Article publié le 2010-01-06 par TEBI Joachim ABLE, pour LNA
Opinion
Que l’Afrique ne saurait être de Gauche ou de Droite [01/2010]
TEBI Joachim ABLE
Philosophe, théoricien de la Palabre
africaine
Dans mon article du mois d’octobre intitulé : du mensonge en politique, je me permettais d’inviter nos compatriotes africains, à retourner sous l’Arbre à Palabre afin de se rendre compte que l’Afrique ne saurait être de Gauche ou de Droite. En effet, en considérant les valeurs profondes de la Palabre africaine et de la théorie de l’Antinomie Nécessaire, exposées précédemment, l’on voit bien que loin de diviser, la Palabre africaine qui court toujours après la justice, entretient inlassablement le souci de créer la paix ; comme nous l’avons vu avec les accords politiques ivoiro-ivoiriens signés à Ouagadougou, au Burkina Faso, en mars 2007. Et j’ose croire que ces accords apporteront un résultat probant si les pyromanes tapis dans les forêts et savanes africaines, ne viennent encore pulvériser nos espoirs.Hommes de Gauche et de Droite doivent pouvoir gouverner ensembleAvant de répondre à la question relative, en politique, au positionnement idéologique de nos compatriotes, je voudrais déjà vous révéler le mien: en ce qui me concerne, j’ai une gauche, de un. J’ai une droite, de deux. Après un et deux, on arrive à trois; à la symbolique du trois, à cette troisième voie dont je parle souvent. Une troisième voie évite aux deux précédentes de s’étouffer mutuellement, dans un affrontement acharné, en quête d’émancipation. N’allez donc pas croire que je prêche forcément pour un troisième choix politique. La troisième voie est simplement celle de la liberté, de la justice, du partage, de la paix et de la fraternité humaine.
A supposer que vous votiez pour un dirigeant politique de Gauche et qu’après coup, celui-ci pratique constamment la fraude et se mette en contradiction flagrante avec les règles les plus élémentaires de la justice sociale et du partage. Ne le combattriez-vous pas ?
Et si le dirigeant en question est de Droite et qu’il se montre loyal, républicain, compétent et rigoureux; le combattriez-vous?
Cela veut dire que plus que cette classification, c’est plutôt l’idéal de justice qu’il importe de rechercher dans les formations politiques. Qui aujourd’hui pourrait gouverner un pays moderne sans sa gauche et en l’absence de sa droite ? Pour ma part, j’ai une main gauche, je tiens à ma main droite et je passe au milieu, là où se trouve la vérité politique. Au sujet de la justice, du partage et de la paix sociale, le militant de gauche a raison et le militant de droite a raison, mais seul le politicien a tort.
Le président François Bayrou aurait-il lu la théorie de l’Antinomie Nécessaire?Je ne suis ni orgueilleux ni prétentieux. Je ne suis donc pas en train de me positionner injustement comme le précepteur de François Bayrou; ce qui contreviendrait aux règles de la civilité et déclencherait même son mécontentement et pourrait le rendre certainement agressif. Je tiens seulement à faire remarquer qu’en France, après Valérie Giscard d’Estaing, le parti de Bayrou, président de la défunte UDF, faisait, entre 6 et 8% des voix aux élections jusqu’en 2002. Après 2002, le président du Mouvement Démocrate (Modem) m’enverra une lettre de remerciements pour le petit livre que je venais de lui expédier, où l’on pouvait lire cette théorie selon laquelle : les serviteurs de Gauche peuvent être autant utiles que les serviteurs de Droite, dans les mêmes moments, dans les circonstances d’un même programme politique. François Bayrou, en ce qui le concerne, avait-il réellement lu mon petit livre
comme j’avais pu lire, moi, sa lettre de remerciements ?
En 2007, sans pour autant voir, forcément, une filiation entre ce que j’ai écrit et ce qu’à proposé François Bayrou aux Français, j’ai pu constater, comme tous les compatriotes Français, l’impressionnant score de l’adversaire de Nicolas Sarkozy, à l’élection présidentielle de cette année-là : 17 millions d’électeurs au premier tour, grâce à un discours politique nouveau qui n’avait rien en commun avec ce traditionnel discours d’ouverture que l’on entendait, en France, depuis longtemps.
La profonde similitude entre l’Antinomie Nécessaire et ce discours politique nouveau proposé aux Français par Bayrou, en 2007, me donna l’impression que l’Afrique avait réellement quelque chose à proposer dans ce domaine.
Mais si l’on veut rigoureusement faire allusion à la sociologie politique, il devient bien ridicule de parler de l’existence d’une Droite, en Afrique. Certains Africains peuvent cependant continuer à le faire, si cela accroît le nombre de leurs galons de copistes invétérés.
Qu’est-ce que la Gauche,
qu’est-ce que la Droite ?Mais au départ, le clivage Gauche-Droite tient à l’anecdote ou à la légende. Elle nous apprend, en effet, qu’à l’époque de la royauté, au cours d’un débat, disons, parlementaire, il y eut des contestataires qui firent preuve de courage en se montrant hostiles à l’exposé concernant sa politique financière que le roi venait de faire. Il faut rappeler que la France vivait, à cette époque, des années de troubles tant socio-économiques que politiques, que ce clivage a été le fait d’une crise financière (encore l’argent) survenue dans le royaume, au moins depuis 1781, et que des acteurs comme Calonne et Loménie de Brienne ont tenté de résoudre entre 1783 et 1787, sans y parvenir.
Afin de se désolidariser donc de ce ‘‘gauchissement’’ de la pratique politique établie, incarné par les opposants au discours du roi et montrer du même coup son indéfectible attachement à Louis XVI, un autre groupe de participants se manifesta, quittant chacun son siège et allèrent occuper, à tout hasard, d’autres places dans l’hémicycle. On constata que les fidèles et les inconditionnels du roi s’étaient rangés, de façon fortuite, à la droite de Louis XVI, comme l’on rêve de siéger un jour à la droite du père. Les contestataires, eux, étaient restés figés à sa gauche, tels des damnés de la vie politique.
Est-ce toute l’explication ? Toute cette empoignade que nous vivons aujourd’hui serait née de là ? Pourraient se demander certains. Mais on se rend bien compte que toutes ces bagarres insensées auxquelles nous assistons, sont effectivement parties d’un simple fait du hasard.
On pourrait regretter que beaucoup de nos Africains de Gauche ou de Droite l’ignorent ; ce qui les poussent à se jeter dans le bateau ou dans le train de la politique, à la recherche de leur pain quotidien. Ainsi, grâce à l’argent du peuple, ils se mettent à l’abri du besoin et laissent le peuple crouler sous le besoin... Kamits et Athéniens! Sortez de vos tombeaux pour nous apprendre la démocratie...
Le 11 septembre 1789Le clivage Gauche-Droite est donc né, en France, le 11 septembre 1789, au Manège des Tuileries, à Paris. Pour la petite histoire, disons qu’aujourd’hui, le Manège des jardins des Tuileries, reste une véritable attraction pour les familles françaises.
Dans le cours des événements, les contestataires de Gauche ont été contraints à une rude bataille et à une lutte féroce pour exister; parce qu’à la suite de Louis XVI, les rois ont longtemps favorisé leurs partisans et leurs ‘‘obligés’’ qui ont eu la main-mise sur les activités économiques du royaume. Sur le plan pratique, le développement de l’entreprise leur a été dévolu. Le groupe s’est développé de proche en proche et ses méthodes de travail se sont exportées dans les pays lointains. Et petit à petit, est né l’idéal de l’économie libérale.
Mais une précision s’impose, cependant: aujourd’hui, tous les grands patrons n’ont rien à voir avec la lignée historique royale; et beaucoup n’auraient jamais été à la solde du roi. Tous les grands patrons ne partagent ni l’idéal du capitalisme avilissant ni l’idéologie du profit contre l’homme.
Quant aux Africains qui ne devraient nullement s’engager dans une bataille aussi insensée, on pourrait leur poser la question de savoir de quelle Droite parlent-ils ?... Une droite en coton ? Une droite molle ? Une droite de mauviette ? Une droite en feuilles de patate ? Une colonne de chenilles
Où sont les entreprises africaines de leurs pères ? Où est le tissu industriel africain de leurs pères ? Qu’est ce qui justifie alors chez-eux cette grande distinction ? Pendant qu’on nous dit qu’actuellement, l’Afrique ne pèse même pas cinq pour cent sur le marché mondial, au nom de quelle tradition l’on parlerait d’une quelconque Droite sur ce continent ?
En Afrique, la Droite est-elle génératrice de biens et de prospérité, une Droite porteuse d’économie et capable de lever de l’épargne -encore que ce n’est nullement la Droite, mais les citoyens qui produisent les richesse- ou, une Droite servant de bras séculier à la vraie Droite qui est intelligente et magnifique ?
Il me semble qu’à l’heure actuelle, la supposée Droite africaine ne serait seulement qu’une Droite gardienne du temple. Mais le gardien du temple ne sera jamais l’égal du prêtre qui, lui, décide de l’heure du sacrifice et qui officie.
En considération du contexte sociologique qui prévaut actuellement en Afrique, les hommes politiques riches qui voudraient s’inspirer de la théorie du sociologue allemand Max Weber, ne sont rien d’autre que des hommes-d’argent-sans-cœur. Ces hommes sont au plus bas de l’échelle politique. Souvent, ce sont des individus méprisables, adorateurs du pouvoir par l’argent. Noyés dans leur politicaillerie, on les voit souvent se disputer farouchement les honneurs du peuple. Et de ce fait, ils sont les hommes les plus à plaindre du monde politique. Ils restent à l’origine de toutes les injustices et de toutes les violences. Ils ne sont jamais libres parce qu’ils vivent perpétuellement dans le mensonge qu’ils couvent comme la poule ses œufs.
La pratique quotidienne de la violence a fini par leur causer un strabisme incurable qui les empêche de déceler le sens réel de l’action politique qu’ils transforment en guerre larvée contre leurs surveillants ou opposants, et contre leurs concitoyens. De ce fait, ils perdent leur naturel et leur sourire. S’il leur arrive de sourire, c’est encore pour la mauvaise cause; c’est qu’ils sont en train de mépriser leurs interlocuteurs ou alors, ils cherchent à se donner raison.
Les politiciens comme
les souris des casesMais ils sont d’autant plus méprisables que ces fameux politiciens ressemblent aux souris des cases. En effet, lorsqu’une souris te ronge la peau, la nuit, et que tu commences à ressentir la douleur des brûlures qu’elle te cause, elle souffle sur la plaie qu’elle t’imprime dans le corps afin que tu ne te rendes compte de rien. Mais lorsque le matin, à l’aide de la lumière du jour, tu t’en aperçois finalement, il est souvent trop tard et elle pense, déjà, à la victime de la nuit suivante. Voilà comment ils salissent la politique qui est pourtant une activité noble. En marchant toujours à quatre pattes et en opérant dans l’obscurité, ils mettent le monde en retard par des intrigues de toutes sortes. Leurs discours mensongers ressemblent à des plaies dont on ne se rend pas souvent compte de la profondeur.
Leur avoir n’a rien en commun avec la richesse...
A suivre