Article publié le 2010-04-20 par Par Cyrille Momote Kabange Chronique
L’Union africaine à la croisée des chemins [03/2010]
A sa création en 1963 dans la foulée de la décolonisation du continent, l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), s’est donnée comme objectifs l’accession à l’indépendance des pays encore sous le joug colonial, et la réalisation de l’Unité africaine, c’est-à-dire l’idéal panafricaniste des pères fondateurs tels Nkwame Nkruma ou Dubois.

Plusieurs commissions ont fonctionné sous la supervision du Secrétaire Général lequel ne disposait pas de beaucoup de marges de manœuvre. L’exécutif de l’OUA n’avait pas les coudées franches pour affronter les questions où la souveraineté des états prenait le pas sur la nécessité de réaliser les objectifs communs tant la volonté politique n’était pas souvent au rendez-vous.

Non seulement elle avait permis, par une énergique action diplomatique de sa commission ad hoc, que les mouvements de libération des territoires portugais aboutissent, sans pour autant minimiser l’appui donné à la lutte armée, aux indépendances de l’Angola, du Mozambique, de la Guinée Bissau, de Sao-Tomé et Principe et les Iles du Cap-Vert. L’Organisation de l’Unité Africaine a donné un tour de vis décisif à certains conflits inter-états. Exemple, la guerre entre l’Ethiopie et l’Erythrée qui a été jugulée sous l’égide de l’OUA.

C’est par une manipulation de l’extérieur que l’équilibre géopolitique de la région a été rompu. L’OUA est également un moment pendant lequel ont été élaborées des structures de fonctionnement qui lui ont assuré de manière inégale, faut-il le dire, quelque efficience en matière d’intégration régionale et de résolution des conflits de voisinage. Citons le cas de la Région des Grands Lacs. Il fut un temps où la Communauté économique des Pays des Grands Lacs (CEPGL) servait de référence par rapport à l’esprit de la Charte de Lagos pour cette raison que cet organisme a permis une meilleure articulation entre pôles de développement au bénéfice des petits tels le Rwanda et le Burundi. La CEPGL a canalisé jusqu’il y a quinze ans, tout l’influx pacificateur entre les trois pays qui la composaient (RDC, Rwanda et Burundi).

La paix a régné pendant plusieurs décennies et c’est une fois encore à cause d’une pernicieuse manipulation de l’extérieur que l’équilibre géopolitique de la région a été rompu. Néanmoins une certaine léthargie a gagné les instances de l’organisation expliquée essentiellement par l’hétérogénéité des conditions socio-économiques et une désorientation des idéaux politiques qui auraient pu alimenter en l’unité fondamentale de la culture africaine même si elle est distribuée en autant de sous-cultures selon leur insertion dans une histoire particulière.
La manipulation des coups d’Etats et l’absence d’une vision politique commune: qui, face à la conduite des Etats bien que souverains dans leur prise des décisions nationales, aurait dû se plier à une éthique, une attitude de gestion conforme à cette transcendance, en est l’illustration.

Le changement de dénomination en Union africaine, une proximité euphonique avec l’Union européenne, ne sont pas éloignés de ce constat de carence. D’une part, l’émergence de Kadhafi qui va mobiliser l’organisation et l’opinion africaine sur le thème de l’unification rapide du continent. Cette stratégie élaborée par Tripoli a bénéficié d’une grosse mise en milliards de dollars mais le résultat escompté à moyen terme ne peut être envisagé car l’idée a suscité des divisions entre les souverainistes et autres thuriféraires.
D’autre part, l’Union africaine (UA) a apporté des modifications de structure notamment en ce qui concerne le remplacement du Secrétaire Général par la Présidence de la Commission, faisant en sorte que l’UA a désormais un visage. L’exécutif est mieux étoffé et bénéficie du nouvel environnement international auquel, depuis la fin de la guerre froide, l’Afrique doit une sorte d’aggiornamento politique.

La tendance est désormais fixée: le pouvoir ne se prend plus par les armes mais par la voie des urnes. Les quelques baroudeurs qui se sont essayés à rompre cette loi d’airain (les cas de la Mauritanie et de la Guinée) ont été marqués aux fers rouges avec l’appui de la Communauté Internationale. Sur le plan du développement des relations avec des tiers dans le cadre bilatéral ou multilatéral, l’Afrique parle progressivement d’une seule voix.
L’exemple le plus clair a été fourni lors du dernier sommet de Copenhague. Les Africains sont parvenus à leurs fins du moins dans les limites des promesses de fonds dégageables à court terme faites par les pays du G20. En tout état de cause, l’Union africaine qui aux dires de Mr Jean Ping, Président de la Commission, n’a pas de remèdes à tout, apporte néanmoins, quelques gages pour l’avenir. Notamment le fait que les Africains sont capables de se déterminer dès lors qu’ils agissent avec sagesse. Les Afro-pessimistes n’ont qu’à bien se tenir.