Article publié le 2010-04-20 par Par Alexandre Korbeogo Politique
Côte d’Ivoire - La sortie de crise de nouveau sur les rails [03/2010]
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La Côte d’Ivoire semblait amorcer un virage dangereux depuis quelques semaines avec la dissolution du gouvernement et de la Commission électorale indépendante (CEI) par le Président Laurent Gbagbo. Grâce au tact du facilitateur dans la crise ivoirienne, le Président Blaise Compaoré du Burkina Faso, le processus est remis sur les rails avec à la clé la recomposition d’un nouveau gouvernement et d’une nouvelle Commission électorale indépendante qui respectent les accords signés à Linas Marcoussis.

La réconciliation des ivoiriens avec eux-mêmes passe par la recomposition de la CEI et du gouvernement

Le mois de février a été particulièrement mouvementé en Côte d’Ivoire. La paix tant espérée semblait se volatiliser au gré des humeurs, consécutives à la dissolution du gouvernement et de la Commission électorale indépendante (CEI) par le Président de la République Laurent Koudou Gbagbo le 12 février 2010. A l’origine, une affaire de suspicion de fraude sur la liste électorale. Selon le camp présidentiel, la Commission électorale indépendante (CEI), pilotée par Robert Beugré Mambé aurait inscrit frauduleusement plus de 429 000 électeurs sur la liste électorale. Le camp présidentiel réclame alors la tête du Président de la CEI. L’opposition radicale, le Rassemblement des Houphouétistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP) se braque. «Pas question que Mambé démissionne» clame-t-il. La machine se grippe. Des magistrats, sous l’instigation du Ministre de l’administration territoriale, Désiré Tagro jette «l’huile sur le feu». Dans certaines villes de la Côte d’Ivoire, ils suppriment des inscrits sur les listes électorales prétextant leur nationalité «douteuse». Des émeutes éclatent avec à la clé des dégâts. Le Premier ministre Guillaume Soro, de concert avec le Président Laurent Gbagbo, décide: «Le contentieux judiciaire en cours devant les tribunaux de première instance est suspendu jusqu’à nouvel ordre sur l’ensemble du territoire national à compter de ce jour mercredi 10 février 2010». Le facilitateur, le président du Burkina Faso, Blaise Compaoré, convoque illico presto les protagonistes à Ouagadougou. L’urgence impose de rectifier le tir, là où des élections étaient prévues pour se tenir fin février début mars. Il est clair que cette date n’est plus tenable au vu des réalités du terrain.


Quelles solutions pour ce beau pays?

Au vu de l’évolution actuelle des choses, le processus de sortie de crise est de nouveau relancé au bord de la lagune Ebrié. La formation du gouvernement et de la CEI, en respectant les accords de Linas Marcoussis (voir encadré) permet à chaque partie prenante de jouer son rôle dans le processus de sortie de crise. La situation présente en Côte d’Ivoire est d’autant plus délicate que l’intérêt supérieur de la nation doit primer sur les intérêts égoïstes et partisans. Que ce soit dans le camp présidentiel tout comme dans celui de l’opposition, les intrigues et les crocs en jambes ne permettent pas d’avancer dans la sortie définitive de la crise. Cette situation est d’office une patate chaude aux mains du facilitateur, Blaise Compaoré. A l’analyse de la situation, la recomposition de la CEI et du gouvernement en tenant compte de la réalité socio politique et des forces en présence est la solution pour réconcilier les ivoiriens avec eux-mêmes. Il est clair que cela fera prendre du temps au processus mais c’est l’une des solutions pour aller aux élections de façon sereine. Une autre solution, après la formation de la nouvelle CEI et du nouveau gouvernement est de retirer tout simplement la liste des 429 000 inscrits du circuit (cela a déjà été fait) et prendre des dispositions pour que de telles erreurs ne se produisent plus. La Côte d’Ivoire en a besoin, l’ouest africain en a besoin; l’Afrique en a besoin et le monde entier le désire fortement. Il faut sortir de cette situation de ni paix ni guerre depuis la rébellion armée de 2002. L’urgence s’impose pour sauver l’éléphant d’Afrique (l’emblème de la Côte d’Ivoire est un éléphant).


Résoudre la question cruciale une bonne fois pour toutes


Ayant acquis son indépendance en 1960, le pays de l’hospitalité, comme le chante son hymne national, a perdu de sa superbe à la mort de son premier président Felix Houphouët Boigny. Henry Konan Bédié le remplace sur fond de tensions. Pour en rajouter, l’ivoirité fait surface. On ne sait plus qui est ivoirien et qui ne l’est pas. Le pays s’emballe jusqu’au coup d’état du général Robert Gueï. A son tour, il sera trucidé lors des émeutes de 2002, consécutives à l’élection présidentielle chaotique remportée par le Président Laurent Gbagbo. Depuis, plus rien n’a été comme avant en Côte d’Ivoire. De complots en tentatives, de coups d’états en passant par des règlements de compte, le pays s’est saigné et a fait saigner ses fils. Pourquoi? Le problème réel de la Côte d’Ivoire est le problème identitaire. Félix Houphouët Boigny avait su concilier les nordistes et les sudistes en permettant à chacun d’avoir une place à la table du seigneur. A son décès, l’ivoirité montée de toutes pièces et théorisée en idéologie est venue gâcher la fête. Aujourd’hui, une question identitaire a pourri la vie de la nation ivoirienne. Pour venir à bout des crises qui secouent ce pays, jadis eldorado de l’Afrique de l’Ouest, il faut résoudre définitivement la question de l’ivoirité. Les textes existent en la matière, il suffit de les appliquer avec hargne et courage. Sans cela, il sera difficile de placer un plâtre sur une plaie ouverte.
A.K.

Ce que disent les Accords de Linas Marcoussis à propos de la formation du Gouvernement

- Le gouvernement de réconciliation nationale sera dirigé par un Premier ministre de consensus qui restera en place jusqu’à la prochaine élection présidentielle à laquelle il ne pourra se présenter.

- Ce gouvernement sera composé de représentants désignés par chacune des délégations ivoiriennes ayant participé à la Table Ronde. L’attribution des ministères sera faite de manière équilibrée entre les parties pendant toute la durée du gouvernement.