été récemment révisés à Niamey(Niger). Ayant pris conscience du danger que représente le blanchiment d’argent sur les efforts du développement, les hautes autorités de la CEDEAO ont décidé la création du GIABA pour combattre vigoureusement l’utilisation de ce système financier à des fins de blanchiment. En termes d’actions sur le terrain, les textes prennent le pas sur les actions. Les instruments juridiques existent. Ces instruments sont de trois ordres à savoir, les instruments juridiques nationaux, ceux régionaux et les textes internationaux. Au compte de la dernière catégorie, existent les conventions, les déclarations et surtout les quarante recommandations du GAFI (Groupe d’action financière) sur les capitaux et les neuf recommandations spéciales du GAFI sur le financement du terrorisme. Il y a également la convention internationale pour la répression du financement du terrorisme de 1999. Malgré tous ces instruments, les capitaux sont blanchis au quotidien et l’Afrique semble être impuissante face au phénomène. Mais, l’espoir est permis dans la mesure où le plus long chemin à parcourir commence par le premier pas. L’Afrique a fait le premier pas, reste à la mayonnaise de prendre. Et, cette mayonnaise ne peut prendre que lorsque les banques et les institutions financières ne dénonceront pas les clients ayant des revenus colossaux ou des revenus à provenance douteuse.