Article publié le 2010-04-27 par Par Cyrille Momote Kabange Chronique
La réforme du système de santé américain: la dérive politicienne [04-2010]
Barack Obama lors du rally ‘health care’
Minneapolis, Minnesota, 2009
© Joshua Bartz
Barack Obama lors du rally ‘health care’
Minneapolis, Minnesota, 2009
© Joshua Bartz
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Aux allures d’une saga, la réforme du système américain de santé a révélé la face ombragée de la société et de ses valeurs qui se sont imposées au monde entier comme les étalons de la morale universelle.  

Aux allures d’une saga, la réforme du système américain de santé a révélé la face ombragée de la société et de ses valeurs qui se sont imposées au monde entier comme les étalons de la morale universelle. Sauf que les valeurs qui ont comme axes principaux, l’exaltation de l’individu pris comme personne à laquelle la liberté confère un statut presque divin et l’utopie de la justice sociale selon laquelle les chances sont mieux réparties dès lors que chacun est placé devant ses responsabilités d’où l’antienne de «enrichissez-vous sans limites», l’atavisme s’enracine au contraire dans l’humus d’une histoire et d’une géographie bien précises. D’abord, en ce qui concerne les Etats-Unis, sur le plan historique, un ensemble de colonies dont les pionniers portaient en eux les sédiments des révoltes ancestrales contre les possédants -c’est le cas principalement des Irlandais sous la domination anglaise- et qui rêvaient d’horizons lointains (la découverte du nouveau monde par Christophe Colomb) où ils n’auraient plus faim (souvenons-nous de la maladie de la pomme de terre et des grandes famines qui s’abattirent  sur l’Irlande entre le dix-septième et le dix-huitième siècle).

Les massacres perpétrés contre les indigènes, les tribus indiennes en particulier, permettront qu’ils marquent leur appropriation des territoires sur lesquels va s’opérer un long processus de peuplement. Celui-ci va progressivement se diversifier au fur et à mesure du développement des rapports de production, celui-ci entrainant le peuplement des négro-africains arrivés là-bas comme esclaves utilisés à l’instar d’objets- machines, étant donné leur haut niveau de productivité en opposition aux Indiens affaiblis physiquement et qui mettaient en danger la rentabilité des exploitations à cause de leur irrédentisme.

Les Etats-Unis ont été formatés, à l’aune d’une conscience aiguë chez les Blancs devenus socialement et politiquement majoritaires, que les discriminations sont utilisées à leur hégémonie, à départ vis-à-vis des Indiens, ensuite des Noirs, même affranchis de l’esclavage, enfin des Hispaniques que leur relative pauvreté économique a jetée sur les routes du puissant voisin. De même le système économique qui va sceller l’alliance des colons avec l’ancienne Métropole insulaire (Grande-Bretagne) va s’alimenter aux nouvelles idéologies qui asservissent davantage les minorités citées en suscitant une nouvelle ligne de rupture entre riches et pauvres, les derniers étant naturellement pour leur majorité, accessibles aux moyens décents d’existence. Malheureusement, les plus pauvres, parmi les membres des minorités, sont assez réceptifs aux arguments idéologiques diffus dans la société globale et n’ont pas, plusieurs décennies durant, montré la moindre conscience de classe.


La réforme, qu’apporte-t-elle?

C’est ce qui explique, probablement qu’un système aussi inique ait résisté vaillamment à l’usure du temps et que ni Théodore Roosevelt, l’homme du New-Deal lui-même, ni John Kennedy, ni Bill Clinton, n’ont pu l’ébranler. Jusqu’à l’avènement d’un Obama, un pur produit de l’esprit américain, métis ou noir, sorti du sérail par ses grands parents maternels. Il est un Américain bien particulier, une sorte de deus-ex-machina, qui serait, cependant, un homme de sang et d’eau, à l’intelligence exceptionnelle.


Mais en quoi consiste cette réforme?

Selon le numéro du 26 mars 2010 du «Nouvel Observateur», cette réforme qu’on peut qualifier d’historique «qui devrait coûter 940 milliards de dollars, permettra de couvrir 95% des Américains, contre 83,5% actuellement» et aider à minimiser les exclusions.  «Les assureurs n’ont plus le droit de refuser des clients sous prétexte qu’ils sont atteints d’affections sérieuses (diabète ou cancer).  La loi limitera les surprimes actuellement appliquées aux catégories à risques: les vieux, les fumeurs, les femmes». D’autres détails concernent l’obligation de plafonnement d’une couverture à 5.950 dollars pour un individu et 11.900 dollars pour une famille en 2010.  «Les dépenses de santé sont plafonnées en fonction des revenus. Les sociétés de plus de cinquante employés qui ne proposent pas d’assurance-maladie encourent des amendes. Certaines PME. bénéficieront d’un crédit d’impôt, pour les aider à couvrir leurs employés». Bref, l’administration Obama ouvre une brèche dans un système qui reposait sur un socle idéologique, celui du «Chacun pour soi» et du minimum d’intervention étatique dans un champ d’action qui devait au contraire privilégier un droit de regard du gouvernement. Faute de quoi, on en est arrivé à ce constat affolant: dans un pays considéré comme la Nation la plus puissante économiquement, la démocratie sociale bat de l’aile. 46 millions de ses citoyens sur 300.000.000 sont sans couverture médicale. L’image même d’un pays du Tiers-Monde.


O! Civilisations, je sais que vous êtes  mortelles!

Pourtant, le Président américain n’a pas convaincu une bonne moitié de ses compatriotes remorqués par les tenants du Parti républicain lesquels en dépit du bon sens, racollent en utilisant la méthode loué - Plus, c’est grossier, moins ça révulse.
On aurait du mal à débrouiller l’écheveau des velléités politiciennes des leaders politiques accrochés à leurs mandats et soumis aux lobbys des assurances et des industries pharmaceutiques qui, elles, faussent carrément le jeu démocratique. Faut-il voir dans les provocations, les injures et dernièrement les menaces de mort proférées contre certains parlementaires démocrates qui ont voté la loi, comme une manie typiquement américaine?  Est-ce de bonne guerre d’ériger, dans une société démocratique, en principe d’action que tous les moyens sont bons pour arriver à leurs fins? En tout cas, nul doute aujourd’hui, que les propos de Paul Valéry interpellent les Nations qui se sont placées au-dessus d’autres peuples par les méthodes obscures qui leur confèrent l’empire pendant un certain temps.

Ce que quelques-uns continuent d’appeler impérialisme et qui se traduit concrètement par le désordre du monde. En tout cas, le grand poète français disait à peu près ceci: «O! Civilisations, je sais maintenant que vous êtes mortelles».